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18 mars 2017 6 18 /03 /mars /2017 21:58

 

Samedi 10 mars 2012, le concert du Sirba Octet, intitulé A Yiddish Mame, m’avait inspiré un poème :

http://ex-libris.over-blog.com/article-la-nostalgie-de-l-ame-yiddish-concert-du-sirba-octet-101353733.html

Quel plaisir d’entendre de nouveau ce vibrant octuor (une femme et sept hommes), quasiment jour pour jour, samedi 11 mars 2017 au théâtre Le Dôme à Saumur !

Richard Smoucler, le directeur artistique de cette formation (qui en est aussi un des violonistes), explique qu’il a construit ce dernier opus en s’ « inspirant de l’itinérance, de la migration de la musique et des hommes ». Il a souhaité renouer « des « ponts » entre la Roumanie, la Moldavie, la Russie et la Hongrie, riches d’un répertoire métissé de musiques traditionnelles, klezmer et tsiganes ». Ne dit-on pas que la musique klezmer est une musique de « fusion » ? Et si le programme de Tantz ! (danse, en yiddish) est bien une invitation à un voyage en Europe centrale : « Fantaisie Roumaine, Suite de Moldavie, Bessarabye, Fantaisie Hongroise… », il est ainsi surtout une formidable incitation à la danse, soulignée par le point d’exclamation.

Héritiers d’une longue tradition de musique instrumentale de fête qui accompagnait mariages et festivités dans les communautés juives d’Europe de l’Est, les huit klezmorims du Sirba Octet ont à cœur de perpétuer ces musiques qui avaient connu un purgatoire après la Shoah. Musique d’hier et d’aujourd’hui, le klezmer, s’il est souvent terriblement mélancolique, se veut aussi « teinté d’humour et exaltant », comme le précise Richard Schmoucler. C’est ce que confirme le célèbre violoniste Ivry Gitlis, à qui ce cinquième album du groupe est dédié. Il en parle comme d’un « mémorial de la Vie » et remercie les musiciens qui se sont réunis « pour retransmettre, pour continuer ce fil d’Ariane », faisant revivre toute une culture qui a subsisté par-delà l’horreur.

Dans ce merveilleux ensemble musical, on ne sait ce qu’il faut admirer le plus ! La virtuosité et l’inventivité sont ici exceptionnelles et les différents duos entre les instruments sont un régal. Pour l’oreille certes, mais aussi pour l’œil car chacun joue avec humour des richesses (et des mouvements) de son instrument. Je pense ici au facétieux Bernard Cazauran qui a l’art de faire tournoyer son imposante contrebasse ou encore à Lurie Morar, le joueur de tsimbl, dont les mailloches font vibrer son cymbalum avec une gaieté communicative. La symbiose entre les musiciens est parfaite et leur écoute mutuelle est totale, notamment lors des bouleversantes lamentations de la clarinette de Philippe Berrod. On admirera encore la variété des soli joués, dont certains par Christophe Henry au piano font penser au jazz. Entre ruptures de rythme, improvisations, cliquetis, gémissements, trilles, cet ensemble propose à l’auditeur ravi un concert où la liberté est reine. Les petits intermèdes humoristiques pendant lesquels Richard Schmoucler raconte des histoires juives concourent enfin à parfaire cette atmosphère jubilatoire.

Convoquant une infinité d’émotions, de l’enthousiasme à la mélancolie en passant par le lyrisme et l’humour, ce spectacle musical remue profondément. Jouée par des musiciens élégants alliant le classicisme à la fantaisie, cette musique klezmer et tzigane, toute faite de métissage et d’influences diverses, nous rappelle le cœur battant de l’Europe de l’Est et se veut être, en dépit de tout, « un hymne à la vie, sensible et poétique ».

 

Sources :

Dossier de presse du Sirba Octet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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8 janvier 2017 7 08 /01 /janvier /2017 19:01
De la poésie ? De la mélodie ? : Shamane, par le choeur de chambre Mikrokosmos.

 

 

A Saumur, en ce samedi 7 janvier 2017, Silvio Pacitto, directeur artistique du Théâtre-Le Dôme, comble ce soir-là de l’orchestre au paradis, souhaitait aux spectateurs de belles rencontres artistiques et humaines pour l’année nouvelle. Le spectacle choisi pour inaugurer celle-ci, Shamane par le chœur de chambre Mikrokosmos de Loïc Pierre, a immédiatement exaucé ses vœux : ce fut pour moi une superbe découverte.

Créée en avril 2015 à la ferme de Villafavard en Limousin, cette œuvre chorale fait partie d’un triptyque dont les Saumurois avaient déjà pu entendre La nuit dévoilée lors du festival des 1001 Voix en juin 2016. A la fin du spectacle, Loïc Pierre a expliqué que Shamane, spectacle en constante évolution, prendra désormais le titre de Jumala et qu’il sera le premier volet de cette trilogie consacrée à la Nuit, dont il prépare déjà la troisième partie, La nuit m’étonne. La représentation de ce samedi était donc la « première » de cette nouvelle étape.

Avec cette représentation, le spectateur se trouve d’emblée plongé dans un univers nocturne et onirique d’où surgissent les chanteurs, une lanterne à la main. Vêtus de longues et vastes jupes de satin soir, de blouses noires aux manches bouffantes, rehaussées de mancherons et d’un col rouge en façon de pectoral, recouvert de colliers ethniques en métal ou en perles de couleur, ils forment un chœur équilibré d’une petite trentaine de jeunes chanteurs de moins de trente ans, tous hommes et femmes confondus dans un même mouvement. Evoluant, autour d’un tambour japonais situé au milieu de la scène et figurant le dieu scandinave (finnois ?) des chênes Jumala, ils vont inviter le spectateur, envoûté par le charme (au sens propre de carmen) des voix, à une cérémonie secrète en l’honneur du dieu caché. Venues d’Europe du Nord, inspirées en partie par les Vêpres a cappella de Rachmaninov, les pièces chantées dans une langue imaginaire ou inconnue convoqueront alors l’auditoire à la danse et à la transe, le plongeant dans un univers mystérieux. Avec pour seul accompagnement musical les battements du tambour et les sons discrets de la guimbarde ou du triangle.

Soucieux de casser les codes du chant choral traditionnel, Loïc Pierre fait appel à des répertoires et à des couleurs vocales très dépaysantes. Il propose de plus une scénographie qui fusionne la salle et la scène. « Lorsque les conditions et les œuvres s’y prêtent, nous pouvons totalement entourer le public pour le submerger de sons », explique le maître de chœur. C’est ainsi que les chanteurs se déplacent plusieurs fois de la scène vers les fauteuils d’orchestre, enfermant le public de leurs silhouettes, qu’éclairent leurs lanternes, parfois confiées à l’un ou l’autre spectateur. Cette proximité physique crée une atmosphère très particulière, dont Loïc Pierre dit qu’elle « apporte un tout autre sens à la pièce ». Le public a en effet l’impression d’être partie prenante de ce rite quasi-chamanique. Sensation que j’ai éprouvée avec acuité lorsque, immédiatement derrière moi, un des chanteurs a lancé une exhortation au dieu, évoquant la neige, le sang, le cerf, convoquant ainsi les forces de la Nature.

Cette impression d’être immergé dans le chant est confortée par la puissance et la modulation des voix. Allant du bourdonnement au cri en passant par le chuchotement, multipliant les reprises et variant les rythmes, tout en maîtrisant la ligne mélodique, les chanteurs nous font pénétrer dans un monde de légendes, servi par un très beau travail sur la lumière. Le fond de scène, ainsi que les lanternes, passeront du bleu ciel au jaune, tandis que le tambour central deviendra de plus en plus rougeoyant, comme habité par la présence intime du dieu. A d’autres moments, les chanteurs se profileront en ombres chinoises. Loïc Pierre ne se veut-il pas scénographe ?  « Je suis aussi un homme d’images, explique-t-il. Mais les images doivent être avant tout liées au son. Mon exigence me pousse à être avant tout attentif à la matrice sonore car je pense que Mikrokosmos a une couleur très particulière, sans doute très influencée par les Nordiques […] Quant à la mise en scène, il est indispensable que l’œuvre la suscite pour ne pas verser dans l’effet. »

Par moments, sur scène, on verra hommes et femmes s’affronter par la voix et par le mouvement. De part et d’autre du tambour, frappé par une chanteuse blonde ou par le maître de chœur, dans une gestuelle très particulière, ils s’aimanteront, se repousseront. On se demande alors si c’est le son qui crée le mouvement ou bien l’inverse. C’est bien ce qu’exprime Antonella Bussanich, une artiste qui a travaillé avec Mikroskosmos, lorsqu’elle écrit : « Le son est l’énergie invisible qui déclenche une onde qui perturbe un grand espace […] étrange relation entre le visible et l’invisible, le geste et la parole. »

J’ai particulièrement aimé le tableau final du spectacle, qui voit les chanteurs s’asseoir peu à peu en rond autour du tambour rougeoyant tandis que le noir se fait. On entend alors des pépiements d’oiseaux et comme un battement d’ailes. Après l’émotion et le bouleversement de la transe chamanique, dans une atmosphère sereine et silencieuse, le dieu est enfin advenu. On sait que dans la mythologie finnoise, aux limites de la terre se trouve Lintukoto (« la maison des oiseaux »). Les oiseaux y sont très importants puisqu'ils apportent l'âme des humains au moment de la naissance et l'emportent au moment de la mort. C’est tout cet humus mythologique et légendaire qui contribue sans conteste à la beauté du spectacle.

Après les saluts, Loïc Pierre a remercié les Saumurois de leur chaleureux accueil. Il leur a expliqué le lent travail de gestation de cette trilogie consacrée à la Nuit. Il a insisté sur le travail collectif de sa troupe de chanteurs dont il écoute les propositions, tout en demeurant le maître, a-t-il souligné en souriant. Ce Mikrokosmos (dont le nom est né de son admiration pour le Mikrokosmos pour piano de Béla Bartók) est pour lui un véritable « laboratoire d’enthousiasme ». Avec ce chœur, le spectateur a fait la connaissance d’un Loïc Pierre créatif et généreux qui souhaite sortir de l’académisme du rituel du concert et dissoudre les frontières entre les arts. Et après ce beau spectacle, on pourra en effet s’interroger avec Michel Lemay : « Est-ce de la poésie ? Est-ce de la mélodie ? Ou bien une tranche de souffle cosmique ? »

 

Sources :

http://www.choeur-mikrokosmos.fr/accueil

Interview de Loïc Pierre par Tutti Magazine, La musique à voir et à entendre, 7 mars 2012.

Crédit Photos : François Manrique

 

 

 

 

 

 

 

 

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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 17:45

30-Chants-d-amour-d-exil-et-de-revolte-c-DR.jpg

 Nicole Uzan et Maurice Delaistier

(Crédit Photos DR)

 

Vendredi 16 mars 2012, à 20h 30, on célébrait Le Printemps des Poètes, salle Beaurepaire à Saumur. La chanteuse lyrique Nicole Uzan et le compositeur et guitariste Maurice Delaistier y proposaient un spectacle de « poésie-concert », intitulé Chants d’amour, d’exil et de révolte, et associant ces « deux frères de son », l’art poétique et l’art musical.

Les facéties d’Alphonse Allais, les délires verbaux de Michaux, les colères de Lorca et de Neruda y voisinaient avec les chants yiddish d’Iszk Manguer, les errances de Saint-John Perse, les folies d’Artaud et d’autres encore. Aux mots des poètes répondaient en écho les notes de Mozart, Granados, Ravel, Britten, Ginastera ou Aperghis. Ce soir-là, en chantant en anglais, en espagnol, en allemand, en yiddish et en hébreu, Nicole Uzan nous a montré, s’il en était besoin, combien la poésie est universelle.

On a pu apprécier la sobriété de la mise en scène fluide de Lionel Parlier, subtilement mise en lumière par Jean Grison, qui distribue justement les temps musicaux et les espaces de parole et de chant. « Nous avons voulu que les correspondances entre poèmes et musiques choisies donnent à ce spectacle une sorte d’apesanteur », précisent en effet les deux artistes. Leur diction étonnamment précise et claire, ménageant avec art silences et accents, nous a donné à entendre Lorca le déchiré, Saint-John Perse le nostalgique, Artaud le cruel… Les déplacements scéniques, toujours justifiés par le texte, n’en ont jamais parasité l’écoute.

J’ai particulièrement aimé le travail musical sur des haïkus japonais, d’abord chantés par le guitariste sur une musique de sa création, puis modulés de façon très prenante par la chanteuse, dont l’étendue du registre vocal est remarquable.

Entre le chant du rossignol éternel et les battements d’ailes des rouges-queues amoureux, le printemps poétique était, ce soir-là, dans tous ses états.

 

Sources :

Programme : Chants d’amour, d’exil et de révolte, Poésie-Concert

 


 

 


 

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 11:17

 Concert

 Olivier Derbesse (clarinette), Christian Brière (violon), Laurent Boukobza (piano),

Richard Schmoucler (violon), Claude Giron (violoncelle),

Lurie Morar (cymbalum), Marc Desmons (alto), Bernard Cazauran (contrebasse)

(Photo Alix Laveau)

 

Sur la scène en rouge et noir

A dansé l’âme ashkénaze

Et la tristesse yiddish

 

Dans la lenteur nostalgique

La clarinette a pleuré

Le chôfar du bélier

Et le Kadish a prié

Tiré l’aiguille la mariée

Les violons volants et vifs

Ont fait danser les rabbis

Poliouchka soudain

M’a menée vers les lointains

D’un tango petit-russien

J’ai pleuré la diaspora

La nostalgie de là-bas

Et la yiddish mama

Et je me suis retrouvée

A Broadway au cabaret

Bei mir bist du scheyn

Et fumant la cigarette

De Papirosn la pauvrette

 

Aux rythmes vifs du klezmer

Au tempo si légendaire

Ils nous ont fait rêver

Ils nous ont fait danser

Les huit du Sirba Octet

Ceux qui rient et ceux qui pleurent

Piano enchanteur

Deux violons jumelés

Maillets blancs virevoltants

Cymbalum résonnant

Index recroquevillé

Sur les cordes enivrées

Archet frotté tapoté

Clarinette déhanchée

Alto sans fin déchaîné

Brun violoncelle effréné

Et contrebasse en apnée

Sifflets fous bien expirés

Claquement rythmé des mains

Sourires doux des musiciens

La musique au bout des doigts

Et le cœur qui tournoie

 

Quand la musique devient folle

Quand la musique enfin console

 

Samedi 10 mars 2012, salle Beaurepaire à Saumur,

Concert du Sirba Octet, A Yiddish Mame

 

 

 

 

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 09:08

Angioini 

 

Le tuffeau est tout blanc

Les voûtes sont immenses

Et les neuf s’avancent

Vêtus de noir et rouge

Etincelles qui naissent

Etincelles qui bougent

En demi-cercle rassemblées


Angioini 2

En moi se lève un chant

Profond et continu

Troublant et inconnu

Ebranlement tremblé


Angioini les femmes

A siconda donne le ton

Et soudain cela enfle

Et voilà u bassu

Avec ses rondeurs

Devenue sa compagne

A terza la plus haute

Ornera la chanson

La main est sur l’oreille

Les corps sont frôlement

Les yeux frémissement

Les neuf à l’unisson

De leur balancement


Angioini 3 hommes

Et je ferme les yeux

Et je vois les villages

D’une Corse archaïque

Burinée de soleil

Un petit berger seul

Qui chante pour ses chèvres

Un amoureux farouche

En sa sirinata

Pour l’aimée aux yeux noirs

Une mère inclinée

Fredonnant sa nanna

A l’enfant qui s’endort

Une église rustique

Aux murs chaulés de blanc

Où s’élève puissant

Un vieux Tantum ergo


Angioini Nadine Rossello

  Nadine Rossello, maître de choeur des Angioini,  

à l'accordéon

 

 

Et quand remontera

Dans la nef immobile

Vibrante et solitaire

La silhouette noire

De la chanteuse belle

A la voix sensuelle

Aux modelés ardents

Sourdra soudain en moi

Le mystère enivrant

Caresse du sacré

 

Concert des Angioini (Les Angevins en italien),

à Notre-Dame de Nantilly, à Saumur,

dimanche 16 octobre 2011

 

 

Photo, ex-libris.over-blog.com

 

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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 10:22

    fresque étel

 

                   Fresque de l'église d'Etel, par Xavier de Langlais

 

 

 

L'église des marins a sombré dans le noir

Et les voix des chanteurs s'élèvent dans le soir

Sur la fresque en couleurs où la Vierge au jusant

Au peuple de la mer présente son enfant

 

Leur voix mâle et profonde envahit tout l'espace

Elle chante le vent la vague au blanc fugace

Les vaillants capitaines et leurs amies au port

L'audace des départs les algues de la mort

 

Elle suit la marche lente des vieux goémoniers

Moissonneurs de la mer aux chevaux fatigués

Et rêve d'une terre de ciel et d'océan

Où un phare clignotant guidera les errants

 

Elle crie la prière de l'homme au ciré jaune

Frissonnant sur le pont dans la pluie des cyclones

Et rêvant à la fille de Valparaiso

A ses cheveux si noirs à ses bras blancs si chauds

 

Pareilles à la marée les voix roulent puissantes

L'accordéon sanglote d'une âme gémissante

Les Gabiers d'artimon matelots en bordée

Nous emmènent au plus loin sur leurs mers inventées

 

 Vendredi 22 juillet 2011, église d'Etel,

 Concert des Gabiers d'artimon (Lorient)  

 

 

 

    gabiers d'artimon

                 Les Gabiers d'artimon (Photo bretondetheix)

 

 

 

 

 


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Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

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Ton cours vers d'autres nébuleuses

 

La chanson du Mal-Aimé, Apollinaire

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