L'entrée du labyrinthe (Dimanche des Rameaux, 2009)
A 65 kms à l’est d’Angers, se trouve le château de Lathan, dans le village de Breil, au milieu d’un grand parc d’une quarantaine d’hectares. Les deux châteaux des XV° et XVII° siècles ayant été détruits, le château actuel fut construit en 1862. Il s’est parfaitement intégré à un parc, où coexistaient un jardin classique et un jardin paysager romantique.
Le premier rassemble les principaux éléments théorisés par Le Nôtre : bosquets géométriques, charmilles en étoile, jeux d'eau et statuaire très étudiés. Y poussent trois essences d’arbres : le chêne, le charme et le tilleul. De grandes perspectives y furent créées, représentées ici par un canal de 500 mètres, bordé d’une double allée de tilleuls et surplombé par une « gloriette ». L’eau est d’ailleurs un élément très présent ici. Une première arrivée d’eau se fait par le Lathan qui vient alimenter ce grand canal. Une seconde, appelée la Planchette, rassemble les émissaires de la partie haute du village, qui alimentent la cascade, laquelle se déverse dans le bassin appelé Miroir. Ce dernier est en lien avec le grand canal par une galerie souterraine.
Le grand canal et la gloriette (Dimanche des Rameaux, 2009)
Le second jardin, dont ne demeure qu'une partie, use des procédés imaginés au XVIII° siècle (allées curvilignes, îles, fabriques antiquisantes). Il donne une image recomposée et idéalisée d'une nature « à la Rousseau ». (M.O Mandy, 2002). Près de deux cents arbres et arbustes d’essences différentes, y proposent une nature romantique en liberté.
On peut voir encore de beaux pavillons des XVII° et XIX° siècles.
Le temple d'Amour (Dimanche des Rameaux, 2009)
L’intérêt majeur de ce château privé est qu’il possède surtout le seul parcours galant complet connu à ce jour. Les propriétaires ont ainsi entrepris de restaurer le mystérieux labyrinthe souterrain, destiné aux amants en quête de « ce mystérieux objet dont [leurs] yeux étaient enchantés ». Long de cent-vingt cinq mètres, il est troué de trente-huit soupiraux, symbolisant les sentiments des amants, tout au long du parcours de l’amour et de la vie.
Il y a trois siècles, en effet, une précieuse angevine, Anne Frézeau de la Frézellière, fait construire au cœur de ce grand parc la reproduction de la Carte de Tendre imaginée par Madeleine de Scudéry (1607-1701). Dans le livre I de la première partie de son roman Clélie (1654-1660), Célère conte à une princesse l’histoire du prince étrusque Aronce et de la jeune Romaine Clélie. Il y décrit la fameuse Carte de Tendre, élaborée par cette dernière.
Il s’agit d’un itinéraire symbolique que les parfaits amants doivent suivre, en évitant les embûches et les obstacles. Voici le début de cette célèbre description : « Afin que vous compreniez mieux le dessein de Clélie, vous verrez qu’elle a imaginé qu’on peut avoir de la tendresse par trois causes différentes : ou par une grande estime, ou par reconnaissance, ou par inclination ; et c’est ce qui l’a obligée d’établir ces trois villes de Tendre, sur trois rivières qui portent ces trois noms, et de faire aussi trois routes différentes pour y aller. Si bien que, comme on dit Cumes sur la mer d’Ionie et Cumes sur la mer Tyrrhène, elle fait qu’on dit Tendre sur Inclination, Tendre sur Estime, et Tendre sur Reconnaissance. » Suit un parcours initiatique amoureux, qui doit permettre à l’amant de parvenir au but ultime, Tendre sur Reconnaissance.
C’est un des grands architectes français du XVIII° siècle, Victor Louis, qui se verra chargé de réaliser ce jardin. Au cours de ce parcours sentimental codifié, l’amoureux était accepté ou éconduit, au terme d’un itinéraire qui proposait trois issues. La sortie de l’Indifférence, dont l’accompagnement végétal est essentiellement constitué de conifères et d’arbres aux feuillage persistant ; aucune allée n’est tracée. Celui qui est rejeté est livré à lui-même. La sortie de l’Inimitié, dont la végétation est plus agressive et plus sauvage. C’est un parcours confus, dont les allées ne mènent nulle part. Enfin la sortie triomphale, celle qui mène vers l’embarcadère de l’Ile d’Amour où se trouve le Temple de Vénus.
Alors, si l’envie vous prend de rêver à « la Nymphe divine » émergeant de l’onde, si vous souhaitez jouer au « corbillon », si vous n’avez de cesse de vous perdre dans le « promenoir des amants », n’hésitez pas à pousser la grille de ce parc mélancolique où erre l'âme des précieuses.
La Carte de Tendre, Gravure du XVII° siècle, Paris, B. N.
L'itinéraire complexe de l'amour précieux
Sources :
L’Anjou, Entre Loire et tuffeau, Editions Ouest-France, Philippe et Catherine Nédélec
Itinéraires littéraires, XVII° siècle, Hatier, 1988
gralon.net/…/info-parc-de-lathan-955.h
dep49-parc-de-lathan-breil-