Le week-end dernier, je vous avais emmenés au pied du château de Marson et j’avais évoqué sa compagne, la petite église Sainte-Croix. C’est aujourd’hui, jour des Rameaux, à son tour d’être mise en lumière.
Bordée par les vestiges de son lavoir public du XVIII° siècle, l’église, dédiée à sainte Croix, est un petit édifice plein de charme qui possède une nef unique du XII° siècle. Elle aurait été primitivement fondée sous le nom de chapelle Sainte-Catherine par Baudouin de la Grézille et fut ensuite dédiée sous le vocable de Sainte-Croix.
C’est Geoffroy de la Gézille, seigneur de Marson, qui la fit construire. Voulant y attacher un prêtre, il supplia Geoffroy-la-Mouche, évêque d’Angers (1162-1177), d’approuver son œuvre. C’est ainsi que le prélat publia une charte, en date du 10 février 1170 : « Nous, Geoffroy, par la grâce de Dieu, évêque d’Angers, voulons faire savoir par cet écrit que Geoffroy de la Grézille, avec le consentement de l’archidiacre Herbert, de l’archiprêtre Yvon, du maître-école Guillaume, et d’Hardouin, curé de Chétigné, a fait construire à Marson, paroisse de Chétigné, une chapelle qui sera desservie par le curé de Chétigné ou par un chapelain sous ses ordres. » Suivent des
précisions concernant les dîmes auxquelles renonce le seigneur en faveur du curé, les fêtes annuelles et les sacrements.
En 1584, le seigneur de Marson souhaita fixer la résidence des deux prêtres de la paroisse. Il accorda au desservant une maison qu’il venait de faire édifier et une cave avec une cour renfermée de murailles. Il donna au chapelain une cour et un jardin.
Le portail de l’église, réalisé en arc brisé d’une facture romane très sobre, donne dans une nef de petite dimension. Le reste de l’église, dont le chœur et les chapelles latérales, date du XVIII° siècle, époque à laquelle on refit la toiture de la nef.
Louis Raimbault, dans son Répertoire Archéologique en Anjou (1866), donne une description précise de cette petite église : « Elle a la forme d’une croix latine dont les bras sont très courts. Le chœur, en forme d’arceau, est voûté, avec nervures prismatiques, à l’entrecroisement desquelles est un écusson […] qu’il est facile de reconnaître pour les armes de la famille de Quatrebarbes […] Les trois arcades du transept sont plein cintre […] Le côté nord-est de la nef a une petite fenêtre plein cintre qui peut remonter au XII° siècle. Le pignon est également percé d’une fenêtre plein cintre et le sommet terminé par une bretèche (logette destinée à recevoir les cloches) à deux baies dans l’une desquelles se trouve la cloche […] La grande porte sur le côté sud-ouest de la nef est ogivale à nervure cylindrique et surmontée d’un écusson qui semble pareil à celui de la voûte du chœur. Une petite galerie, ou vestibule, est élevée devant cette porte. » On trouve ce type de galerie dans certaines églises romanes de Champagne.
Les murs intérieurs étaient surmontés d’une corniche dont il ne demeure que quelques éléments. La charpente de la nef, en forme de carène renversée, ne présente pas de faîtière. Elle est remarquable par la finesse de ses entraits et de ses poinçons. Le 15 août 1762, la charpente du chœur s’effondra. L’ensemble fut reconstruit et le chœur lambrissé en fut terminé le 16 juin 1764 par les soins de M. Le Royer de Chantepie, curé de Chétigné et de Marson. L’année suivante, le grand autel fut démoli. L’autel aux parements de marbre, date de 1765 et il fut placé au bas du grand vitrail du pignon.
La chaire, le bénitier octogonal et les fonts baptismaux sont en pierre de tuffeau, le matériau local. Les quatre statues, toujours en pierre de tuf, restaurées en 1994, datent du XVIII° siècle. Elles représentent saint Sébastien, saint Jean-Baptiste, une Vierge à l’Enfant et sainte Catherine d’Alexandrie. Les vitraux, restaurés en 1991, datent du XIX° siècle.
La cloche provient de la fonderie Guillaume à Angers et date de 1868. Nous avons vu que le curé de Chétigné avait des rapports conflictuels avec « ces chapelains qu’on voit sans cesse […] s’élever et prétendre contre ses droits ». Le 27 mars 1715, il fut contraint de faire descendre la cloche neuve du clocher et d’effacer le titre de curé qu’y avait fait inscrire Abel Valette, son vicaire récalcitrant.
Cette église, restaurée entre 1984 et 1994, a été somme toute très peu remaniée : elle plaît par l’harmonie de ses proportions et le calme de son petit cimetière. Un havre de paix, auprès duquel il fait bon s’arrêter pour une pause bucolique. Ensuite, il ne sera que temps d'aller déguster la spécialité locale, les célèbres fouées, dans Les Caves de Marson, sises dans les troglodytes à quelques mètres de distance.
Au cours de l’été 2011, l’église Sainte-Croix accueillera les œuvres d’un artiste, dans le cadre du circuit organisé par Art et Chapelles dans les églises du Saumurois.
Sources :
Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°3, mars 1917.
Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°13, janvier 1918.
Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°15, mars 1918.
Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°53, mai 1921.
Les Carnets du Patrimoine, Anjou, 1999, Les Guides Massin.
http://www.communes-françaises.com/49/rou-marson