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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 07:00

  La Sphinge 1906 Gustav-Adolph Mossa

                  La Sphinge (1906), Gustav-Adolph Mossa 

 

Notre pensée intime est  un vaste royaume

Dont le drame profond se déroule tout bas.

Toute chair emprisonne un ignoré fantôme,

Toute âme est un secret qui ne se livre pas.

 

Et c’est en vain, ô front ! que tu cherches l’épaule,

Refuge en qui pleurer, aimer ou confesser ;

L’être vers l’être va comme l’aimant au pôle,

Mais l’obstacle aussitôt vient entre eux se dresser.

 

Car au fond de nous tous, ennemie et maîtresse,

La sphinge s’accroupit sur son dur piédestal,

Et tout épanchement de cœur, toute caresse,

Soudain se pétrifie à son aspect fatal.

 

Sa présence toujours aux nôtres se mélange,

Sa croupe désunit les corps à corps humains ;

Au fond de tous les yeux vit son regard étrange,

Ses griffes sont parmi les serrements de mains.

 

Et lorsque nous voulons regarder en nous-même

Pour nous y consoler et nous y reposer,

La sphinge est là, tranquille en sa froideur suprême,

L’énigme aux dents prête à nous la proposer. 

 

                                                               Occident 

 

 

L’énigme du Sphinx n’a cessé de fasciner les philosophes, les poètes et les peintres. Expression du mystère que représente l’Homme pour lui-même et pour autrui, le Sphinx demeure cet être fabuleux qui gît en nous.

Epouse du savant orientaliste J.-C. Mardrus, traducteur des Mille et une nuits, Lucie Delarue-Mardrus (1880-1945) est l’auteur de plus d’une cinquantaine d’œuvres romanesques et poétiques. Personnage passionné, souffrant, sulfureux, elle demeure d’ailleurs une poétesse assez mystérieuse.

Ce poème est extrait d’Occident, une de ses premières œuvres. Dans cette suite de cinq quatrains de forme très classique, elle tente d’approcher la réalité de notre condition. Las ! Miroir de nous-mêmes, la sphinge, être monstrueux, demeure à jamais impénétrable.

 

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème : le mystère,

proposé par M'annette 

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 13:06

 

Glycine rou 4

 

En ce mois d'avril printanier, dans mon village, c'est la floraison efflorescente des glycines en chapelet. A cette occasion, et pour célébrer leur beauté, je publie de nouveau un poème, que j'avais écrit il y a maintenant deux ans.

 

  Glycine Rou 2

   

Sur le mur de tuffeau

La glycine a jailli 

 

 

Glycine rou P 

   

En flamboyant taillis

Odorant incendie

Luxuriance sucrée

Aux senteurs vanillées

Sur les branches pleurantes

En grappes cascadantes

Dans les profonds feuillages

Orageux pallissage

Une poussée sauvage

En irradiances fauves

Violettes et mauve

 

 

  glycine rou 5 

 

Sur le mur de tuffeau

La glycine a flétri

 

 

 

 

 

 

 

 

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 07:41

  Dallage P

 

 

 

C’est un dallage rouge

Avec des joints qui bougent

Des tomettes carrées

Que le temps a rongées

 

Si je l’interrogeais

Dieu sait ce qu’il dirait

De tous ses habitants

Morts il y a longtemps

 

Il voudrait raconter

Quand le très vieil abbé

Allait s’agenouillant

Recueilli et priant

 

Il se rappelle bien

La femme au petit chien

Assise à son meneau

Derrière les vitraux

 

Et il frissonnait d’aise

Quand sa robe de braise

Caressait doucement

Sa peau froide en glissant

 

Il dit et il chuchote

Les souliers et les bottes

Qui laissaient sur sa joue

De la pluie de la boue

 

Il aimerait pourtant

Que revienne le temps

Des anciens villageois

Des beaux bals d'autrefois 

 

Sous les talons pointus

Les galoches têtues

Son vieux cœur rougeoyant

Tremblait infiniment

 

C’est un dallage rouge

Avec des joints qui bougent

Sur sa tomette usée

Moi j’aime bien marcher

 

 

 

Pour la communauté Entre Ombre et Lumière,

Thème proposé par Parisianne :

 Sous nos pas

 

 

 

 

 

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 07:53

  héron sur l'étang P

Héron au-dessus de l'étang de pêche de Rou (Samedi 16 avril 2011)

 

 

 

Des berges de l’étang

Dans un grand mouvement

Dans un grand bruissement

J’ai vu des pattes grêles

J’ai vu de vives ailes

Un bec comme une lame

Un volant oriflamme

Le vol lent et grisé

D’un beau héron cendré

 

 

  héron 3 P

  Héron dans le ciel, au-dessus de l'étang de pêche (Samedi 16 avril 2011)

 

 

 

 

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 07:00

 

   EDOUAR~1

  Jeune femme cousant à la fenêtre, Edouard Vuillard 

 

Ô  Vous les délaissée, Ô Vous les dédaignées

Celles qu’au grand jamais on n’aura regardées

Silencieuses et douces à la nuque penchée

Qu’aucune main virile n’aura su caresser

 

Qui n’auront pas connu le frisson amoureux

Ni les ardents émois des serments des aveux

Ni l’incendie du cœur quand le corps est en feu

Et que l’on est au bord d’un monde prodigieux

 

Oh Vous à la fenêtre tout au long de vos jours

Dans votre robe grise et vos tristes atours

Piquant et repiquant  un ouvrage au tambour

Attendant sans espoir l’amant le troubadour

 

J’ai souhaité qu’un soir dans le soleil couchant

Quand tout sera fini qu’il ne sera plus temps

Un rayon lumineux illumine un instant

Le dé d’or à vos doigts mélancoliquement

 

 

Pour Les Croqueurs de Mots,

Défi n°53 : les dés sont jetés,

Thème proposé par M’annette

 

 

 

 

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 14:25

  église de Marson P

 

Le week-end dernier, je vous avais emmenés au pied du château de Marson et j’avais évoqué sa compagne, la petite église Sainte-Croix. C’est aujourd’hui, jour des Rameaux, à son tour d’être mise en lumière.

Bordée par les vestiges de son lavoir public du XVIII° siècle, l’église, dédiée à sainte Croix, est un petit édifice plein de charme qui possède une nef unique du XII° siècle. Elle aurait été primitivement fondée sous le nom de chapelle Sainte-Catherine par Baudouin de la Grézille et fut ensuite dédiée sous le vocable de Sainte-Croix.

 

  église marson lavoir P

 

C’est Geoffroy de la Gézille, seigneur de Marson, qui la fit construire. Voulant y attacher un prêtre, il supplia Geoffroy-la-Mouche, évêque d’Angers (1162-1177), d’approuver son œuvre. C’est ainsi que le prélat publia une charte, en date du 10 février 1170 : « Nous, Geoffroy, par la grâce de Dieu, évêque d’Angers, voulons faire savoir par cet écrit que Geoffroy de la Grézille, avec le consentement de l’archidiacre Herbert, de l’archiprêtre Yvon, du maître-école Guillaume, et d’Hardouin, curé de Chétigné, a fait construire à Marson, paroisse de Chétigné, une chapelle qui sera desservie par le curé de Chétigné ou par un chapelain sous ses ordres. » Suivent  des

précisions concernant les dîmes auxquelles renonce le seigneur en faveur du curé, les fêtes annuelles et les sacrements.

 

église de marson cimetière P

 

En 1584, le seigneur de Marson souhaita fixer la résidence des deux prêtres de la paroisse. Il accorda au desservant une maison qu’il venait de faire édifier et une cave avec une cour renfermée de murailles. Il donna au chapelain une cour et un jardin.

Le portail de l’église, réalisé en arc brisé d’une facture romane très sobre, donne dans une nef de petite dimension. Le reste de l’église, dont le chœur et les chapelles latérales, date du XVIII° siècle, époque à laquelle on refit la toiture de la nef.

Louis Raimbault, dans son Répertoire Archéologique en Anjou (1866), donne une description  précise de cette petite église : « Elle a la forme d’une croix latine dont les bras sont très courts. Le chœur, en forme d’arceau, est voûté, avec nervures prismatiques, à l’entrecroisement desquelles est un écusson […] qu’il est facile de reconnaître pour les armes de la famille de Quatrebarbes […] Les trois arcades du transept sont plein cintre […] Le côté nord-est de la nef a une petite fenêtre plein cintre qui peut remonter au XII° siècle. Le pignon est également percé d’une fenêtre plein cintre et le sommet terminé par une bretèche (logette destinée à recevoir les cloches) à deux baies dans l’une desquelles se trouve la cloche […] La grande porte sur le côté sud-ouest de la nef est ogivale à nervure cylindrique et surmontée d’un écusson qui semble pareil à celui de la voûte du chœur. Une petite galerie, ou vestibule, est élevée devant cette porte. » On trouve ce type de galerie dans certaines églises romanes de Champagne.

 

église marson porche P

 

Les murs intérieurs étaient surmontés d’une corniche dont il ne demeure que quelques éléments. La charpente de la nef, en forme de carène renversée, ne présente pas de faîtière. Elle est remarquable par la finesse de ses entraits et de ses poinçons. Le 15 août 1762, la charpente du chœur s’effondra. L’ensemble fut reconstruit et le chœur lambrissé en fut terminé le 16 juin 1764 par les soins de M. Le Royer de Chantepie, curé de Chétigné et de Marson. L’année suivante, le grand autel fut démoli. L’autel aux parements de marbre, date de 1765 et il fut placé au bas du grand vitrail du pignon.

La chaire, le bénitier octogonal et les fonts baptismaux sont en pierre de tuffeau, le matériau local. Les quatre statues, toujours en pierre de tuf, restaurées en 1994,  datent du XVIII° siècle. Elles représentent saint Sébastien, saint Jean-Baptiste, une Vierge à l’Enfant et sainte Catherine d’Alexandrie. Les vitraux, restaurés en 1991, datent du XIX° siècle.

La cloche provient de la fonderie Guillaume à Angers et date de 1868. Nous avons vu que le curé de Chétigné avait des rapports conflictuels avec « ces chapelains qu’on voit sans cesse […] s’élever et prétendre contre ses droits ». Le 27 mars 1715, il fut contraint de faire descendre la cloche neuve du clocher et d’effacer le titre de curé qu’y avait fait inscrire Abel Valette, son vicaire récalcitrant.

 

église marson cloche P

 

Cette église, restaurée entre 1984 et 1994, a été somme toute très peu remaniée : elle plaît par l’harmonie de ses proportions et le calme de son petit cimetière. Un havre de paix, auprès duquel il fait bon s’arrêter pour une pause bucolique. Ensuite, il ne sera que temps d'aller déguster la spécialité locale, les célèbres fouées, dans Les Caves de Marson, sises dans les troglodytes à quelques mètres de distance.

Au cours de l’été 2011, l’église Sainte-Croix accueillera les œuvres d’un artiste, dans le cadre du circuit organisé par Art et Chapelles dans les églises du Saumurois.

 

  église marson croix P

 

 

Sources :

Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°3, mars 1917.

Bulletin Paroissial de Rou-Marson,  n°13, janvier 1918.

Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°15, mars 1918.

Bulletin Paroissial de Rou-Marson, n°53, mai 1921.

Les Carnets du Patrimoine, Anjou, 1999, Les Guides Massin.

http://www.communes-françaises.com/49/rou-marson

 

 

 

 

 

 

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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 12:26

  Katyn l'exécution

 

Avec son film Katyń (2007), diffusé jeudi 14 avril 2011 sur ARTE, le cinéaste polonais Andrzej Wajda signe une œuvre forte au lyrisme contenu. Katyń est le nom d’une localité russe près de Smolensk. Dans les centres du NKVD (Commissariat du Peuple aux Affaires Intérieures), lors du printemps 1940, y furent exécutés par les Soviétiques, d’une balle dans la nuque, 14 700 officiers polonais et 11 000 membres de la résistance nationale, oubliés dans les forêts de Katyń, Tver et Kharkov. On se rappellera qu’auparavant, Staline et Hitler avaient conclu le pacte Molotov-Ribbentrop (signé le 23 août 1939 et rompu le 22 juin 1941) dans le but de se partager la Pologne, « ce bâtard né du traité de Versailles ».

 

Katyn Maja Ostaszewska

Anna, la femme d'Andrzej (Maja Ostaszewska)

 

Ce massacre de masse fut passé sous silence pendant les longues années de l’occupation soviétique, qui en reporta la responsabilité sur les Allemands. Ceux-ci en avaient découvert les charniers lors de leur avancée vers l’Est en avril 1943. Pendant des décennies, URSS et Allemagne, qui avaient été unies par le pacte germano-soviétique, s’accableront mutuellement avant que la vérité n’émerge peu à peu, entre 1981 et 1989. C’est Boris Eltsine en 1992 qui reconnaîtra publiquement le rôle de Staline, en accord avec Beria et le Politburo, dans cette décapitation de l’armée polonaise, considérée alors comme les « ennemis objectifs ».

 

Katyn la mère-copie-1

La mère d'Andrzej (Maja Komorowska)

 

Si Wajda a souhaité réaliser ce film, c’est d’abord pour des raisons personnelles. En effet son père, Jakub Wajda, valeureux soldat de la Grande Guerre, titulaire de la croix de l’ordre Virtuti Militari, la plus haute distinction militaire polonaise, disparut dans les fosses soviétiques. Cependant, sa famille l’attendit en vain pendant des années, car si le nom de Wajda figurait bien sur les listes des victimes, il s’agissait d’un certain Karol.

 

Katyn la femme du général

Roza, la femme du général polonais (Danuta Stenka)

 

Mais le réalisateur explique que le propos de son film n’est pas uniquement la recherche d’une « simple vérité personnelle ». Il souhaite qu’il soit « le récit du drame et des souffrances subis par de multiples familles, victimes de Staline et du silence qu’il parvint à imposer à ses alliés d’alors : la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ». Il voudrait enfin que le 17 septembre 1939, date de l’invasion de la Pologne par les nazis,

ne soit plus uniquement pour les jeunes Polonais d'aujourd'hui la date d'un jour férié. 

 

Katyn la fille du généralEwa, la fille du général polonais (Agnieszka Kawiorska) 

 

Le film est fondé sur un scénario adapté du livre de Andrzej Mularczyck, Post Mortem, l’histoire de Katyń. Mais il se base aussi sur les récits des documents retrouvés sur le corps des officiers, et associe des images d’archives à des témoignages historiques véhiculés par des personnages. Il s’est agi pour Wajda de relater la destinée tragique de ceux qui vécurent cette horreur planifiée, ce « nettoyage de classe ».

 

Katyn Magdalena Cielecka

Agnieszka, la soeur du lieutenant Pilote  (Magdalena Cielecka)

 

C’est donc à travers l’histoire de plusieurs femmes, dont le destin s’entrecroise, que le cinéaste accomplit son devoir de mémoire. Il s’agit d’abord d’Anna (Maja Ostaszewska), de sa fille Weronika dite Nika (Wiktoria Gasiewska) et de sa belle-mère  (Maja Komorowska), toutes trois ignorantes du sort d’Andrzej leur mari, père et fils, capitaine au 8e régiment de Uhlans (Artur Zmijewski), dont elles perdent la trace, alors qu’un train de prisonniers l’emmène vers l’Est. Il y a encore Róza (Danuta Stenka) et sa fille Ewa (Agnieszka Kawiorska)), qui apprennent la mort de leur époux et père, un général de l’armée polonaise (Jan Englert), mais qui s’opposent farouchement à ce que l’on travestisse la vérité de sa mort. C’est enfin le personnage d’Agnieszka (Magdalena Cielecka), la sœur du lieutenant Pilote qui, telle Antigone, n’aura de cesse, au mépris de sa vie, d’ériger une pierre tombale à la mémoire de son frère martyr. Trois belles figures de femmes, amoureuses et fières, rebelles à toute compromission, qu’aucune hypocrisie étatique ou militaire ne fera plier.

 

 Katyn Maja Ostaszewska et Wiktoria Gasiewska

Anna et sa fille Nika (Wiktoria Gasiewska)

 

Tendu vers le point d’orgue tragique qu’est l’exécution méthodique de toute une armée, retraçant l’histoire d’un mensonge d’Etat, le film évite l’écueil du pathos pour donner toute sa lisibilité à cet effroyable maquillage de la vérité. Wajda ne cache rien des différences de point de vue entre les officiers emprisonnés dans les camps, ni de la violence brutale d’un Müller mettant à bas l’Université polonaise (dont fait partie le père d’Andrzej, le professeur Jan [Wladyslaw Kowalski)]), ni encore des choix faits après la guerre par les membres d’une même famille. Ce qui donne lieu notamment à une très belle scène entre une Agniezska qui continue à résister sous l’occupation soviétique, alors que sa sœur Irena (Agnieszka Glinksa)  a choisi de faire le jeu des nouveaux maîtres. Ce dilemme s’incarne de manière exemplaire dans le personnage du lieutenant Jerzy (Andrzej Chyra), qui a échappé au massacre de Katyń et qui devient le bras armé de l’occupant. Au terme d’une lente prise de conscience, il finira par hurler la vérité et se suicidera de n’être pas entendu.

 

Katyn 2

Le lieutenant Jerzy, du 8e régiment de Uhlans (Andrzej Chyra)

 

Long cheminement vers une vérité trop longtemps occultée et falsifiée, le film s’achève donc par l’exécution systématique des officiers, tué un par un d’une balle dans la nuque, et basculant dans une fosse. Puis, sur la belle musique de requiem de Krzysztof Penderecki (De natura sonoris), l’écran devient noir.

A l’image de ce Christ enterré dans une fosse et recouvert d’une capote militaire, c’est du martyre de toute une nation que Wajda  nous invite ainsi à nous souvenir. Baignant dans un clair-obscur ou dans une froide lumière mortifères, le film d’une facture très classique (que certains lui ont d’ailleurs reprochée) impressionne par son acharnement à dévoiler la vérité d’un peuple. Sa puissance tient sans doute aussi au fait que Wajda nous donne à lire cette page d’Histoire tragique au travers de beaux personnages de femmes courageuses. Antigone éternelles, celles-ci nous rappellent avec Sophocle qu’ « un mort n’a pas besoin d’être tué deux fois ».

 

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki. Katy%

http://www.katyn-lefilm.fr

 

 

 

 

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 22:12

  Boire fumer

  Marc (David Brécourt), Greg (Christian Vadim), Simon (Philippe Lellouche)

Photo Pacome Poirier/ WikiSpectacle

 

Décidément le thème de la garde à vue sied aux quadragénaires. Après le romancier Frédéric Beigbeder, qu’une garde à vue incitait à évoquer son passé dans Un roman français, Philippe Lellouche, comédien et metteur en  scène, propose une pièce dans laquelle trois hommes se retrouvent dans une cellule de garde à vue parisienne, pour des motifs différents. Simon (Philippe Lellouche) a fait un excès de vitesse de plus de 8kms/h  sur les boulevards des maréchaux ; Marc (David Brécourt) a fumé gare d’Austerlitz ; Greg (Christian Vadim)  a été arrêté en état d’ébriété.

Jeudi 14 avril, au théâtre Beaurepaire, à Saumur, ils évoquaient leur inquiétude devant la jeune avocate commise d’office (Marie Fugain en remplacement de Vanessa Demouy), venue à leur rescousse dans la cellule de dégrisement. L’occasion pour eux d’évoquer leur enfance dans les années 70, avec les dessins animés d’Albator, la boisson Tang à l’orange, les sous-pulls à col roulé en acrylique couleur fluo. Le moment aussi de se demander où en est leur couple, de s’interroger sur leur choix de vie, de s’insurger contre une société prohibitive, dans laquelle le principe de précaution est érigé en valeur suprême.

Dans un décor d’infirmerie, à la blancheur surexposée, flanqué de deux portes à cour et à jardin, debout, allongés, assis sur des bancs de plastique transparent, les trois quadras, devenus pour un temps compagnons de cellule, ont disserté sur la vie et les interdits de la société contemporaine, avec pour références culturelles les feuilletons télévisés. Les dialogues ont fusé, vifs, incisifs, souvent drôles et percutants.

Au service des comédiens en parfaite osmose, la mise en scène de Marion Sarraut, jouant exclusivement sur le noir et le blanc, s’est révélée efficace. Si Marie Fugain paraît un brin empruntée dans son rôle d’avocate, porte-parole de la loi et de la morale, on reconnaîtra à Christian Vadim, dans le rôle de Greg, beaucoup d’assurance et de conviction dans son interprétation d’un gentil alcoolique, demeuré un grand enfant. Il tire avec brio son épingle du jeu, entraînant à sa suite les autres comédiens survoltés.

Après un coup de théâtre des plus inattendus, on regrettera cependant une fin particulièrement gnangnan et moralisatrice. Greg ne convainc guère lorsqu’il pleure dans les bras de son avocate ! Et que dire de cette réplique finale, une insulte proférée en cœur par les trois acteurs ? Car, selon moi, c’est là où le bât blesse, dans une certaine vulgarité facile, dans cette manière d’avoir recours à des thématiques dans l’air du temps, tout en enfonçant des portes ouvertes.

Les Saumurois n’ont cependant pas boudé leur plaisir, qui ont applaudi à tout rompre les comédiens dans une standing ovation. Nostalgie sans doute de l’émission Au Théâtre ce soir, ou des bonnes vieilles tournées Baret… Mais, on ne m’empêchera pas de préférer Marivaux ou Calaferte.

 

 

 

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 15:36

  L'enfant à la poupée, le douanier rousseau

L'enfant à la poupée (1904), Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau

 

 

 

Pour l’avoir rencontrée un matin je l’aimai,

Au temps où tout nous dit les gaîtés naturelles,

Quand les arbres sont verts, lorsque les tourterelles

Gémissent de tendresse au clair soleil de mai.

 

Nos âmes échangeaient de longs baisers entre elles,

Tour riait près de nous, et, dans l’air parfumé,

On entendait des bruits d’amoureuses querelles.

Mon cœur, alors ouvert, depuis s’est refermé.

 

Et ne me demandez jamais pour quelle cause

Vers un autre côté la fille svelte et rose

A détourné ses yeux doux comme les bluets ;

 

Car, pour ne pas laisser leurs mains inoccupées,

Les enfants, sans pitié, brisent leurs vieux jouets

Et retirent le son du ventre des poupées !

 

 

Joseph-Albert-Alexandre, dit Albert, Glatigny est né à Lillebonne le 21 mai 1939 et mort à Sèvres le 16 avril 1873. Engagé à dix-sept ans dans une troupe de comédiens de passage, il se met à courir la province avec eux, tout en composant des drames historiques en vers. La lecture des Odes funambulesques de Théodore de Banville est  pour lui une révélation et il publie en 1857, Les Vignes folles, où l’on peut reconnaître l’influence du maître. Il continue ensuite à écrire sans renoncer à sa vie errante. Il publiera encore deux recueils poétiques, Les Flèches d’or (1864) et Gilles et Pasquins (1872).

Dans ce sonnet, le poète dit pudiquement la douleur déchirante de l’amoureux abandonné. Il le compare à une poupée maltraitée par un enfant. Théodore de Banville disait d’Albert Glatigny qu’il était « un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, qui eût été poète quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte. »

 

 

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par M’annette : Jeu, jouet, jouer

 

 

 

 

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 07:55

 

L'accompagnatrice 2

 Maria Nikolaevna Travina (Yelena Safonova) et Sonnetchka (Romane Bohringer)

dans le film, L'Accompagnatrice, de Claude Miller (1992)

 

 

L’Accompagnatrice (1985) de Nina Berberova est ce noir joyau romanesque, écrit en 1934,qui révéla Nina Berberova, et la fit connaître au monde, à plus de quatre-vingts ans.

On connaît la tragique histoire de cette Sonnetchka, jeune Russe sans grâce, qui a « une patte de poulet, une gambette de chèvre, une poitrine de chat », ainsi que la décrit un baryton de rencontre. Marquée irrémédiablement par la honte d’une naissance bâtarde, elle devient l’accompagnatrice au piano d’une cantatrice radieuse, Maria Nikolaevna Travina, miroir inversé d’elle-même.

Ce récit, écrit en focalisation interne, tout en ellipse et d’une rare densité, nous fait appréhender ce sentiment qu’on ne sait comment qualifier, et qui dévore la jeune fille. S’agit-il de révolte, d’injustice, contre une société inégalitaire ? Est-ce de l’envie, de la jalousie, cette haine viscérale qui envahit toute l’accompagnatrice ? Est-ce de la passion, de l’amour, cette attirance sado-masochiste pour une femme lumineuse, qui est tout ce que Sonnetchka ne sera jamais ? Faut-il qualifier de névrose d’échec cette attitude qui, telle « un instinct de chien », contraint la narratrice à vouloir trahir qui vous veut du bien ? Quelqu’un qui ne s’aime pas, qui ne se sent pas reconnu, sera-t-il jamais capable d’amour ?

 

L'accompagnatrice Miller

 

Telle est me semble-t-il la question essentielle que pose ce récit, qui paraît de prime abord être celui de l’échec d’une vie. En effet, même sa vengeance contre Maria Nikolaevna sera enlevée à Sonnetchka. Le mari de la chanteuse, Pavel Fédorovitch Travine, prendra les devants et libérera sa femme d’une chaîne conjugale, lui permettant ainsi d’accéder à un ailleurs amoureux et rayonnant avec André Grigorievitch Ber. On a alors l’impression que, devenue pianiste dans un petit cinéma près de la porte Maillot,  l’accompagnatrice a gâché tous ses talents, n’a pas répondu à ce que certains attendaient d’elle, ainsi que le lui dit Mitenka, le compositeur génial.

Or, à bien y regarder, une autre clé est peut-être donnée par la structure du livre. Ce dernier se clôt par ces lignes : « Et on aura beau me dire que n’importe quel moucheron n’a pas le droit de prétendre à la magnificence universelle, je ne cesserai d’attendre et de me dire : tu ne peux pas mourir, tu ne peux pas te reposer, il y a encore un être qui se promène sur terre. Il y a encore une dette que, peut-être, tu pourras un jour recouvrer… si Dieu existe. »

Certes, selon la croyance de chacun, on verra là une fin pessimiste ou optimiste, d’autant plus que cette interrogation sur l’existence de Dieu est récurrente dans le roman. Cependant, si l’on se reporte à l’incipit du roman, on peut en infléchir le sens. En effet, L’Accompagnatrice commence ainsi : « C’est aujourd’hui le premier anniversaire de la mort de maman. Plusieurs fois, à voix haute, j’ai prononcé ce mot : mes lèvres en avaient perdu l’habitude. C’était bizarre et agréable. »

Ainsi, c’est au moment où elle est capable de prononcer de nouveau sans souffrance le mot de « maman », occulté depuis toujours par l’infamie de sa naissance, que la narratrice entreprend le récit de sa vie. A l’encontre d’un Meursault, dont l’histoire commence par : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas », Sonnetchka renoue avec sa mère, avec son origine, reconnaît enfin d’où elle vient, libérant ainsi une parole défendue, qui devient salvatrice. Et c’est en cela que ce court et beau récit est peut-être l’aube d’une renaissance.

 

L'Accompagnatrice 3

 

 

 

 

 

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Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

 

La chanson du Mal-Aimé, Apollinaire

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