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25 avril 2013 4 25 /04 /avril /2013 13:54

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A Lucy,

 

Aux tréfonds de l’espace

Aux tout confins du temps

Petite et si gracile

Au corps souple et agile

Silhouette d’ébène

Dans la savane sèche

Le long du lent Awash

Lucy des origines

Tu cours au creux de moi

 

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par Hauteclaire : Préhistoire

 

 

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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 14:44

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Lundi 08 avril 2013, sur France 5, j’ai regardé Le temps du silence (2010), un téléfilm du réalisateur Franck Apprederis. Il s’agit d’une adaptation de l’œuvre de Jorge Semprun, L’Ecriture ou la Vie (1994), à laquelle l’écrivain a participé pour le scénario et les dialogues. Il précisera lui-même son projet en ces termes : « C’est délibérément un film autobiographique. Mais c’est aussi la tentative de dépasser l’autobiographie, la singularité de l’expérience. Il y a dans l’écriture de ce film, du moins potentiellement, la volonté de partager une expérience, une mémoire, qu’on a vécues seul mais dans la fraternité de tant de solitudes semblables. » Ce téléfilm avait été diffusé sur France 3 le 11 juin 2011, au lendemain de la mort de l’auteur espagnol, le 07 juin 2011.

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L’interprète du rôle de Manuel en est un jeune sociétaire de la Comédie Française, Loïc Corbery, qui a expliqué après la diffusion son émotion lors du tournage du téléfilm : « Dans les allées fantomatiques de Buchenwald, avec, sur la veste de mon costume, mon triangle de tissu rouge de prisonnier politique et mon pantalon de toile, le numéro de détention de Jorge Semprun […] est une sensation difficile à raconter. » Il explique par ailleurs que le rôle a été pour lui « un cadeau merveilleux […] un challenge énorme ».

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Force est de constater qu’il ne démérite pas dans ce défi, même si l’adaptation qui joue sur la couleur, le noir et le blanc, qui s’efforce de réinventer la vie des camps, qui propose de beaux portraits de femmes (notamment Sarah Biasini dans le rôle de Louise ou Anne Loiret dans celui d’Isabelle) ne m’a pas semblé très convaincante. Trop lisse peut-être, trop illustrative sans doute. Mettre en images ce qui n’a pu que difficilement être mis en mots par ceux qui ont vécu l’horreur me semble un défi impossible.

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Car c’est bien là le propos de l’écrivain espagnol dans L’Ecriture ou la Vie, cet ouvrage qu’il n’écrira qu’en 1987, après y avoir longtemps travaillé. Un récit autobiographique qui rend compte de la difficulté de vivre- de survivre- et d’écrire après son internement à Buchenwald, de 1943 à 1945, là où, dit-il, il apprendra ce que c’est que « vivre sa mort ». En témoigne ce dialogue entre Manuel et l’une des femmes qu’il rencontre après la guerre : - « La mort ne vient pas après mais pendant. » - « Pendant quoi ? »- « Pendant la vie ! »

A ceux qui lui conseillent d’écrire pour « mettre en ordre  [sa] mémoire, pour oublier justement », il répond : « Si je continue à écrire, c’est la fin. » L’écriture en effet le replonge dans l’horreur, l’asphyxie comme l’eau de « la baignoire de la villa de la Gestapo à Auxerre ». C’est Lorène (Barbara Cabrita), celle qui ne sait rien de son passé, qui le fait revenir à la vie, « c’est-à-dire dans l’oubli ». Avec Laurence (Audrey Marney), dont le fiancé est mort à la guerre, l’amour est une impasse.

Le-temps-du-silence carre 141x141(16)

Jorge Semprun l’a toujours affirmé : « Je ne suis pas un survivant […] je ne parlerai jamais comme quelqu’un qui a survécu à la mort de ses camarades. Je ne suis qu’un vivant, c’est tout ! » A ce propos, on sera sensible à l’évocation du très beau poème d’Aragon, « Chanson pour oublier Dachau », dont une quinzaine de vers se retrouve dans le livre de Semprun.  Dans le téléfilm, on assiste à la discussion entre Manuel, le peintre Boris Taslizky (Philippe Le Dem) et Aragon (Frédéric Van Den Driessche) et aux réflexions sur le poème du Nouveau Crève-Cœur (1948) qui en a découlé. Si je me souviens bien, il me semble que le peintre ou l’écrivain dit que ce poème, mieux que de la prose, a su dire l’indicible. Je voudrais donc faire quelques remarques sur ce poème qu’on ne peut lire sans une profonde émotion.

 

« Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs

Il n’y aura pas à courir les pieds nus dans la neige

Il ne faudra pas se tenir les poings sur les hanches

jusqu’au matin

Ni marquer le pas le genou plié devant un

gymnasiarque dément

Les femmes de quatre-vingt-trois ans

les cardiaques ceux qui justement

Ont la fièvre ou des douleurs articulaires

ou Je ne sais pas moi les tuberculeux

N’écouteront pas les pas dans l’ombre qui

s’approchent

Regardant leurs doigts déjà qui s’en vont en fumée

Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs

 

Ton corps

Ton corps n’est plus le chien qui rôde et qui ramasse

Dans l’ordure ce qui peut lui faire un repas

Ton corps n’est plus le chien qui saute sous le fouet

Ton corps n’est plus cette dérive aux eaux d’Europe

Ton corps n’est plus cette stagnation cette rancoeur

Ton corps n’est plus la promiscuité des autres

N’est plus sa propre puanteur

Homme ou femme tu dors dans des linges lavés

Quand tes yeux sont fermés quelles sont les images

Qui repassent au fond de leur obscur écrin

Quelle chasse est ouverte et quel monstre marin

Fuit devant les harpons d’un souvenir sauvage

Quand tes yeux sont fermés revois-tu revoit-on

Mourir aurait été si doux à l’instant même

Dans l’épouvante où l’équilibre est stratagème

Le cadavre debout dans l’ombre du wagon

Quand tes yeux sont fermés quel charançon les

ronge

Quand tes yeux sont fermés les loups font-ils le beau

Quand tes yeux sont fermés ainsi que des tombeaux

Sur des morts sans suaire en l’absence des songes

 

Tes yeux

Homme ou femme retour d’enfer

Familiers d’autres crépuscules

Le goût de soufre aux lèvres gâtant le pain frais

Les réflexes démesurés à la quiétude villageoise de

la vie

Comparant tout sans le vouloir à la torture

Déshabitués de tout

Hommes et femmes inhabiles à ce semblant de bonheur revenu

Les mains timides aux têtes d’enfants

Le cœur étonné de battre

 

Leurs yeux

Derrière leurs yeux pourtant cette histoire

Cette conscience de l’abîme

Et l’abîme

Où c’est trop d’une fois pour l’homme être tombé

Il y a dans ce monde nouveau tant de gens

Pour qui plus jamais ne sera naturelle la douceur

Il y a dans ce monde ancien tant et tant de gens

Pour qui toute douceur est désormais étrange

Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens

Que leurs propres enfants ne pourront pas

comprendre

Oh vous qui passez

Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs

 

Tout comme Semprun, Aragon se tient ici du côté de la vie. Les morts, dans une métaphore classique, sont comparés à des dormeurs que les vivants ne doivent pas réveiller. Le poème, circulaire, commence par « Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs » pour se terminer par une apostrophe aux vivants en marche : « Oh vous qui passez/ Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs ». On notera l’emploi du futur de certitude et l’impératif de défense, que viennent renforcer la négation et le pronom indéfini du premier vers. Une occurrence du premier vers se retrouve de plus à la fin de la première partie qui décrit les scènes du quotidien.

Entre ces vers qui isolent les morts du monde des vivants, Aragon reconstitue en effet le rituel atroce des camps. Le champ lexical du corps est au service de la vision de ces rassemblements inhumains sous le froid et la neige pendant des heures, pour la satisfaction du sadisme d’ « un gymnasiarque dément ». Celui de la maladie souligne l’horreur de ces traitements infligés à des gens déjà affaiblis, la menace de la mort dans les crématoires étant matérialisée par les « pas dans l’ombre qui/ s’approchent » et les « doigts déjà qui s’en vont en fumée ». Quelques vers suffisent à exprimer avec force la lente déchéance des corps promis aux crématoires et la déshumanisation des êtres.

Dans une deuxième partie, le poète s’adresse à une victime en particulier, donnant ainsi plus de force à ce qui fut une extermination de masse mais où chaque mort fut particulière. On notera l’anaphore de « Ton corps », insistant sur cette méthode de destruction des corps par l’humiliation, le rabaissement à l’état animal, la promiscuité dégradante. Tout un vocabulaire péjoratif, allié à un procédé d’accumulation et au démonstratif, vient de plus en souligner l’horreur (« l’ordure », « le fouet », « cette dérive », « cette stagnation », « cette rancœur », « la promiscuité », « puanteur »).

On notera cependant que ces évocations de l'enfer se font par le biais de la forme négative totale, particulièrement insistante (« ne… pas », « ne…plus »), indiquant que ces épreuves sont définitivement terminées. Réveiller les dormeurs (et donc écrire ?) serait contraindre les survivants à revivre l’abjection. Mais en sont-ils véritablement libérés ?

En effet, usant de la forme interrogative, le poète s’interroge sur les visions que le survivant (« Homme ou femme ») a gardée en mémoire, maintenant qu’il repose « dans des linges lavés ». Métonymiquement, les yeux succèdent au corps. L’anaphore, « Quand tes yeux sont fermés », souligne combien les nuits des victimes sont hantées de cauchemars et qu’elles n’ont pas droit à la beauté des « songes ». On est happé ici par la force des images venues sous la plume du poète. Elles évoquent une chasse à l’homme, le monstre « marin » du nazisme poursuivi sans fin par le « souvenir sauvage », et la mort debout dans les wagons, « dans l’épouvante où l’équilibre est stratagème ». La mémoire devient ainsi insecte rongeur, « charançon » mortifère, qui fait revivre la parade bottée et cravachée des officiers nazis, devenus « loups » pour l’homme et faisant « le beau ». C’est là, pour celui qui reste, que « Mourir aurait été si doux » et que ses yeux fermés ne voient plus que les « morts sans suaire ».

Ce thème du regard est aussi très présent chez Jorge Semprun. N’évoque-t-il pas « son regard de fou, dévasté » ? Ne saisit-il pas celui « dilaté d’horreur d’un jeune soldat américain fixé sur l’amoncellement des cadavres qui s’entassaient à l’entrée des bâtiments des fours ? » Comment vivre après quand « les yeux ont vu ça » ? Chez Aragon, le questionnement angoissé se poursuit quand, « de retour d’enfer », il faut réapprendre à vivre, en ayant éternellement en tête « d’autres crépuscules », toujours à la bouche « le goût de soufre », « les réflexes démesurés à la quiétude villageoise ». Tout un lexique de l’inaptitude (« inhabiles », « timides », « étonné de tout ») indique que désormais les survivants (Hommes et femmes ») sont « Déshabitués de tout ». De tout ce qui fait la saveur de la vie elle-même (« le pain frais », les « têtes d’enfants », le cœur qui bat ), rien ne leur semble plus normal : ce n’est qu’un « semblant de bonheur revenu ».

La dernière partie du poème dit la blessure irrémédiable d’avoir connu le gouffre, cette béance déshumanisée qui demeure « derrière leurs yeux » (double occurrence du mot) et le mot « abîme » est ici employé deux fois. La chute dans cette abjection est de « trop » et il n’est aucun moyen de l’oublier. L’anaphore, « Il y a dans ce monde ancien… nouveau… ancien et nouveau », souligne la solennité de ce qui est ici affirmé. De nouveau, l’emploi du futur et de la forme négative conforte cette idée d’un fait irrémédiable, ce que révèlent l’emploi des adverbes de temps (« plus jamais », « désormais »). La répétition du superlatif insiste sur le nombre des victimes, (« tant de gens… tant et tant de gens ») qui se retrouvent désormais dans un au-delà du monde où la douceur n’est plus « naturelle » mais est devenue « étrange », tout comme eux sont devenus des étrangers. Il ne sert à rien de parler ni d’écrire puisque « leurs propres enfants ne pourront pas/ comprendre ». Et pourtant, les derniers vers, « Oh vous qui passez/ Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs », s’ils désignent bien les morts, mai[…] les désigne[nt] aux vivants et les désigne[nt] comme morts ». Entre l’écriture ou la vie, dans un premier temps, Semprun choisira aussi la vie. Il savait en outre, ainsi qu’il l’a écrit, que « le vrai problème, ce ne sera pas de raconter mais d’être entendu ».

Ce téléfilm m’aura ainsi permis de découvrir ce poème poignant d’Aragon, résistant communiste comme Semprun, qui, s’il ne connut pas les camps, sut les dire avec justesse et vérité grâce aux mots du poète.

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Sources :

L’Ecriture ou la Vie, wikipedia.org

Ecrire après Auschwitz : mémoires croisées France/ Allemagne

 

 

 

 

 

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 17:40

 

  REVE_HOMME_RIDICULE.jpg

Christian Huitorel dans Le rêve d'un homme ridicule

(Crédit photos DR)

 

Etrange texte que ce Rêve d'un homme ridicule (1877), traduit du russe par André Markowicz, que nous a raconté Christian Huitorel, jeudi 04 avril 2013 au Théâtre Beaurepaire à Saumur. Le comédien en est l'interprète et le metteur en scène. Dans un décor réduit à sa plus simple expression (une chaise sans dossier à jardin, une branche morte à cour, et deux formes de bois découpé), le comédien, vêtu d'un méchant costume gris fatigué sur un tee-shirt délavé, a interprété avec force ce récit fantastico-mystique. C'est une longue nouvelle-apologue d'une soixantaine de pages, structurée en cinq chapitres et un épilogue, que Dostoïevski avait incluse avec d'autres dans le Journal d'un écrivain, trois ans avant Les Frères Karamazov et quatre ans avant sa mort. La force de ce texte provient sans doute du fait qu'il s'agit d'une voix sans nom, d'un héros anonyme qui est le destinataire d 'une vérité venue d'ailleurs.

Le narrateur y apparaît d'abord comme un homme désabusé, « un drôle d'homme », une sorte d'étranger au monde, au sens camusien, persuadé qu'il est le seul à connaître la Vérité et dont l'indifférence foncière éclate dans « les petites choses ». C'est ainsi que lui-même et les autres le considèrent comme « un homme ridicule », dont on rit, qui suscite sarcasme et moquerie.

Par une sombre soirée, la vision d'une étoile dans le ciel l'incite à se tuer. Pourtant, une petite fille, en quête de secours pour sa mère et dont il dédaigne les plaintes, l'en dissuade. De retour chez lui, tandis que son voisin capitaine fait la fête, assis dans un fauteuil, l'homme ridicule se met à rêver. Il rêve qu'il se tire une balle en plein cœur, qu'on l'enterre, et que, tel un supplice, une goutte d 'eau tombe à intervalle régulier sur lui. Alors surgit un être inconnu qui l'emporte à travers l'espace sidéral. Il parvient ainsi dans un pays, sorte de reflet de sa terre d'origine, où il découvre un peuple qui vit à l'Age d'or, dans l'innocence et l'amour. Au bout d'un certain temps, sa seule présence y fait naître le mensonge, la haine, le crime. Mais ces hommes sont persuadés que la Science qu'il leur révèle leur enseignera les lois du bonheur. Alors qu'il se décident à l'enfermer, il se réveille, déterminé désormais à prêcher « la Vérité dans sa gloire ».

Il a en effet prix conscience que « tous les hommes peuvent être beaux et heureux sans cesser de vivre sur la terre ». L'unique Vérité « répétée des billions de fois et qui pourtant ne s'est enracinée nulle part », c'est que « chacun aime les autres comme soi-même». Il s'agit donc du récit d'une révélation, de l'histoire d'une métamorphose. Le rêve devient ici chemin initiatique sur le chemin de l'amour des hommes, avant peut-être d'accéder à l'amour de Dieu. Le personnage y est la proie d'un « retournement » au sens de Vladimir Volkof. Il subit une véritable conversion, tel saint Paul sur le chemin de Damas, contraint de dépouiller en lui le « vieil homme ».

Dans ce long monologue, qui peut être un piège terrible pour le comédien qui s'y risque, le narrateur passe par de nombreux états. Il se présente d'abord à nous dans une sorte d'orgueil et de folie, une exaltation dans laquelle il se déclare seul détenteur de la Vérité, une sorte de délire narcissique et masochiste où il se fait gloire d'être considéré par tous comme un homme ridicule. Le spectateur ne sait que penser de ce personnage exalté et ma foi peu sympathique. La rencontre nocturne avec la petite fille inquiète le fait passer par un sentiment d'exaspération et de rejet. Après la prise de conscience que cette rencontre l'a sauvé du suicide, le rêve le fait pénétrer dans un état de grande angoisse, suivi d'un intense sentiment de libération lorsqu'il accède aux rivages de la nouvelle terre. Son enthousiasme prend alors des accents rousseauistes pour décrire cet univers harmonieux d'avant la Chute. Ensuite, naîtra la culpabilité d'avoir perverti un peuple innocent et heureux, le texte s'achevant sur cette volonté avouée de prêcher le message d'amour du Christ. Il affirme ainsi : « Mais comment n'aurais-je pas cette foi : j'ai vu la vérité, je ne l'ai pas découverte par une opération de l'esprit, je l'ai vue, vue, et sa vivante image a empli mon cœur. » J'aime beaucoup l'ouverture de la fin du texte qui revient au personnage de la petite fille et invite à partir sur un chemin d'attention à l'autre : « Quant à la petite fille, je l'ai retrouvée... Et j'irai, j'irai. »

A l'écoute de ce rêve « étrange et pénétrant », qui tourne à la confession, le personnage nous apparaît dans toute sa complexité. Au début, on est agacé par cette morgue et cette suffisance, puis, comme le narrateur, le spectateur est saisi par la nostalgie intense que suscite le description de ce monde édénique. L'homme ridicule finit par susciter en nous une surprenante tendresse, une étonnante empathie lorsqu'il en appelle à un amour réciproque entre tous les hommes. Sa naïveté nous touche, l'énergie de ses sentiments nous surprend, sa métamorphose nous étonne.

Peut-être celle du personnage est-elle tout simplement à l'image de celle que subit Dostoïevski lui-même, emprisonné pendant quatre ans au bagne d'Omsk. Il y connut une évolution capitale qui lui fit rencontrer la Russie profonde et la miséricorde divine : «Le bagne m'a beaucoup pris et beaucoup inculqué. Ces années ne seront pas stériles. " Et encore : « Il n'est rien de plus beau, de plus profond, de plus sympathique, de plus raisonnable, de plus viril et de plus parfait que le Christ... »

Par ailleurs le narrateur est ici exemplaire de ce « caractère polymorphe », dont Claudel, à propos de Dostoïevski, indique qu'il en est l'inventeur et qu'Alain Besançon souligne avec justesse : « C'est-à-dire que Molière ou Racine ou les grands classiques ont des caractères d'un seul tenant tandis que Dostoïevski a fait une découverte en pyché, qui est l'équivalent de de Vries en sciences naturelles : la mutation spontanée […] Vous voyez une crapule, comme dans Crime et Châtiment […] qui tout à coup devient une espèce d'ange […] C'est cette imprévisibilité, cet inconnu de la nature humaine qui est le grand intérêt de Dostoïevski. L'homme est un inconnu pour lui-même et il ne sait jamais ce qu'il est capable de produire sous une provocation neuve. » On sait que chez l'écrivain russe l'enfer est toujours proche du ciel. C'est pourquoi il semble que cet étrange rêveur soit ici la quintessence des personnages de l'œuvre de Dostoïevski qui, de Muichkine à Raskolnikov, parcourent toute la gamme du Bien et du Mal.

C'est avec passion et enthousiasme que Christian Huitorel s'attache à nous restituer ce parcours extraordinaire d'une âme touchée par l'Amour. Grâce à une diction parfaite, à une manière intense et nuancée d'exprimer cette longue marche onirique et spirituelle, à des déplacements économes mais toujours signifiants, à une mise en scène d'une grande clarté, il nous invite ainsi à réfléchir sur les grands utopistes. De Gandhi à sœur Teresa en passant par Martin Luther King, on se souvient de ces être rares qui, au risque d'être incompris et ridicules, ont transmis à travers leur vie un message de paix et d'amour.

 

Sources :

www.canalacademie.com/ida83

Dostoïevski Studies. Le retournement : du spirituel dans La Douce et Le rêve d'un homme ridicule, Jacques Catteau

 

 

 

 

 

 

 

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 21:40

 

  la-femme-au-chapeau-rouge crédit photo jacques morell Fran

Amira Casar (Dora Maar) et Thierry Frémont (Picasso)

 ( Crédit Photo, Jacques Morell, France 2)

 

   

Une femme, qui plus est, une artiste, peut-elle vivre aux côtés d’un génie sans y perdre son âme ? C’est cette douloureuse question que pose le téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe, diffusé sur France 2, mercredi 16 février 2011. Le réalisateur y retrace, à travers quelques dates de 1935 à 1973, la relation passionnée et mortifère que la photographe Dora Maar, qui avait 28 ans, et qui était connue pour ses collages surréalistes, entretint pendant sept ans avec Pablo Picasso, alors âgé de 54 ans, et au faîte de sa gloire.

D’emblée, le ton est donné par Georges Bataille, un des amants de la jeune femme, lorsqu’il affirme, au sein de cette compagnie d’amis  où l’on pratique l’amour libre,  qu’en amour « ce sont les hommes qui choisissent, pas les femmes ». Après avoir été « choisie » par le peintre espagnol, Dora Maar sera contrainte d’accepter les innombrables allers et retours de son génial amant vers sa première femme Olga Khokhlova, et celle qu’elle appelait la « crémière », Marie-Thérèse Walter, la mère de sa fille très aimée Maya. Elle sera finalement abandonnée pour une « jeunesse » Françoise Gilot (qui sera la mère de Claude et de Paloma).

Le metteur en scène met en lumière le sentiment ambigu, mêlé d’admiration, de passion et de masochisme, qui liait la photographe à l’artiste. Lui-même, un temps, ne sait plus où est la frontière et il demande à sa maîtresse : « Tu m’aimes ou tu admires le peintre ? » Et elle de répondre : « Ton talent m’inspire. » Et lorsque Nusch, la femme de Paul Eluard (l’ami qui écrit les vers merveilleux : « Tous se devaient l’un à l’autre une nudité tendre/ De ciel et d’eau d’air et de sable ») lui conseille d’arrêter  d’être son modèle, consciente de son génie  sans limites, elle répond : « Je ne peux pas, je suis l’œuvre ! » Quant à Picasso, alors que Dora Maar et Marie-Térèse Walter se disputent comme des chiffonnières, il soupire : « Les histoires de femme, ce n’est pas mes affaires", et il retourne à la création de Guernica : ne se reconnaît-il pas comme un peintre « en guerre » ?

Jean-Daniel Verhaeghe brosse en effet un portrait au vitriol d’un Picasso macho et égoïste, qui sacrifie tout à son art. Celui qui avoue qu’il existe deux types de femmes,  « les tapis-brosses et les déesses », celui qui détaille devant son épouse et ses deux maîtresses, réunies au Grand Hôtel de Royan, les mérites respectifs de chacune (« Olga, c’est la femme classique, Marie-Thérèse, ce sont les rondeurs… »), vampirise Dora Maar, allant jusqu’à lui déclarer : « J’aime ta souffrance et je te peins. » Et tandis que la jeune femme s’essaie à la peinture, il lui lance avec mépris : «  Tu es incapable de créer, tu es incapable d’être enceinte ; c’est peut-être tes ongles que tu peins le mieux ! »

A l’aube de la guerre, consciente qu’elle « passe [son] temps à [l’] attendre", qu’elle s’étiole et se sacrifie en vain, Dora Maar s’écrie : « Il faut que je fasse une exposition, sinon je vais mourir étouffée. » Alors qu’il peint Guernica, elle obtient de lui l’autorisation de photographier la genèse de la toile, continuant ainsi sur la voie de la dévotion à l’œuvre de son amant. Après la guerre, elle sombrera dans la neurasthénie, subira des électrochocs et finira ses jours dans la maison de Ménerbes qu’il lui avait offerte en guise de cadeau d’adieu et dont il s’était dessaisi à regret à l’été 1946.

Dora Maar, qui avait été « la muse sulfureuse des surréalistes", qui avait tenu tête à Picasso qui la considérait « comme un homme », deviendra telle qu’il l’avait peinte dans son tableau, La Femme qui pleure au Chapeau rouge, la « fille de la Douleur et de la Tristesse ». Tout comme le peintre disloquait dans sa peinture « les visages et les corps pour que ça fasse mal à l’œil comme des bombes », il disloquera sa maîtresse, au point de lui faire reconnaître ce terrible constat d’anéantissement : « J’ai trente-six ans,  je suis stérile, je ne serai plus jamais amoureuse. » « Quand on a aimé Picasso, qui reste-t-il à aimer, sinon Dieu », dira-t-elle.

 

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La Femme qui pleure au Chapeau rouge, Picasso, 1937

 

Jean-Daniel Verhaeghe fait ainsi le portrait d’un génie destructeur à qui Dora Maar hurle : « Tu ne sais que détruire, dans ta vie et dans ta peinture ! » Olga mourra abandonnée de tous ; Marie-Thérèse Walter se suicidera, tout comme Pablito, son petit-fils, et Jacqueline Roque-Picasso, sa dernière femme, qui se tirera une balle dans la tête. Tous victimes et proies d’un Minotaure qui était lui-même et que Picasso avait si souvent représenté.

Thierry Frémont et Amira Casar sont les deux interprètes de ces artistes passionnés et malheureux. Ils ont particulièrement travaillé leurs rôles : ils se sont apprivoisés, ont fait de nombreuses lectures du scénario à la table, ont beaucoup réfléchi sur leurs personnages avant le tournage. Ils ont proposé de nombreuses suggestions à Jean-Daniel Verhaeghe pour ajouter de la crédibilité aux deux amants furieux, truffant notamment les dialogues d’expressions et de mots espagnols. Les deux acteurs ont reçu le prix d’interprétation au Festival de la fiction TV 2010 à La Rochelle

Amira Casar a été fascinée par le personnage de Dora Maar, et on lui a souvent dit qu’elle lui ressemblait. Elle s’est sentie investie d’une « mission secrète et enflammée : rétablir Dora Maar à sa juste place en tant qu’artiste ».  Elle a souhaité « donner sur elle, à travers le connu et l’inconnu, à travers ce que l’on sait d’elle et ce que l’on ignore – et à travers ce qu’elle évoque en [elle], dans le labyrinthe des [ses] pensées et de [ses] passions, un point de vue sur elle ». Elle joue avec justesse ce difficile personnage de femme blessée, consumée par une passion destructrice, qui s’enorgueillit de faire partie de l’Histoire de la peinture, et s’anéantit elle-même dans un amour suicidaire.

On regrettera cependant que Thierry Frémont,  qui avait été remarquable dans le rôle de Francis Heaulme, le « routard du crime », force ici le trait pour nous donner l’image d’un Picasso, cynique et priapique, roulant de grands yeux furibonds.  Ce fabuleux comédien nous avait habitué à plus de nuances

Toujours est-il que ce téléfilm, en dépit de ces quelques restrictions, séduit avec ce portrait d’un couple mythique, qui, par bien des aspects, ne peut pas manquer de faire songer à celui que Rodin constitua avec Camille Claudel.

  minotaure

Minotaure une coupe à la main avec une jeune femme, Picasso, 1933

 

 

 

 

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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 20:45

Jaune Protégé 

Marie-Madeleine au pied de la croix, Theodor van Thulden (1606-1669)

 

 

Toi Marie-Madelein(e) pénitente exaltée

Arrosant de tes larmes les pieds de l’Inspiré

Marie de Magdala la femme pécheresse

Faisant de tes cheveux une longue caresse

Toi la Magdaléenn(e) prostituée sacrée

Qui versait sur Sa tête des parfums distillés

Marie de Béthanie perdue dans le silence

Contemplant ton Seigneur remplie de sa présence

Toi la femme innombrable des démons délivrée

Que n’avais-tu songé au lac de Galilée

Qu’un jour noir tu serais sur le mont Golgotha

Aux pieds d’un supplicié la veille du sabbat

Ton vase de parfums au sol abandonné

Tes longs cheveux épars tordus désordonnés

Les bras tendus en vain vers le Christ mourant

Le corps brûlé d’amour le cœur incandescent

Que n’avais-tu songé dans ta robe flammée

Qu’un jour Il te dirait Noli me tangere

 

Marie-Madeleine est une des femmes les plus fascinantes du Nouveau Testament et elle rassemble en elle nombre de figures féminines. C’est sans doute pour cette raison qu’elle a inspiré les plus grands peintres tout au long des siècles. On sait aussi par Jean que c’est à elle que le Christ apparut pour la première fois après la Résurrection.

C'est elle que l'on peut admirer sur ce tableau du peintre flamand, Theodor van Thulden, qui épousera en 1635 la fille du peintre Van Balen l'Ancien. Représentant une crucifixion janséniste avec un Christ aux bras étroits, la toile est tout empreinte d’un baroquisme à la Rubens, dont le peintre fut l'élève. On y voit Marie-Madeleine allongée au pied de la croix, dans une robe d’un beau jaune mordoré, rongée par les flammes de l’amour divin. A droite du tableau, on devine la transparence d’un petit vase de parfums et, derrière, un légionnaire romain, sur un fond de ciel d'orage.

En ce jour de Pâques 2013, je publie de nouveau ce texte que j'avais écrit sur Marie-Madeleine, la première à qui le Christ choisit d'apparaître après la Résurrection. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 19:34

 

Volkaert--Edward-Cows-in-a-pasture.jpg

Vaches paissant, Edward Volkaert

 

À Paul Lafond

 

Dimanche

des Rameaux…

Les blancs hameaux,

les ormeaux,

les sureaux,

les roseaux,

les fuseaux,

les bestiaux,

s’endorment

comme

des oiseaux.

A l’ombre des feuilles,

les eaux lentes se recueillent

dimanchement.

Ô Rousseau !

Où sont

les sons

des chalumeaux ?

[…]

 

Francis Jammes, De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir

 

J’aime le début de ce poème, "Dimanche des Rameaux", des vers tout simples du poète pyrénéen que chérissait Rilke. En très peu de mots, toute une atmosphère calme et printanière est suggérée. L’allusion à Rousseau me rappelle ce merveilleux passage des Confessions, quand le jeune Jean-Jacques (« Petit »), le 21 mars 1728 à Annecy,  fait la rencontre éblouie de celle qui deviendra « Maman », Madame de Warens.

 

 


 

 

 

 

 

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23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 15:03

La-voix-est-libre-les-trois.JPGDe gauche à droite  : Michel Miramont, Silvio Pacitto, Jean Lespert

 

Vendredi 22 mars 2013, dans le cadre du festival saumurois des 1001 Voix, La voix parlée, la voix chantée… la voix imaginée, son directeur artistique, Silvio Pacitto, proposait 45 minutes consacrée à la poésie, à l’heure où le ventre crie famine. Sous les grands lustres hollandais et les lambris vernissés de la salle des mariages de l’Hôtel de Ville, devant un public d’une trentaine de personnes, les comédiens Jean Lespert, Michel Miramont et lui-même ont fait résonner les mots d’une petite dizaine de poètes de leur choix.

En un subtil dosage des textes, tour à tour, ils nous ont donné à entendre des tonalités variées. Jean Lespert a d’abord proposé la définition provocatrice de la démocratie par Romain Gary, en lutte contre le totalitarisme des idées :

« Je suis a priori contre tous ceux qui croient avoir absolument raison […] Je suis contre tous les systèmes politiques qui croient détenir le monopole de la vérité. Je suis contre tous les monopoles idéologiques. Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales. Prenez une vérité, levez-la prudemment à hauteur d’homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu’est-ce qu’elle rejette, sentez-la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en gardant un bon moment sur la langue- mais soyez toujours prêt à recracher immédiatement. C’est cela, la démocratie. C’est le droit de recracher. »

Avec les alexandrins charpentés de Victor Hugo, Silvio Pacitto a rappelé le grand rêve de son  poème « Fraternité »: 

« Je rêve l’équité, la vérité profonde,

L’amour qui veut, l’espoir qui luit la foi qui fonde,

Et le peuple éclairé plutôt que châtié.

Je rêve la douceur, la bonté, la pitié,

Et le vaste pardon. De là ma solitude. […] »

L’absurde était aussi au rendez-vous quand Michel Miramont et Silvio Pacitto ont entamé le « Dialogue sur un palier », extrait du Gobedouille et autres diablogues de Roland Dubillard. Comment, à partir d’un banal pied qui craque, on en vient à s’interroger sur l’existence d’un petit oiseau, ampoule ou gobedouille. Extraordinaire inventivité d’un auteur qui a l’art de métamorphoser une situation simple en imbroglio poétique.

Quant à Michel Miramont, il a proposé à notre sagacité les « Petits problèmes et travaux pratiques » du Professeur Froeppel de Jean Tardieu, lesquels nous ont laissés perplexes :

« I. L’espace.

Etant donné un mur, que se passe-t-il derrière ?

Quel est le plus long chemin d’un point à un autre ?

II. Problème d’algèbre à deux inconnues.

Etant donné qu’il va se passer je ne sais quoi je ne sais quand, quelles dispositions prenez- vous ?

III. Deux mots de mécanique rationnelle.

Une bille remonte un plan incliné. Faites une enquête. […] »

 La Voix est libre Miramont

Michel Miramont

Nous avons encore souri avec amertume avec « La complainte de l’homme exigeant » du même Jean Tardieu, toujours choisi par Michel Miramont. Mélancolique complainte d’un homme qui « veu[t] faire la lumière/ sur « la sale affaire de [sa] vie ». Ainsi, à cors et à cris, il « réclamait le soleil/ Au milieu en plein milieu/ De la nuit (voyez-vous ça ?) » :

« Or malgré tous nos efforts

Nous n’avons pu lui donner

La plus petite parcelle

De la lumière solaire

Au milieu de la nuit noire

Qui le couvrait tout entier.

Alors pour ne pas céder

Alors les yeux grands ouverts

Sur une toute autre lumière

Il est mort. »

 La voix est libre pacitto

Silvio Pacitto

Avec « La Cigale et le Renard », fable moderne retenue par Silvio Pacitto, la plume sarcastique d’Anouilh, nous a rappelé le pouvoir de l’argent roi : une fable où le dupeur se  voit dupé par plus malin que lui dans un monde impitoyable pour les petits.

[…]

« «  Oui, conclut la cigale au sourire charmant,

On dit qu’en cas de non-paiement

D’une ou l’autre des échéances,

C’est eux [les pauvres] dont on vend tout le plus facilement. »

Maître Renard qui se croyait cynique

S’inclina. Mais depuis, il apprend la musique. »

Jean-Pierre Siméon, l’animateur passionné du Printemps de Poètes, était aussi présent avec deux textes. Le premier, dit par Silvio Pacitto, « La secrète nuance de la vie », nous a proposé une définition de la poésie, celle qui « veut tenir la mer dans ses mains » et pour laquelle « comprendre, c’est étreindre ». Les poètes ne sont-ils pas indispensables ? « On aura toujours besoin d’idiots dans le village… »

L’autre texte, empreint d’un humour ravageur, et modulé par Jean Lespert, a stigmatisé les méfaits du jeunisme qui contraint chacun à « jouer le jeu du jeune jusqu’à ce que la peau lui tombe », tout en exaltant les beautés du « vieuxisme » :

« J’aime la beauté demeurée autre dans les rides […] J’aime la grande patience de ceux-là très proches d’être morts ».

Les grands classiques n’avaient pas été non plus oubliés. Michel Miramont nous a ainsi bercés avec le pentamètre de Louis Aragon, dans « Au bout de mon âge ». Merveilleux quatrains tout en légèreté, qui disent l’éphémère du destin d’un homme, ce « chant égaré » en équilibre entre hasard et poésie : 

« […]

Tant pour le plaisir

Que la poésie

Je croyais choisir

Et j’étais choisi !

 

Je me croyais libre

Sur un fil d’acier

Quand tout l’équilibre

Vient du balancier

 

Au bout de mon âge

Qu’aurais-je trouvé

Vivre est un village

Où j’ai mal rêvé. »

Michel Miramont nous a rendu un instant l’enfance avec « Jeanne était au pain sec », extrait de L’Art d’être grand-père de Victor Hugo. Qui n’a pas en mémoire la chute du poème, avec la réplique de la petite-fille à son grand-père trop indulgent :

« Eh bien, moi, je t’irai porter des confitures ! »

 La Voix est libre lespert

Jean Lespert

Et Jean Lespert nous a remémoré les aspirations contradictoires de l’homme avec les quatre quatrains de « L’homme et la mer » de Baudelaire. Si la mer est son propre miroir, si elle révèle son aspiration à l’infini, elle est aussi appel au néant et à la mort.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir, tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. […] »

Mais ce petit intermède poétique a surtout été pour moi l’occasion de découvrir un poète dont j’ignorais tout, Jehan Jonas, dont Jean Lespert a lu un texte. Celui-ci, tout rempli d’ironie tragique et d’humour noir, est le monologue d’un homme qui a tué sa femme et qui ne comprend pas pourquoi on l’arrête :

« Je l’ai tuée, je l’ai tuée […] Tout de suite, les grands mots ! », dit-il sans sourciller.  « La vie, c’est sacré, surtout quand on l’a plus […] » reconnaît-il. Il se trouve même des circonstance atténuantes : « C’était une emmerdeuse, pas une imbécile », allant jusqu’à se faire plaindre : « Je suis veuf, maintenant, qu’est-ce que je vais devenir ? »

Jehan Jonas est passé comme un météore dans le ciel de la poésie. Né à Paris en 1944, il est mort en 1980, à 35 ans, d’une maladie qui l’a emporté en un mois. Cet ancien électricien- ajusteur de formation écrit ses premiers textes dès 1961 et il composera plus de 250 chansons, dont « Comme dirait Zazie ». Il chantera aux terrasses de Saint-Germain-des-Prés, à la Contrescarpe, au Don Camillo, produira plusieurs 33 tours, créera deux spectacles, fera des récitals à travers l’Europe et participera à des émissions de télévision. Autodidacte doué, il laisse une œuvre multiple, pleine de gouaille, de cynisme, de révolte et de poésie.

Merci donc à ces trois passeurs en poésie, dont les textes choisis feront peut-être l’objet d’un prochain spectacle. Grâce à leurs trois voix libres, cette journée du vendredi 22 mars nous aura semblé printanière.

 

Voir le site consacré à Jehan Jonas : link

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 10:46

l-attente.jpg 

 L'Attente, Nikiphoros Lytras,

National Gallery Alexandros Soutzos Museum, Athènes


Où est donc mon printemps

Celui de ma jeunesse

Quand j’étais insouciant

Et le corps en liesse

 

Où est donc l’ancien temps

Exultant de caresses

De rires et de serments

D’amours enchanteresses

 

Où a fui le printemps

Ce faiseur de promesses

Dans mon cœur impatient

Se peut-il qu’il renaisse

 

Jeudi 21 mars 2013,

au lendemain d’un printemps qui n’est pas venu

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème libre

 

 

 


 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 17:30

 

 Fenetre-4.JPG

 

Dimanche 17 mars, pour clore le Printemps des Poètes, La Maison des Littératures à Saumur, proposait une balade poétique. Bravant les giboulées de mars, une vingtaine d’amateurs de poésie ont été accueillis dans la cour de la Maison du Roi par le président de l’association, Claude Guichet, et par Valérie Reyre-Coquériaux.

Une brève présentation de la Maison du Roi, par un jeune guide de la Ville, nous a d’abord fait rêver sur les monarques qui séjournèrent dans ce logis seigneurial (XV°, XVI°, XIX° siècles). Il reçut en effet Charles VII, Henri IV, Marie de Médicis, Louis XIII et Anne d’Autriche. Ensuite, nous avons marché dans les pas des trois écrivains invités par l’association : Yves Leclair, Fabrice Caravaca et Liza Kerivel.

Après avoir tourné à droite dans la rue du Temple, nous avons pénétré dans la cour intérieure de l’hôtel, dit Cappel, mais ce professeur d’hébreu de l’Académie protestante n’y résida sans doute jamais. Il convient d’appeler cet élégant hôtel particulier Chesnon de Sourdé (XVI°-XVIII° siècles).

Yves Leclair public

Nous avons fait cercle autour de l’écrivain et poète saumurois, Yves Leclair, dont nombre d’œuvres ont été éditées au prestigieux Mercure de France. Avec l’humour dont il est coutumier, Yves, bien au chaud dans sa grosse écharpe de laine tricotée gris parme, avait choisi de lire des extraits de son recueil Prendre l’air, au titre de circonstance. Ce sont des  « feuillets de route » que le poète égrène au cours de ses balades, des instant fugitifs qu’il a l’art de métamorphoser en brèves méditations pleines de sagesse. Ainsi en est-il de cette « Petite philocalie » :
Tu entends cet air de guitare,
ce soir d’octobre où tout est noir.
Tu ne l’entendras pas toujours.
Retiens l’heure, qu’elle te soit lente !
Le bon temps, tu sais a des fuites.
Cette voix d’enfant qui résonne
claire à l’étage, écoute-la
bien, imprègne-toi de son timbre
lumineux. La nuit tombe vite
sur les yeux. Un jour il te faudra,
coûte que coûte, regagner
le grand trou noir. Aime longtemps
la vie si près du ciel, ce soir.     


Ecoutant J. jouer de la guitare

Et A. chantonner à l’étage, Bagneux,

6 octobre 1998

 Yves Leclair

Les mots d’autres poèmes se sont envolés dans l’air froid : nous avons entraperçu le « vieux nocher » de « Barque funèbre » ; nous avons écouté l’appel à « danser dans le vent sur la route », « Sur un vers de W. B. Yeats »… Puis, Yves Leclair a ouvert Le journal d’Ithaque, quatre-vingt-dix-neuf dizains qui nous promènent de Chaintres à la Crète en passant par l’Alsace ou l’Italie. Il nous a distillé quelques-un de ces dizains dont il a le secret. Parmi eux, « Tour opérateur », qui ouvre le recueil en ironisant sur les voyages organisés ; « Le chien perdu de la rime » qui dit le secours sans faille de la rime pour le poète quand « Chaire du poète » joue habilement du vocabulaire religieux. Ceux qui furent- ou qui sont- les élèves d’Yves Leclair connaissent son art de jouer avec les mots simples ou savants. Et c’est ce subtil dosage entre extrême simplicité et grande érudition qui est un des charmes- et non des moindres- de l’écriture d’Yves Leclair, celui qui sait si bien découvrir « l’or du commun » dans le quotidien le plus banal.

Fabrice Caravaca 3

Par les rues endormies, dans cet après-midi froid de mars, nous nous sommes ensuite dirigés vers la chapelle Saint-Jean, un lieu assez méconnu des Saumurois eux-mêmes. Chef-d’œuvre du gothique angevin, aux voûtes particulièrement remarquables, elle appartint aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cette chapelle est un lieu de recueillement propice à l’écoute des mots de Fabrice Caravaca, jeune écrivain de Limoges, et créateur de la maison d’édition Dernier Télégramme, qui nous a lu plusieurs extraits de ses textes. Sous les fines et élégantes nervures des voûtains, sa longue silhouette d’adolescent nous a donné à entendre notamment des extraits  de sa première œuvre publiée, La Vie, aux éditions des Fondeurs de Briques. « Cinquante-quatre fragments, qui dialoguent et forment un chant », composent ainsi une successions de pensées, de situations, de réflexions qui peuvent être celles de tout un chacun, à un moment ou à un autre de sa vie. La particularité de ce texte est d’être rédigé à la première personne du pluriel, ce qui lui donne une ampleur inaccoutumée. On est d’abord surpris par ce « nous conquérant », assez étonnant chez un si jeune écrivain, mais bientôt cet emportement nous saisit et nous entraîne loin, vers des territoires emplis d’espoir, de fraternité et de sérénité. J'ai beaucoup aimé le passage où Caravaca évoque comme en une litanie les poètes de son panthéon personnel :

" Ossuaire : Cendrars autour du monde. Ossuaire : le sang rouge de Federico garcia Lorca. Ossuaire : Georg Trakl et sa soeur. Ossuaire : Emily Dickinson seule et seule. Ossuaire : Fedor Dostoïevski et le coeur de l'homme. Ossuaire : Lautréamont et le coeur de l'océan. Ossuaire : Allen Ginsberg..."

Dédiée à trois poètes que Fabrice Caravaca affectionne, ce long poème lyrique, à la tonalité unanimiste et aux accents sacrés, a trouvé une résonance particulière dans ce beau lieu.

« Nous commençons. Nous recommençons. Nous ne nous 

arrêtons plus. Nous sommes ivres déjà de beauté. Nous 

avançons. Nous n'avons plus le choix. Il y a de grands 

arbres. Et des histoires tout en haut. Il y a aussi du vert et 

de la couleur et aussi de la lumière un peu plus loin.

Nous en voulons encore. Nous en voulons toujours. 

Nous sommes vivants. »

 fabrice-Caravaca.JPG

La dernière étape de cette balade poétique nous a conduits dans la salle Duplessis-Mornay de l’Hôtel de Ville de Saumur (XVI°-XVII°-XIX° siècles). Liza Kerivel, qui habite à Saint-Nazaire et publie depuis 2009, a lu des extraits de ses deux  romans. Ceux-ci racontent des histoires de femmes. Métamorphoses de la fuite et des saisons (2012) évoque la disparition de l’une d’entre elles sur le parking d’un super marché. L’auteur nous a lu d’abord un passage où le mari, demeuré seul, ne sait comment consoler ses enfants. Puis, de sa voix douce et claire, elle a dit des extraits de son premier roman, Inventaire des silences, paru en 2010. Il s’agit du long monologue d’une femme qui a quitté sa famille et qui tente de l’expliquer à ses enfants.  Mais d’expliquer quoi, au juste ? Les silences du quotidien, le poids de la routine, la vie qui s’enfuit, l’incompréhension qui ronge, la solitude en famille… Ici encore, on ne peut qu’admirer, chez un jeune écrivain, cette plongée extralucide dans l’intimité d’une femme, d’une épouse, d’une mère. Dire pour tenter de rompre ce silence mortifère qui fut le sien pendant plus de vingt ans  : « Le silence est là qui m’a toujours accompagnée. Si épais qu’avec lui, j’aurais pu me tricoter une écharpe et la serrer autour de mon cou. Si fort, en disant tout bas : il suffirait de presque rien. »

Liza K

C’est sur ce moment intense que s’est achevée cette balade poétique. Liza Kerivel, tout en remerciant les membres de La Maison des Littératures de l’avoir accueillie avec la chaleur de l'amitié, a évoqué Albane Gellé, première Présidente de l’association, en soulignant que c’est elle qui avait eu l’idée de cette promenade en poésie. Une initiative que tous souhaitent bien sûr voir se renouveler, par un temps qui serait plus printanier.

 


Bibliographie d'Yves Leclair: link 

Dernières parutions :  

Chansons pour un amour lointain, Jaufre Rudel, Préface et adaptation d'Yves Leclair, Mai 2011, Fédérop

Guy Goffette, Sans légende, Yves Leclair, Octobre 2012, Editions Luce Wilquin

Fabrice Caravaca : link

Liza Kerivel :link

 

Crédit photos : ex-libris.over-blog.com

 

 

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 10:32

 pessoa-photo-DDM.jpg

                      Pessoa et ses hétéronymes dans la mise en scène de Stanislas Grassian

                                                                (Crédit Photo DDM)

 

 

Qui êtes-vous, Fernando Pessoa ?  C’est la question  que pose le spectacle de Théâtre-Poésie, Mystère Pessoa, mis en scène par Stanislas Grassian, et représenté samedi 16 mars 2013 au Théâtre Beaurepaire à Saumur. Dans le cadre du Printemps des Poètes, en association avec La Maison des Littératures, cette « pantomime buccale » (J. L. Barrault) esquisse un portrait du grand portugais à travers trois figures hétéronymes parmi la « galaxie » (A. Tabucchi) des quatre-vingt-quatre qu’il créa. Le synopsis de la pièce est entièrement composé avec des textes de Pessoa.

Un décor simplissime aux tonalités ocres (un simple lit de camp pliant à jardin, un paravent qui dévoile un méchant lavabo surmonté d’une triste glace, et la célèbre malle où furent découverts après sa mort ses 27 453 manuscrits, à cour) laisse à imaginer les chambres sordides où vécut le petit traducteur de textes commerciaux qu’il fut une grande partie de sa vie.

C’est là que l’on découvre Fernando Pessoa (Stanislas Grassian) aux prises avec ses créations : le maître Alberto Caeiro (Florent Dorin)) et ses deux disciples : Alvaro de Campos (Jacques Courtès) et Ricardo Reis (Raphaël Almosni). Une seule silhouette féminine, réelle celle-là dans la vie de Pessoa, la petite secrétaire toute vêtue de gris, sa fiancée Ophelia Queiros (Nitya Fierens), qu’il quitta, avec qui il renoua, mais qu’il n’épousa jamais. Ce sont donc les affres de la création et l’angoisse existentielle d’un poète, déchiré entre ses différentes aspirations, que la pièce nous donne à voir. Sarabande nocturne infernale, existence somnambulique, où le poète ne sait plus qui il est, ni qui parle en lui et à travers lui.

« Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;

Si je pense, si je ressens, j’ignore

Qui est celui qui pense, qui ressent.

Je suis seulement le lieu

Où l’on pense, où l’on ressent… »

Etrange destin que celui de ce poète de santé fragile, marqué par nombreux deuils familiaux, exilé à soi-même, dont la vie ne fut qu’ « une longue marche vers soi, vers la connaissance », et notamment à travers ces multiples hétéronymes, auxquels il inventa une biographie. Tout jeune déjà et solitaire, il s’invente un double, le Chevalier de Pas. En 1914, Alberto Caeiro, tuberculeux, lui dicte les 39 poèmes du Gardeur de Troupeaux. Raphaël Almosni, au fin profil, à la barbe fine, chaussé de gros godillots, interprète ce jeune pâtre vêtu d’un pantalon troué et d’une chemise de grosse toile blanche. C’est sa mort qui ouvre et qui clôt la pièce, car il est le Maître. On assistera donc à une sorte de rêve éveillé du poète. Autour de lui gravite le portuan Ricardo Reis, le médecin intellectuel, l’auteur des Odes. Sec philosophe au teint mat, coiffé d’un chapeau, habillé d’un costume dans les tons beiges, le comédien joue ce personnage complexe, habile à manier les argumentations spécieuses. Enfin, y a le judéo-algarvois Alvaro de Campos, ingénieur en mécanique maritime inspirateur  des 1 000 vers de l’Ode maritime et des 35 Sonnets métaphysiques. Jacques Courtès, sanglé dans un blazer bleu-marine à boutons dorés,  prête sa stature imposante et son verbe haut  à ce grand épicurien, maître en hédonisme.

La mise en scène est particulièrement habile à rendre ce glissement incessant d’un hétéronyme à l’autre, entraînant la dissolution du Moi du poète. Sous le drap du lit de camp, les quatre personnages se succèdent ou se mêlent ; derrière le paravent, chacun à son tour enfile le pyjama du poète ;  dans le miroir, les différents visages apparaissent, détruisant peu à peu le Moi orthonyme. Le rassemblement du Moi poétique se recrée peut-être seulement quand Ophelia Queiros, en bas résilles et corset noir, vient danser sous leurs yeux une chorégraphie tentatrice.

 

pessoa acteur

     Pessoa interprété par Stanislas Grassian 

Le spectacle rend particulièrement bien compte de l’éclatement intime de la personne de ce « poète du nulle part du Moi ». Stanislas Grassian, dont la ressemblance avec le Pessoa de vingt ans est troublante, campe un poète particulièrement habité. La fragile silhouette du comédien, au visage blafard surmonté de fines lunettes qui lui tombent sur le nez, dans son costume de gratte-papier noir, avec son melon qui le fait ressembler à un triste Charlot, apparaît ballottée entre ses différentes créatures qui l’écartèlent. On perçoit bien ici que la création de ces hétéronymes n’est nullement un artifice littéraire mais le produit d’un élan créateur douloureux. Dans son passionnant article, « Les doubles de Monsieur Personne », Elisabeth Poulet s’interroge sur cette psychopathie remarquable, qui a fait l’objet de bien des diagnostics. Elle souligne cette aspiration à être l’autre : « Il ne suffit pas d’être un, écrit-elle, il faudrait être deux en même temps. » Elle insiste encore sur le risque vital que prend le poète à être « un Pessoa qui serait quelqu’un mais démultiplié, un Pessoa qui ne serait personne à force d’être tout ».

pessoa lui

Pessoa à vingt-et-un ans

Un des grands intérêts, me semble-t-il aussi, de cette mise en scène, c’est d’illustrer cette profession de foi de Pessoa lui-même : « Le point central de ma personnalité, en tant qu’artiste, c’est que je suis un poète dramatique […] Je sens en me détachant de moi-même. » La folle chorégraphie de la constellation des trois hétéronymes qui envahissent la scène, Caeiro et sa sagesse païenne, Reis et sa rhétorique intellectuelle, Alvaro de Campos et sa sensualité envahissante, témoignent de la diversification chez le poète de sa manière de sentir. Cependant ces hétéronymes  ne doivent pas être vus uniquement comme les personnages d’un théâtre intérieur. Ce qui est extraordinaire, c’est que ces créatures sont créatrices à leur tour ; êtres de fiction, ces poètes imaginaires produisent à leur tour de la fiction.

Cette superbe mise en scène, tout à la fois ardente et maîtrisée, est une réelle incitation à découvrir l’univers mystérieux du poète portugais. Ce Fernando Pessôa qui, le 04 septembre 1916, supprima le circonflexe sur son patronyme, prenant ainsi pour la postérité le masque de théâtre (persona) de Monsieur Personne.

 pessoa

 

 

Sources :

http://www.larevuedesressources.org/les-doubles-de-monsieur-personne-fernando-pessoa,561.html

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