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12 octobre 2023 4 12 /10 /octobre /2023 17:34

 

Après avoir vu récemment un documentaire sur cette actrice au magnétisme incandescent qu'est Fanny Ardant, j'ai eu envie de voir en replay Les Dames de la Côte, le téléfilm en 5 épisodes de Nina Companeez.
Cette mini-série, au casting de qualité (Edwige Feuillère, Hélène Duc, Martine Chevallier, Denise Grey, Michel Aumont, Eveline Buyle...), qui remporta un grand succès public, fut diffusée à partir du 22 décembre 1979 sur Antenne 2.
C'est ce feuilleton qui révéla la comédienne, créant chez François Truffaut un coup de foudre visuel. Il la choisit alors pour jouer dans La Femme d'à côté, lançant ainsi sa carrière cinématographique.
De 1911 à 1921, sur les côtes normandes, la vie de trois familles bourgeoises (Hérart, Villatte, Decourt) et de leurs domestiques, est bouleversée par la survenue de la Grande Guerre.
Nous y découvrons l'apprentissage amoureux de Fanny Villatte (Fanny Ardant, irradiante), jeune fille exaltée et romantique, partagée entre les deux fils de Henri Decourt (François Perrot) et de Clara Perrot (Françoise Fabian), Marcel (Francis Huster) et Raoul (Bruno Devoldère). L'un est un intellectuel doux et idéaliste tandis que l'autre se montre froid, cynique, charmeur, et en proie à une passion déraisonnable pour Fanny.

A la fin de la guerre, qui a vu mourir plusieurs hommes de la famille et de la domesticité, Robert, le frère de Fanny (Patrice Alexsandre), blessé à la jambe, et Marcel, de retour d'Allemagne, se retrouvent à Paris. Si ce dernier a conservé sa volonté de vivre, d'apprendre, de voyager pour voir l'état du monde en 1919, Robert, qui ne peut plus être aviateur, est définitivement blasé.

Fanny, employée désormais dans une librairie, se plonge dans la lecture. Elle laisse quotidiennement de petits messages à son frère. Ce dernier en lit un à Marcel : "A la Recherche du Temps perdu. Après les quatre ans où nous avons vécu, ou plutôt après les quatre ans où nous n'avons pas vécu, comment peux-tu ne pas vouloir découvrir ce que cache ce titre ? Pour mon anniversaire, fais-moi ce cadeau : lis le livre de Marcel Proust. Ta Fanny." Qu'est-ce que cache ce titre ? Et le frère de relire une seconde fois le message. Et d'ajouter : "Bref, tu vois, elle est devenue un peu prêchi-prêcha, mais c'est une brave fille."
Le lendemain, Marcel retrouve Fanny dans sa librairie. Il demande à la jeune fille, surprise de le revoir : "Le livre de Marcel Proust. Vous l'avez, Mademoiselle ?" Après l'échange de quelques propos, elle lui avoue en manière de secret qu'elle écrit un livre. Puis elle insiste :"Et le livre de Marcel Proust, vous le voulez vraiment ?" Devant son acquiescement, elle répond : "Je vais vous le donner." Et elle ajoute : "C'est un livre admirable, vous verrez. Permettez-moi de vous en faire cadeau. Ça me fait plaisir. "
Pendant tout le film, je me suis dit qu'on finirait bien par entendre parler de Proust, qui rédige son grand œuvre pendant cette même période. Par ailleurs, les lieux de l'intrigue sont ceux de la Normandie que connut l'écrivain.

De plus, on sait l'amour de Nina Companeez pour l'œuvre de Proust qu'elle "place par-dessus tout". Elle osera donc adapter, aussi pour la télévision, une partie de La Recherche, en deux téléfilms, condensant les sept tomes de l'œuvre en moins de quatre heures : une gageure ! Si, pour ma part, j'avais apprécié, avec quelques bémols cette adaptation, le critique Samuel Douhaire parlera de téléfilms "très, sinon trop, fidèles à l'esprit comme à la lettre de l'écrivain" au risque de tomber dans la simple illustration". Nina Companeez affirmera que son ambition était surtout de "guider les futurs lecteurs". On notera encore que le personnage le plus positif, le plus idéaliste des Dames de la Côte porte le même prénom que le grand écrivain. Un hasard?

J'ai dû cependant attendre le dernier épisode, L'Ivresse, pour découvrir cet échange dans une librairie, entre Fanny et Marcel, autour de Marcel Proust, de la lecture et de l'écriture. Il a lieu après la guerre en 1919 ; c'est en effet le temps où l'on commence à parler de l'écrivain qui décroche le prix Goncourt le 10 décembre 1919, pour son roman À l'ombre des jeunes filles en fleurs, deuxième volume d'À la recherche du Temps perdu.

A la fin de ce dernier épisode, où Fanny et Marcel se sont enfin avoué leur amour, la jeune femme confie à son ami qu'elle a écrit un roman, intitulé Les Dames de la Côte. Nina Companeez joue ici sur la mise en abyme, le film que l'on regarde devenant l'objet du livre de Fanny. Tout comme La Recherche devient à la fin le livre que le Narrateur veut écrire. Je me suis demandé si ce n'était pas sa lecture passionnée du roman qui avait incité la jeune femme à écrire. Après tout, l'œuvre proustienne n'est-elle pas le récit de la naissance d'une vocation ?

Cette conversation sur Proust n'est bien sûr qu'un bref moment dans ce téléfilm qui cherche surtout à montrer les bouleversements de la société induits par la Grande guerre. Ce qui est aussi un des propos de La Recherche avec la description du déclin de l'aristocratie.

 
 
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commentaires

N
Bonjour Catheau. J'ai accepté de crooker les "petits gâteaux" d'Overblog pour pouvoir vous lire. Vous me donnez l'envie de revoir "Les Dames de la côte" - si ma lecture m'en laisse le loisir: après avoir épuisé avec délectation et Colette et Voltaire, je reprends avec gourmandise ma troisième lecture de La Recherche .<br /> Amitiés.
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C
Parlez-vous de la publicité sur mon blog ? Elle est effectivement gênante. Une troisième lecture de La Recherche : bravo !
M
Bonsoir Catheau,<br /> <br /> Quel plaisir que de vous retrouver sur votre beau blog! <br /> Je ne me souviens pas avoir vu les dames de la côte". Merci pour ce moment très agréable en votre comapgnie<br /> Bien amicalement
Répondre
C
C'est après avoir vu un documentaire sur Fanny Ardant que j'ai eu envie de voir cette série. Je n'ai pas été déçue ! Vous pouvez la visionner sur TV 5 Monde.

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