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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 16:19

 F X De maison

 

J’aime rire mais je ne vais guère aux spectacles des humoristes : être contraint de rire pendant une heure trente m’a toujours semblé fastidieux. Pourtant, mardi  06 mars 2012, j’ai assisté au Théâtre Beaurepaire à Saumur au dernier spectacle de François-Xavier Demaison, Demaison s’évade, et j’avoue que j’y ai ri de bon cœur.

Dans ce one-man show, qui fait suite au premier, Demaison s’envole, l’ancien spécialiste en fiscalité internationale, propose une galerie de personnages déjantés. Vêtu simplement d’une chemise et d’un pantalon noirs, il joue sans aucun accessoire, ce qui lui fait dire en souriant que son spectacle est « le moins cher de Paris ».

En une heure et quart, l’humoriste se métamorphosera en une quinzaine de personnages délirants. Il emploie un ton Marie-Chantal pour Isabelle la femme d’un couple de bobos parisiens qui a ouvert une maison d’hôtes dans un riad à Marrakech  et dont « le spa est alimenté par une source naturelle captée avant d’arriver au village ». Il nous donne à entendre la puissance de sa voix en incarnant le gynécologue italien de sa femme qui pratique l’accouchement « bel canto ». Il imite à s’y méprendre la marche avec un déambulateur d’un grand-père qui a découvert le haschich à Koufra dans la division Leclerc et aime une Irlandaise obèse, « tellement grosse qu’elle a même des vergetures sur ses vêtements ». Il transforme d’une manière inénarrable son visage en celui de Bitou le petit castor, qui sera victime d’Arthur Hache, le serial killer québécois. Qu’il incarne un conseiller en adultère qui confie les 10 règles élémentaires pour tromper impunément sa femme ou un sommelier ivre de vins fins, qu’il danse sur des airs arabisants ou boxe un grand noir, sa vitalité et son énergie débordantes font merveille.

En dépit de quelques baisses de régimes et de passages où la vulgarité n’est pas toujours absente (le personnage du masseur-voyant ne m’a guère convaincue, n'en déplaise aux amateurs de "duches" !), on ne peut nier que le comédien, qui incarna Coluche et fut nominé aux César pour ce travail d’acteur, n’est pas économe d’énergie et d’enthousiasme. On aimera aussi sa relation avec le public et sa manière très personnelle de le faire participer au spectacle.

Ce rythme endiablé, cet art du dialogue qui font mouche sont pour Françouis-Xavier Demaison une manière de se raconter à travers des personnages complètements fous mais aussi parfois « désespérés et désespérants », ainsi qu’il de dit dans une interview à Nikos Aliaghas. N’est-il pas horrible cet homme cynique qui fête trois fois Noël avec sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer ? Pour celui qui n’était pas fait pour le milieu des affaires, faire rire est un moyen « de lutter contre la violence qui nous entoure en la transformant en humour ». On le voit notamment avec son personnage de grand patron qui triche même lorsqu’il joue au golf. Il en va de même pour Diane, l’avocate d’affaires, célibataire à 47 ans, insupportable avec ses collaborateurs.

Alors si, comme le déclare François-Xavier Demaison, l’humour qui « transforme et poétise parfois le réel » est vraiment « une respiration », ce mardi soir-là, j’ai vraiment pris une bonne bouffée d’oxygène.

 

Sources :

Europe 1, le 19 septembre 2011, Interview de Demaison par Nikos Aliaghas.

L’Express Culture, le 23/11/11, Interview de Demaison par Bérénice Mottelay

 

 

 

 

 

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 09:03

cyrano.jpg

   Cyrano de Bergerac (Edmond Rostand), La scène du balcon, Paul-Albert Laurens,

acte III, scène 10

(Crédit photos cyranodebergerac.fr)

 

 

 

La nuit était obscure et Cyrano fidèle

Accompagnait Christian chez une damoiselle

Une fine précieuse vive et spirituelle

Qui aimait les mots doux les serments éternels

Les phrases compliquées celles qui ensorcellent

Or pour plaire à Roxane l’ami qui se flagelle

Souffla au soupirant des aveux sensuels

Et quand Christian monta pour embrasser la belle

Il demeura en bas au-dessous de l’échelle

Brandissant son flambeau dont la flamme chancelle

Triste et désespéré de tenir la chandelle

 

Pour Le Défi de la Semaine,

Thème proposé par Lilou Frédotte : prendre une expression au pied de la lettre

 


 

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 23:25

de-dos-kangourou.JPG

Kangourou de dos à Kangaroo Island, Australie

(Novembre 2008, Photo ex-libris.over-blog.com)

 

 

C'était à Kangaroo Island

Que découvrit Matthew Flinders

Et que cartographia

Le Français Nicolas Baudin

Un île sans renards ni lapins

Où criaille le cacatoès noir

Et où vivait un émeu nain

En lointaine Australie


Or il y a trois ans

J'y vis ce kangourou

Je lui avais souri

Il n'était pas poli

Et me tourna le dos

 

 

Pour la communauté de Hauteclaire, Entre Ombre et Lumière,

Thème : de dos

 


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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 14:18

Lucas-Cranach--les-trois-graces.jpg

Les trois Grâces, Lucas Cranach

 

Aujourd'hui, je fête l'anniversaire des trois ans de mon blog, que la fille de mon amie Alice m'a aidée à créer.

Cette quinzaine, il est 1152° dans le Top des blogs d'Overblog.

Depuis le 06 mars 2009, 226.959 pages y ont été vues pour un nombre de visites totales de 110.302.

Le mois de février 2012 aura été celui du plus grand nombre de visites, à savoir 15.254. 

Je remercie mes amis fidèles, Alice, Suzâme, Martine, Nounedeb, Monelle, Valdy, Brunô, Dan, Hauteclaire... et tous les autres, ma cousine photographe du Pays basque, mon cousin anglais qui traduit régulièrement mes pages dans la langue de Shakespeare, mes amies Dominique et Marie-France et ma fille Violaine, qui me lisent via FaceBook, mes fils, le proche et le lointain, qui me laissent des message codés que je reconnais toujours, oreilles attentives, lecteurs compréhensifs, âmes-soeurs pour des affinités électives à travers les mots.

J'adresse un signe plein de reconnaissance au lecteur magyar qui, hier, a traduit mon billet sur Un Pedigree de Modiano en hongrois. Je suis toujours aussi étonnée de découvrir mes mots métamorphosés dans d'autres langues, proches et lointaines, du russe au polonais, en passant par l'espagnol. Je salue encore tous ceux qui "recommandent" tel ou tel article ou qui mentionnent "J'aime" sous un billet qu'ils ont apprécié.

Ayant tant aimé l'ancienne l'ancienne Ile de France, il me plaît à penser que mon article, "Baudelaire à l'île Maurice : un voyage initiatique" soit un des plus lus de mon blog. Il en va de même pour le billet intitulé "Tadzio, l'ange de la mort", qui évoque le destin de ce personnage mythique de Mort à Venise, un de mes films-cultes.

Grâce au Carnet de Poésie de ma grand-mère, je suis émue d'avoir retrouvé les enfants de ceux qui y avaient leur nom, et d'avoir eu des échos de ce temps qui n'est plus.

En ce jour anniversaire du 06 mars 2012, je me souhaite, je nous souhaite encore beaucoup de belles rencontres et de passionnantes découvertes. Et j'applaudis sans réserve à ce qu'écrivait Marguerite Yourcenar, la première femme à entrer sous la Coupole, le 06 mars 1980 : "Quoi qu'il arrive, j'apprends. Je gagne à tout coup."

 

 


 


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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 23:03

 

 fort gardel traveler55 virtualtourist

Fort-Gardel. Les 10 et 11 avril 1913, le capitaine Gabriel Gardel, grand-père de Louis Gardel,

avec cinquante spahis, y arrêta une grosse harka du sultan Ahmoud.

(Photo Virtual tourist)

 

 

Lire Fort-Saganne de Louis Gardel, c’est entrer dans le rêve fracassé des bâtisseurs d’empires. Ce roman se passe en effet entre 1911 et 1915, au moment où les Touaregs qui s’étaient ralliés à la France en 1904 ne répondent plus aux messages et désertent, tandis que le chef sultan Ahmoud prépare une offensive à partir de Ghât, derrière la frontière tripolitaine. Le but pour l’Armée coloniale est alors d’occuper au plus vite le Tassili pour y asseoir sa domination sur les tribus Ajjer. Mais la  Grande Guerre sonnera le glas de l’expansion coloniale.

Le roman est l’histoire d’une jeune lieutenant ariégeois, d’origine paysanne, Charles Saganne. En quinze chapitres, le récit mêle une narration à la troisième personne à des lettres du héros à sa famille et à des pages de son journal. De l’école des enfants de troupe de Saint-Hippolyte-du-Fort aux tranchées de la Grande Guerre, en passant par le désert du Sahara, on suit le destin de cet homme jeune, épris d’aventures, qui connaîtra son heure de gloire à Esseyène, dans la nuit du 10 au 11 avril 1913, en affrontant au cours d’un combat mémorable les troupes rebelles d’Ahmoud. Un fait d’armes qui lui permettra d’entrer dans la légende targuie. Titulaire de la Légion d’honneur à vingt-sept ans, il pourra alors enfin épouser Madeleine de Saint-Ilette, le 2 juillet 1914. Après la mort de son frère Lucien au front, il combattra  lui aussi les Allemands et mourra au lazaret de Hann-Munden, alors que le prêtre lui apprend que sa femme attend un enfant.

Le parcours de cet officier amoureux du désert nous fait rencontrer toute une galerie de personnages hauts en couleurs, que Gardel décrit avec un remarquable art du portrait. Entre les politiques à Paris, « tous ces assis », et les militaires sur le terrain, le fossé est grand. Ainsi le colonel Dubreuilh, qui ambitionne de « devenir le plus jeune général de France », est persuadé que la prise de Ghât est la clé de la paix au Tassili alors que Bertozza, « grand cumuleur de mandats, bruissant comme un bourdon », qui pressent la menace de la guerre, pense que le « temps des aventures est passé.

Dans ce désert, qui peut procurer aussi bien un sentiment de « haute paix » que de « monotonie harassante », Saganne côtoiera le pire comme le meilleur. Les officiers des Affaires indigènes « à la mentalité de ronds-de-cuir », les coloniaux d’Afrique « zèbres qui ont besoin de l’étrille », le maréchal des logis alcoolique Vulpi, « vingt ans de Sahara. Deux fois cassé de son grade », le médecin Courette qui joue du violoncelle sur son chameau, René Hazan, l’interprète juif, qui ressemble à un lettré musulman, le capitaine Flammarin persuadé que même les Arabes qui [les] aiment [les] détestent », le brutal capitaine Baculard d’Arnaud, « gaillard à l’intelligence épaisse ». Aux côté  d’Embareck le « grand raconteur d’histoires », le noble Moussa Ag Amastane, le gentil Sama, il découvrira l’hospitalité, la fierté et le courage des Touaregs.

Il rencontrera aussi Charles de Foucauld, « homme admirable » à « l’humilité terrible », qui lui dira : « Cher monsieur Saganne, que vous le vouliez ou non, vous êtes un chercheur d’absolu ».

Pour moi, en effet, plus qu’une épopée guerrière, ce roman est davantage l’histoire d’un homme miné par une sorte de mal être, par le « taedium éternel, l’ennui [cette] maladie glissée partout, empoisonnant toute joie, entravant toute étude, désespérante ».

L’ennui est en effet « l’ennemi le plus redoutable » du jeune officier, ainsi qu’il l’écrit à son frère Lucien. C’est ce sentiment « accablant » qui, à Djelfa, le centre administratif où il est en garnison, le fait « s’abîmer dans l’inaction jusqu’à la nausée ». Sentiment que réactivent aussi les longues marches dans le désert à dos de chameau où l’on avance « comme dans un cauchemar », les crises de « grinche du Sud » où l’on se dit « qu’aucune cause ne justifie aucun acte », et la liberté de « réaliser toutes [les] fantaisies » dans un univers dont Courette, le médecin, dit qu’il les « rend tous malades ».

C’est un personnage complexe qui interdit à son frère d’épouser la femme qu’il aime et qui portera à jamais la culpabilité du suicide de celle-ci : « Il est coupable, irrémédiablement. Il a fait le mal absolu, celui pour lequel il n’y a ni excuse ni pardon. » C’est encore un amoureux que la journaliste Louise Tissot révélera à lui-même. Et quand il pensera à elle, en évoquant les trois objets qui la lui rappellent, il se dira : « Ces trois objets ont plus d’importance dans mon histoire (ma vraie histoire, celle qui court sous ce que je montre et ce que je fais) que mon entré à Saint-Maixent. » C’est enfin un rêveur qui ne souhaiterait qu’une chose, devenir colon au Maroc : « Une mule, une pioche, une gandoura : du lever au coucher du soleil défricher la terre, creuser le puits, planter. Le soir, se reposer, attentif au soir. Manger quand il a faim, auprès d’une petite fille silencieuse. Approcher le sommeil, y tomber. »

Après la mort de son frère au front, il obtiendra aussi de partir combattre les Allemands. Il dira alors : « Quand il y a trop de morts, je ne vois plus qu’eux. Des milliers de cadavres, c’est monstrueux. » Blessé à mort, comme le Targui Takarit, « il fera, contre tout espoir son devoir d’homme ». Au moment de mourir, ce qu’il revoit, « ce sont les moments vides : les lentes méharées, les attentes, les rêveries près des feux de bivouac ». En cet instant ultime, il considère que « ses exploits[…] ne lui ont rien appris » et que « cet héroïsme contre nature ne lui est d’aucun secours ». Alors qu’il retrouve « amplifiée, cette sensation de basculer vers le sol qu’il éprouvait quand, sous lui, le chameau s’agenouillait pour la halte », il comprend qu’il doit découvrir « un mot qui signifie à la fois « je vous remercie » et « je vous demande pardon ». Il mourra en le prononçant.

Alors, est-il un « formidable héros », ce Saganne, comme le dit la préface de l’édition Points ? L’héroïsme, il en a fait le tour, il en a vu les écueils, celui qui déclare à son ami René Hazan : « Mais tu sais, René, je ne pourrais pas recommencer, même avec l’assurance de la croix au bout, et de Madeleine en prime ! » Frère à sa manière du lieutenant Drogo du Désert des Tartares, autre roman du désert, il comprend sans doute comme lui que toute cette aventure n’a été qu’un « divertissement », avant l’ultime rendez-vous avec la Mort.

 

 

Fort-Saganne, Louis Gardel, Points, 1980

 


 

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 22:30

_Rue_Saint-Martin-a-hauteur-de-la-rue-de-Rivoli.JPG

Rue Saint-Martin

(Photo Wikipédia)

 

De l’aventure surréaliste aux compagnons des camps de concentration, Robert Desnos fut un chantre de l’amitié. En 1930, dans Corps et biens, il avait déjà écrit :

« Il avait le cœur sur la main

Et la cervelle dans la lune

C’était un bon copain… »

Dans Les portes battantes (1936-1938), il évoquait « cet ami que je n’ai pas revu… » :

« Mais le temps viendra bientôt

Où les rencontres d’amis seront désirables

Et où, de toutes façons,

Ils auront quelque chose à se dire »

Avec Etat de veille, recueil de poésie engagée (vingt poèmes publiés en 1943, dans la collection « Pour mes amis », édités hors commerce par Robert J. Godet, avec une gravure originale au burin par Gaston-Louis Roux), on retrouve ce fil de l’amitié, patiemment tissé avec ceux qui se battent aux côtés du poète pour la libération de la France.

C’est en effet le moment où Desnos est entré dans le réseau Agir après la rafle du Vel d’hiv. Il fournit alors des informations pour la presse clandestine et « fabrique des pièces pouvant aider des membres du réseau et des israélites ».

Ainsi dans le deuxième poème, « Histoire d’une ourse », on peut lire :

« J’entends des pas lourds dans la  nuit,

J’entends des chants, j’entends des cris,

Les cris, les chants de mes amis.

 

Leurs pas sont lourds

Mais quand naîtra le jour

Naîtra la liberté et l’amour. »

 

Dans le très beau poème, « Couplets de la rue Saint-Martin », c’est avec une pudeur retenue qu’il évoque son ami André Platard, disparu un matin, et qui sera fusillé par les nazis.

 

Je n’aime plus la rue Saint-Martin

Depuis qu’André Platard l’a quittée.

Je n’aime plus la rue Saint-Martin,

Je n’aime rien, pas même le vin.

 

Je n’aime plus la rue Saint-Martin

Depuis qu’André Platard l’a quittée.

C’est mon ami, c’est mon copain.

Nous partagions la chambre et le pain.

Je n’aime plus la rue Saint-Martin.

 

C’est mon ami, c’est mon copain.

Il a disparu un matin,

Ils l’ont emmené, on ne sait plus rien.

On ne l’a plus revu dans la rue Saint-Martin.

 

Pas la peine d’implorer les saints,

Saints Merri, Jacques, Gervais et Martin,

Pas même Valérien qui se cache sur la colline.

Le temps passe, on ne sait rien.

André Platard a quitté la rue Saint-Martin.

 

                                                              1942

 

in Etat de veille, avril 1943

 

D’une certaine manière, ce poème fait suite au dixième, daté de 1936, intitulé « Aujourd’hui je me suis promené… ». Le poète y raconte comment il se promène avec un camarade « même s’il est mort »,et comment celui-ci lui dit :

« Toi aussi tu viendras où je suis,

Un Dimanche ou un Samedi, »

Deux textes qui se répondent et qui sont préfiguration du sort qui sera dévolu à Desnos lui-même…

Composé d’une suite de quatre strophes, alternant quatre et cinq vers, ce poème est d’une extrême simplicité. S’apparentant à une chanson populaire, telle une rengaine, il demeure à l’esprit grâce à l’emploi du son [in] repris à la rime, à la répétition lancinante de l’adverbe « rien », à une suite de vers, composés uniquement de phrases juxtaposée, comme dans le langage quotidien.

Le désamour du poète pour la rue Saint-Martin s’explique par la disparition de l’ami, le copain, avec qui il partageait « la chambre et le pain », retrouvant à travers ce partage l’étymologie du mot co-pain. Il s’exprime surtout par le leitmotiv du vers « Je n’aime plus la rue Saint-Martin », répété cinq fois, et qui fait office de refrain.

André Platard demeure présent au cœur de Desnos. Son nom revient trois fois dans le poème, ce qui lui permet de le ramener à l’existence. Il en va de même pour l’emploi du présent permanent : « C’est mon ami, c’est mon copain ». Pourtant, même l’imploration des saints du quartier ne sert plus de rien, ils sont désormais inefficaces, en dépit de l’accumulation de leur  nom (« Merri, Jacques, Gervais, Martin »). L’allusion au Mont Valérien ajoute encore au tragique de l’évocation.

Enfin, le sort funeste de l’ami est exprimé de manière très euphémisée par les formes verbales « on ne l’a plus revu » et « André Platard a quitté… ». L’atmosphère ici est toute empreinte de pudeur et de délicatesse et fait immanquablement songer à « Pauvre Rutebeuf » de Villon :

« Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés … »

Même épure, même dépouillement, révélateurs, me semble-t-il de ce que recherchait Desnos dans Réflexions sur la poésie : « Unir le langage populaire, le plus populaire, à une atmosphère inexprimable, à une imagerie aiguë… »

 

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par Lilou Frédotte : l’amitié

 


 

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 10:05

Cercles-da-sable-3.jpg

Cercles de sable : le début du spectacle

Mardi 28 février 2012, l’on parlait français et viêt-namien sur la scène du théâtre Beaurepaire à Saumur. L’on y jouait en effet Cercles de sable, un conte philosophique sur le thème du pouvoir, résultat de la collaboration créative entre des artistes du théâtre National Tuong de Hanoi et du Théâtre du Monte-Charge de Pau.

Initié par Alain Destandau, qui l’a écrit et qui en joue un des rôles, ce spectacle a pour ambition de « démontrer que l’on peut être ensemble, garder chacun sa culture, sa langue et communiquer ». « Etre différents mais ensemble », telle est donc la gageure réussie de cette pièce de théâtre où l’Occident et l’Orient se rencontrent.

Cette œuvre théâtrale originale au plus haut point a été créée au Festival In de Hué en juin 2006. Elle a ensuite été représentée à l’Opéra de Hanoi, à l’Opéra d’Ho Chi Minh Ville, au Festival International de Théâtre Expérimental de Hanoi, à Lao Cai et Sa Pa. Elle a ensuite tourné en France et au Festival d’Avignon.

L’intrigue raconte l’histoire de Rang (Alain Destandau), un prince au visage monstrueux, à qui sa mère, Xan Tin (Maider Cazaurang), a fait porter par amour un masque depuis l’enfance. Par respect pour son peuple, il se refuse à débuter son règne par un mensonge en lui cachant son visage. Lorsqu’il le dévoile à celle qui a été élevée avec lui, la belle Ti Lao, elle en est horrifiée. Il se résout donc à abandonner le pouvoir, encouragé en cela par son oncle Fong Tran (Yen Nguyen Viet) et sa tante Fong Tsi (Betina Schneeberger) qui s’emparent du trône et font régner la terreur. Quant à sa mère, elle pleure sur le sort malheureux de son fils. Au plus profond de la forêt où il s’est réfugié, le prince destitué rencontrera un bon Génie (Nguyen Van Tho). Celui-ci, par le biais d’un théâtre de marionnettes, l’enjoindra à reconquérir le pouvoir et à chasser les deux usurpateurs.

cercles de sable 4

Fong Tran (Yen Nguyen Viet) et Fong Tsi (Bétina Schneeberger)

(Photo Sud-Ouest.fr)

Toute la pièce se veut être le commentaire d’une phrase prononcée à plusieurs reprises par les protagonistes : « Nous osons ce que le pouvoir nous permet. » Et lorsque l’on découvre dans les boîtes rouges, typiques des cadeaux au Viêt-Nam, la tête coupée des mandarins, on comprend les excès auxquels cet exercice peut mener !

La mise en scène de ce spectacle plein de charme nous transporte dans un Viêt-Nam de contes de fées. Devant deux grands panneaux éclairés, l’un par un lumière rouge à jardin, l’autre par une lumière mordorée à cour, sont disposées deux hautes tables en laque rouge, sur lesquelles des bâtons d’encens se consument dans des vases en porcelaine.

Sur le fond de scène, au milieu, en costume viêt-namien traditionnel, dans des tonalités de brun, sont assis deux musiciens Ngyuen Van Quy (percussions) et Nguyen Xuan Mai (monocorde). Leur musique rythmera les péripéties du récit, accompagnant au début le chant très pur de Li Tao ou plus tard la complainte maternelle de Xan Tin ;  jouant du crescendo lors d’événements dramatiques ou modulant le glissando pendant les passages plus méditatifs.

Le conte s’ouvre et se clôt sur la déambulation mystérieuse de personnages voilés et vêtus de sombre, qui font couler du sable de leurs doigts sur le sol, délimitant l’espace du récit ou le mandala magique. Sable qui symbolise aussi la fuite du temps et la vanité du pouvoir, ainsi que le dit à un moment l’usurpatrice Fong Tsi.

Cercles de sable 1

Fong Tran et Fong Tsi encadrant Xan Tin (Maider Cazaurang)

(Photo Adima Productions)

On remarquera la fluidité qui se crée entre le jeu des trois comédiens viêt-namiens et celui des trois français. Les premiers (Ti Lao, le Génie, Fong Tran) sont dépourvus de masques mais les hommes portent le maquillage traditionnel de leur rôle ; les seconds (Fong Tsi, Rang, Xan Tin) ont le visage masqué jusqu’à la bouche. Ces masques très expressifs ont été créés par Erhard Stiefel, Maître d’Art dans la catégorie Arts et Spectacles.

Les costumes, imaginés par Minh Hanh, une créatrice de Haute Couture reconnue au Viêt-Nam, sont de toute beauté. Tissus brillants, chamarrés, rehaussés de broderies et de fils d’or, soies chatoyantes, plumes et tulles pleins de légèreté, longues manches virevoltantes, pantalons bouffants, chaussures à bouts recourbés, c’est tout un Extrême-Orient légendaire qui va naître du magnifique manteau du roi, que Li Tao déploie au début du spectacle.

On admirera encore les déplacements des personnages et leur gestuelles, précisément chorégraphiés dans la lenteur ou la vélocité : grâce de Li Tao, démarche féline de Fong Tran le méchant oncle, souplesse et agilité remarquables du Génie lors du combat dans la forêt. On retrouve ici cette technique subtile des arts martiaux asiatiques et la beauté flamboyante du maniement des trois drapeaux, notamment dans l’épilogue.

Cercles de sable 2

Le Génie (ici Le Hai Van) et le prince Rang (Alain Destandau)

Mais ce qu’on retiendra surtout de ce spectacle, c’est la rencontre de deux civilisations grâce à l’emploi du français et du viêt-namien, tant il est vrai que « la base de la culture, c’est la langue ». Ici, jamais l’emploi des deux langues n’est un obstacle à la compréhension du spectateur et le français vient harmonieusement en écho au viêt-namien monosyllabique. Les dialogues sont conçus de telle sorte que ce choix n’est jamais un obstacle mais confère au spectacle un charme exotique supplémentaire.

Alain Destandau est très attaché à ce thème de la rencontre des cultures et il a en projet d’autres collaborations, notamment avec des artistes marocains pour évoquer Al Andalus et la présence multiséculaire de la présence musulmane en Espagne.

Lors des saluts, l’auteur, metteur en scène et comédien, a tenu à remercier Silvio Pacitto, le directeur culturel de Saumur, qui avait repéré le travail de sa troupe à Avignon. Il a émis le souhait que cette aventure d’ouverture culturelle d’une langue à l’autre puisse perdurer. On aimerait que son souhait se réalise.

Cercles de sable 5 et

Li Tao (Nguyen Thi Loc Huyen) et Xan Tin (Maider Cazaurang)

(Photo DR)

 

Sources :

Programme du théâtre de Saumur : Cercles de sable, Théâtre/ France-Vietnam

Dossier pédagogique : Cercles de sable


 

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 08:42

 Petit écolier 2

L'école du village, Albert Anker

 

 

Il est bien loin déjà le parfum de l’école

Des dictées ânonnées des leçons rabâchées

Des jours où l’on jouait aux billes à pigeon-vole

Le cœur empanaché

 

Il ne reviendra plus le ciel de la marelle

On sautait sur un pied les genoux écorchés

Les garçons et les filles en belle ribambelle

Le cœur amouraché

 

Il s’est enfui le temps de la petite enfance

Quand on jouait aux barres et puis à chat-perché

Dans les rires et les cris d’une douce innocence

Le cœur effarouché

 

Mais il roule en moi comme une ronde toupie

Qui tourne infiniment sans en être empêchée

Un petit écolier dont j’ai la nostalgie

Dans mon cœur écorché

 

Pour le concours organisé par les Editions Omnibus, relayé par FaceBook,

link

 

 

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 08:00

 

Rouge-gorge-2.JPG

Rouge-gorge sur la neige devant la cuisine (Février 2012)

(Photo ex-libris.over-blog.com)

 

 

Sur la  vitre du monde

Le pinceau de la neige

A tout repeint au blanc d'Espagne

Il n’a pu effacer

Le rouge de l’oiseau

A la gorge incendie

 

Pour la communauté de Hauteclaire, Entre Ombre et Lumière,

Thème : les oiseaux

 

Rouge-gorge.JPG

Rouge-gorge sur la neige, devant la cuisine (Février 2012)

(Ohoto ex-libris.over-blog.com)

 

 

 

 


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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 09:42

Mongoutte

Au cimetièe de Mongoutte à Sainte-Marie-aux-Mines (Novembre 2011)

(Photo ex-libris.over-blog.com)

 

En écho à Suzâme et en avant-première.

Les autres textoésies seront publiés sur le blog de Suzâme (link).

 

L'arbre n'est pas

comme l'être

lorsque ses feuilles

l'abandonnent

son écorce le

protège

de son âme


Reçu le vendredi 24 février, à 14h 54

 

L'être est comme

l'arbre, quand son

âme l'abandonne, il

devient écorce et 

feuilles

 

 Envoyé le samedi 25 février, à 09h 05


 

 


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  • : Un blog pour lire, pour écrire, pour découvrir et s'étonner. "La Vie a plus de talent que nous" disait Nabokov.
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Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

 

La chanson du Mal-Aimé, Apollinaire

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