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9 juin 2011 4 09 /06 /juin /2011 07:00


suzanne-lenglen.jpg 

Suzanne Lenglen     

 

 

 

Sur les bords bleus du ciel

Là-bas près de la mer

Sur l'arène rouge et battue

D'une ville portuaire

Une femme au  geste vif

A relancé la balle

Une ellipse de clarté

Elevée vers le ciel pâle

 

Entre les nues et la terre

Le globe parfait est le lien

Et la joueuse déploie

En des gestes très certains

De beaux signes éphémères 

D'envolée et d'envergure

Gravant dans notre mémoire

Le souvenir d'une épure

 

Célérité et patience

Enthousiasme et élégance

Qualités d'un ancien jeu

Qui se joue comme une danse

La femme en son mouvement

Suit des yeux le soleil jaune

La vie est comme un terrain

Que l'on mesure à son aune

  

En un lieu géométrique

Ainsi vous m'apparaissez

Danseuse extraordinaire

Telle que toujours vous êtes

Et vous fûtes aux jours passés

Et le Temps se désespère

Il n'aura jamais de prise

Dessus vous ma svelte mère

Que la balle immortalise


 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots, Nounedeb propose le thème de la balle (Juin et Roland-Garros obligent !). C'est ainsi que je publie de nouveau ce poème, écrit en août 1995, à l'occasion des 70 ans de ma mère. Grande joueuse de tennis devant l'Eternel, elle ne cessa de fouler la terre battue qu'à l'âge de 84 ans. Ce texte lui rend hommage.


 

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 07:25

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L'Eveil de l'humanité ou Le Soldat blessé (1875-1876), Auguste Rodin ,

place Rodin, rue Adrien Hébrard, Paris XVI°

(Dimanche 05 juin 2011) 

 

 

   

Humain

Trop humain

Dans la ville

Inhumaine

 

Seul

Fragile

Exposé

Abandonné

Délaissé

Vulnérable

Et nu

 

Il attend

Désespérément

Que tombe

Du ciel

Vide

 

La fiente

Gris-blanc

Du pigeon

Porte-bonheur 

  

Nous sommes tous

Cet homme-là

 

 

 

 

 

Pour la communauté de Hauteclaire,

Entre Ombre et Lumière,

Thème proposé par Françoise/ Soizig :

Gris-Gris, porte-bonheur et superstitions

 

 

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 07:00

 

orchidee 3 

 

En ce mardi 31 mai, le thème de la communauté de Hauteclaire, Entre Ombre et Lumière, est consacré à l'orchidée. Aussi publié-je de nouveau un texte que j'avais écrit en mai 2009.

 

A qui me demande d'où me vient ma passion pour les orchidées, j'aime à dire ce conte que me raconta un vieux moine bouddhiste au cours de mon premier voyage en Indochine.

C'était dans les temps immémoriaux, quand les dieux avaient commencé à descendre du Ciel et à devenir des hommes. La boîte de Pandore avait été ouverte et la cupidité, le mensonge, le meurtre et la violence brute s'étaient répandues dans les cœurs et les corps de ces demi-dieux. La Pangée commençait à se disloquer et les combats étaient acharnés entre les Princes qui se disputaient les continents à la dérive.

Dans un pays lointain, là où le Soleil se lève, vivaient deux Princes, du nom de Anh Dung et Anh Hào. Frères et jumeaux, aux yeux amandins, aux cheveux noirs comme l'encre des calligraphes, au teint de sable et de limon, ils aimaient en silence, d'un amour ardent et depuis toujours, la Princesse d'un royaume voisin. Longue et mince comme la liane du banian, Kiêu Diêm, c'était son nom, contemplait amoureusement de ses yeux verts aux couleurs de rizière les deux frères qui, pour elle, ne formaient qu'un seul amant.

Son père, le Roi Chân Ly, ordonna un combat singulier pour départager les frères rivaux. Si leur amour fraternel était profond, il n'avait cependant pas de commune mesure avec l'abîme de folie et de passion qu'ils éprouvaient pour Kiêu Diêm. En Princes de sang qu'ils étaient, ils acceptèrent le duel qui eut lieu auprès du Lac de l'Epée restituée.

Sous les yeux d'une noblesse avide de violence, sous le regard d'oiseau perdu de Kiêu Diêm qui jamais ne distingua les deux frères qu'elle chérissait d'un amour unique, la lutte fut sans merci.

Anh Dung et Anh Hào pratiquaient avec maestria l'art du . Ils cognèrent avec violence leurs bâtons longs, entrechoquèrent rageusement la lame brillante de leurs sabres, esquivèrent avec agilité la pointe effilée de leurs épées, s'arrondirent comme des serpents sous leurs fléaux et affrontèrent leurs lances pointues comme des dagues. L'issue du combat ne se dessinait pas quand, soudain, d'un geste imprévisible, Anh Hào sortit vivement d'une de ses bottes cuissardes ses Song Dao ou couteaux-papillons. D'un ample mouvement, il les lança sur les testicules de son frère jumeau qui furent tranchés net. Anh Dung s'évanouit dans la fontaine de son sang viril.

Epouvanté par l'horreur de son geste, sans un regard pour la femme qu'il aimait et à qui il renonçait sans retour, le vainqueur enfourcha son cheval Ngua Noi et disparut dans les forêts d'acajou et de teck. Jamais on ne le revit.

Quand Anh Dung le vaincu revint de son évanouissement, il ne reconnut pas le lieu où il reposait. Il se trouvait allongé au milieu d'un champ de fleurs multicolores qu'il n'avait jamais vues. Longilignes et racées, groupées en épis ou en grappes, exhalant un parfum subtil, elles dressaient avec élégance leurs pétales aux infinies couleurs, posés comme des oiseaux à l'extrémité de leurs longues tiges. Au-dessus de celui qui avait perdu son alter ego, se penchait le visage apaisé de Kiêu Diêm qui lui souriait comme sourit le Bouddha.

- Suis-je dans le Paradis de Jade ? demanda-t-il en caressant la main de son amie.

- Non, répondit la jeune fille, en lui offrant le Plateau des Cinq Fruits ; tu es dans le Jardin des Orchidées, les «fleurs de l'homme supérieur». De tes parties viriles, tombées en terre fertile, a surgi ce champ de fleurs innombrables qui vont ensemencer l'univers. Et chaque jour qui passera, j'en ferai des bouquets pour toi.


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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 07:00

  croix de chemin

  Croix de chemin à Rou (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

 

 

Lorsque je monte la petite rue où se situe ma maison, j’arrive à la lisière du village. Au carrefour, il y a cette fine croix de chemin, à la ciselure délicate, érigée sur son socle de pierre. Je ne sais quel fut son rôle exact. Fut-elle placée là pour exorciser la peur du carrefour, lieu de tous les dangers ? Est-ce une croix censée indiquer la limite du village ? Serait-ce une croix qui jalonnait le chemin des morts quand le convoi funéraire emmenait le défunt vers sa dernière demeure ?

Toujours est-il que, quand je passe devant elle à bicyclette, je pense à cette chanson de Louis Amade, chantée par Damia et Edith Piaf :

 

Mon Dieu qu’il y en a des croix sur cette terre

Croix de bois croix de fer, humbles croix familières

Petites croix d’argent pendues sur les poitrines

Vieilles croix des couvents perdus parmi les ruines

 

Et moi pauvre de moi j’ai ma croix dans la tête

Immense croix de plomb vaste comme l’amour

J’y accroche le vent j’y retiens la tempête

J’y prolonge le soir et j’y cache le jour

 

Et moi pauvre de moi j’ai ma croix dans la tête

Un mot y est gravé qui ressemble à souffrir

Mais ce mot familier que mes lèvres répètent

Et si lourd à porter que j’en pense mourir

 

Mon Dieu qu’il y en a sur les routes profondes

De silencieuses croix qui veillent sur le monde

Hautes croix du pardon dressées vers les potences

Croix de la déraison ou de la délivrance

 

Et moi pauvre de moi j’ai ma croix dans la tête

Immense croix de plomb vaste comme l’amour

J’y accroche le vent j’y retiens la tempête

J’y prolonge le soir et j’y cache le jour

 

Mais moi pauvre de moi j’ai ma croix dans la tête

Un mot y est gravé qui ressemble à souffrir

Mais ce mot familier que mes lèvres répètent

Et si lourd à porter que j’en pense mourir

 

 

Pour le Week-end du Petit Patrimoine de Hauteclaire.

 

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 14:15

 

l'attente delvaux

L'attente, Delvaux

 

 

 

Les pas


Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.

Personne pure, ombre divine,
Qu'ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !... tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !

 

Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l'apaiser,
A l'habitant de mes pensées
La nourriture d'un baiser,

 

Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d'être et de n'être pas,
Car j'ai vécu de vous attendre,

Et mon coeur n'était que vos pas.

 


                                                               Paul Valéry,

                                                     Poésies, Charmes

 

Blog entre parenthèses

 

 

 

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 07:00

  Jasante de la Vielle 1902 C 43 collection of the art in

  La "Jasante de la Vieille", illustrée par Steinlen (1902), deuxième état,

Institute of Art of Chicago

 

 

C’est dans une langue populaire et argotique, le « jaspin du pauv’ monde », que Jehan Rictus (1867-1933) a décrit la condition des mal-aimés de la vie. De son vrai nom, Gabriel Randon de Saint-Amand, celui qui était le fils naturel d’un gentilhomme professeur de gymnastique et d’une artiste ratée, y exprime avec une tonalité douce-amère, drôle et cruelle, sa compassion vis-à-vis des gueux, des « Ecrasés d’la Muflerie contemporaine ». Son art, c’est de faire parler le pauvre hère, les « fan-fans » morts et la mère dont le fils a été guillotiné.  Ainsi, dans la « Jasante (prière) de la Vieille », extraite des Cantilènes du Malheur, on est à l’écoute de cette vieille « moman d’mère », en quête de la tombe de son assassin de fils, au cimetière d’Ivry, dans le carré des « Condamnés ». Jehan Rictus, avec de nombreux détails justes et touchants, évoque la vie de misère et de tribulations de cette mère abandonnée, qui avait œuvré pour que son fils  réussisse  (« Tu promettais… Tu promettais… »).

Et au-delà de cette langue du « populo », certains n’ont sans doute pas tort qui ont vu dans cette poésie à fleur de peau un lointain écho religieux. Dans cette « jasante », il semble que se dessine en creux le portrait de toutes les mères du monde, parties « dans l’angoisse à la recherche de [leur] enfant », ainsi que les décrit Gertrude von Le Fort dans La Femme éternelle. L’écrivain ne souligne-t-elle pas que « tôt ou tard, en secret ou au grand jour, toute mère laisse transparaître le visage de la Mère des douleurs, l’image de la Pietà » ?

 

 

 

Jasante de la vieille

 

Tu ne tueras point

 

Bonjour… c’est moi… moi ta m’man.

J’suis là… d’vant toi… au cimetière.

Aujord’hui y aura juste un an,

Un an passé d’pis ton affaire.)

 

Louis ?

Mon p’tit… mentends-tu seul’ment ?

T’entends-t-y ta pauv’ moman d’mère,

Ta « Vieille », comm’ tu disais dans l’temps ?

 

Ta « Vieille » qu’alle est v’nue aujord’hui

Malgré la bouillasse et la puïe

Et malgré qu’ça soye loin… Ivry !

 

Alorss… on m’a pas trompée d’lieu ?

C’est ben ici les « Condamnés » ?

C’est là qu’tes d’pis eun’ grande années ?

Mon dieu mon dieu ! Mon dieu mon dieu !

 

Et où donc ? Où c’est qu’on t’a mis ?

D’quel côté ? Dis-moi… mon ami ?

C’est plat et c’est nu comm’ la main :

 

Y a pas eun’ tombe… pas un bout d’croix,

Y a rien qui marqu’ ta fosse à toi…

 

Pas un signe…pas un nom d’baptême

Et rien non pus pour t’abriter !

 

(J’dis pas qu’tu l’as point mérité,

Mais pour eun’ mèr’, c’est dur tout d’même !)

 

Louis… tu sais ?… Faut que j’te confesse,

Depis un an…d’pis… ton histoire,

J’suis pus tournée qu’aux idées noires

Et j’ai l’cœur rien qu’à la tristesse :

 

Aussi présent j’suis tout’ sangée.

J’suis blanchie… courbée… ravagée

Par la honte et par le tourment.

(Si tu pourrais m’voir à présent,

Tu m’donnerais pus d’quatre-vingts-ans !)

 

Et pis, j’ai eu ben d’la misère…

(Ca m’a fait du tort, tu comprends !)

Quand on a su qu’j’étais ta mère,

J’ai pus trouvé un sou d’ouvrage,

On m’a méprisée dans l’quartier,

Et l’a fallu que j’déménage.

Depis… dans mon nouveau log’ment

J’vis seule et j’peux pas dir’ comment,

Comme eun’ dormeuse, eun’ vrai’ machine.

J’cause à personn’ de mon malheur,

J’pense à toi, et tout l’jour je pleure,

Mêm’ quand que j’suis à ma cuisine.

 

L’matin, ça m’prend dès que j’me lève,

J’te vois… j’te cause… tout haut… souvent

Comm’ si qu’tu s’rais encor vivant !

 

J’mange pus… j’dors pu, tant ça m’fait deuil

Et si des fois j’peux fermer l’œil,

Ca manqu’ pas… tu viens dans mes rêves.

 

C’te nuit encor j’tai vu plein d’sang :

Tu t’nais à deux mains ta pauv’ tête

Et tu m’faisais : « Moman… Moman ! »

Mais mois j’pouais rien pour t’aider ;

Moi… j’étais là à te r’garder,

Et j’te tendais mon tabellier !

 

Pense, Louis… dans l’temps… quand t’étais p’tit,

Qui qu’aurait cru… qui m’aurait dit

Qu’tu finirais comm’ ça un jour,

Et qu’moi on m’verrait  v’nir ici ;

Quand t’étais p’tit, t’étais si doux !

 

Présent… je r’vois tout not’ passé

Lorsque t’allais su’ les trois ans,

Et qu’ton pepa m’avait quittée

En m’laissant tout’seule à l’él’ver.

 

Comme ej’ t’aimais…comme on s’aimait !

Qu’on n’était heureux tous les deux,

Malgré souvent des moments durs

Quand y avait rien à la maison !

 

Comme ej’ t’aimais… comme on s’aimait §

C’était toi ma seul’ distraction,

Mon p’tit mari… mon amoureux !

 

C’est pas vrai, est-ce pas ? C’est pas vrai

Tout c’qu’on a dit d’toi au procès ?

Su’ les journaux c’qu’y avait d’écrit,

Ca n’était ben sûr qu’des ment’ries ?

 

Mon p’tit à moi n’a pas été

Si mauvais qu’on l’a raconté…

(Sûr qu’étant môme… comm’ tous les mômes

T’étais des fois ben garnement,

Mais pour crapule on peut pas l’dire.)

 

T’étais si doux… et pis… si beau,

Mignon peut’-êt… mais point chétif,

A caus’ que moi j’t’avais nourri.

 

T’étais râblé, frais et rosé ;

T’étais tout blond et tout frisé

Comm un n’amour… comme un agneau…

 

J’ai cor de toi eun’ boucle ed’tifs

Et deux quenott’s comm’ deux grains d’riz.

Mon plaisir… c’était, l’soir venu,

Avant que d’te mette au dodo,

De t’déshabiller tout « entière »,

Tant c’étai divin d’te voir nu.

 

Et j’t’admirais… j’te cajolais,

J’te faisais « proutt » dans ton p’tit dos,

Et j’te bisais ton p’tit derrière.

(J’t’aurais mangé si j’aurais pu !)

 

Et pis t’étais si caressant,

Et rusé, et intelligent !

Oh ! intelligent… fallait voir.

Pour c’qui regardait la mémoire,

T’apprenais tout c’que tu voulais,

Tu promettais… tu promettais…

 

(Et dir’ qu’tes là d’ssous à présent,

Par tous les temps qu’y neige ou pleuve !

Ah ! qué crèv’-cœur ! Qué coup d’couteau !

On a ratissé mon château,

On m’a esquinté mon chef-d’œuve !)

 

J’en ai t’y passé d’ces jornées

Durant des années… des années,

A turbiner pir’ qu’un carcan

Pour gagner not’ pain d’tous les jours

Et d’quoi te garder à l’école…

 

Et j’en ai-t-y passé d’ces nuits

(Toi dans ton p’tit lit endormi)

A coude auprès de l’abat-jour,

Jusqu’à la fin de mon pétrole !

 

Des fois… ça s’tirait en longueur !

Mes pauv’s z’yeux flanchaient à la peine.

Alors en bâillant dans ma main

J’écoutais trotter ton p’tit cœur

Et souffler ta petite haleine,

 

Et rien qu’ça m’donnait du courage,

Pour me r’mettre dar-dar à l’ouvrage

Qu’y m’fallait livrer le lend’main :

Que d’fois j’ai eu les sangs glacés

Ces nuits-là pour la moindre toux !

J’avais toujours peur pour le croup,

Rapport au mauvais air du faubourg

Où nous aut’s on est entassés.

 

T’rappell’s-tu, quand tu t’réveillais,

Le croissant chaud… l’café au lait ?

T’rappell’s-tu comme ej’ t’habillais ?

 

Eh ben… pis nos sorties, l’dimanche…

Tes beaus p’tits vernis… ta rob’blanche.

(T’étais si fin… si gracieux,

Tu faisais tant plaisir aux yeux

Qu’on voyait les gens se r’tourner

Pour te regarder trottiner.)

 

Ah ! en c’temps-là, dis, mon petit,

De qui c’était qu’t’étais la fifille,

L’amour, le trésor, le Soleil,

De qui c’est que t’étais l’Jésus ?

 

De ta Vieille… est-c’ pas ? de ta Vieille…

Qui faisait tout’s tes volontés ?

Qui t’a pourri ? Qui t’a gâté ?

Qui c’est qui n’t’a jamais battu ?

Et l’année d’ta fluxion d’poitrine,

Qui t’a soigné, veillé, guéri ?

C’est y moi ou ben la voisine ?

 

Et à présent qu’te v’là ici

Comme un chien crevé… eune ordure,

Comme un fumier… eun’ pourriture,

Sans un brin d’fleurs, sans une couronne,

N’avec la crèm’ des criminels…

 

Qui c’est qui, malgré tout, vient t’voir ?

Qui, qui t’esscuse et qui t’pardonne ?

Qui c’est qu’en est la pus punie ?

 

C’est ta Vieille… toujours… ta fidèle,

Ta pauv’ vieill’ loqu’ de Vieille, vois-tu !

 

Mais j’bavard’… moi… j’us’ ma salive,

La puïe cess’ pas… la nuit arrive,

Faut qu’j’m’en aill, moi… il est l’heure :

Présent… c’est si loin où j’demeure…

 

Et pis quoi… qu’est-c’que c’est qu’ce bruit ?

On croirait comm’ quéqu’un qui se plaint !

On jur’rait de quéqu’un qui pleure…

Oh ! Louis… réponds, c’est p’t-êt ben toi

Qui t’fais du chagrin dans la Terre…

Seigneur ! si j’allais cor te voir

Comme c’te nuit dans mon cauch’mar !

(Tu voudrais pas m’fair cett’ frayeur ?)

 

Oh ! Louis… si c’est toi… tiens-toi bien sage,

Sois mignon… j’arr’viendrai bentôt…

Seul’ment… fais dodo… fais dodo,

Comm aut’fois dans ton petit lit,

Tu sais ben… ton petit lit cage…

 

Chut ! c’est rien qu’ça… pleur’pas… j’te dis.

Fais dodo, va… sois sage… sage,

Mon pauv’ tout nu… mon malheureux,

Mon petiot… mon petit petiot.

 

(Cantilènes du Malheur)

 

 

Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par Fanfan : maman

 

   

Pour écouter le texte, dit par Berthe Bovy de la Comédie-Française, en 1932 :

 

http://youtu.be/CWGFP1-iXEM

 

 

  Jehan-Rictus par steinlen

 

 Jehan Rictus, par Steinlen

 

 

 

 

 

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 07:00

  paon-symbole de prospérité peinture-chinoise

 

 

Ô vous oiseaux d’Héra à la queue ocellée

Par les cents yeux d’Argus Celui qui voyait tout

Dédaigneux nonchalants lents et mystérieux

Bleus tueurs de serpents dont le venin irrigue

Votre roue-univers votre ciel étoilé

 

Sur un papier de riz je vous dessinerai

En de doux amoureux dessous l’Arbre de Vie

Et je vous offrirai à l’amie que j’attends

En signe de beauté et de prospérité

Tel un souhait d’amour et d’immortalité

 

 

Pour la communauté de Hauteclaire,

Entre Ombre et Lumière,

Thème : la prospérité

 

 

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 16:59

  instant félin

               Le chat dans le mur (Dimanche 22 mai 2011)

 

 

Les branches tremblent sous le vent

L’ombre des hirondelles fuse sur l’herbe verte

Un gros bourdon obscur assiège le laurier

Des vagues de lavande émerge un bleu secret

La tourterelle égrène les secondes à trois temps

Et le chat du voisin somnolent bienheureux

Gardien à sa fenêtre d’un noir mystérieux

Se tient au bord du temps tel un sphinx rustique

 

 

 

 

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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 08:24

  ND de la joie 1

           Notre-Dame de la Joie (Photo ex-libris.over-blog.com) 

 

Au lieu dit de Penmar’h

La tête de cheval

Autrefois Tréoultré

Toute habillée de mer

Et de ciel

J’ai vu Notre-Dame

De la Joie

Esseulée mais sereine

En pays bigouden

 

Soudain

Sous le soleil de mai

J’ai entendu des voix

De grandes fortes femmes

Allaient s’en ramassant

Le glissant goémon

Avec leur mains brunies

Et crevassées

 

  nd de la joie brûlage du goémon jules simon

       Le brûlage du goémon à Notre-Dame de la Joie, Jules Simon

                         (Musée des Beaux-Arts de Quimper)

 

J’ai su la procession

Et la danse des coiffes

Sur la soie des bannières

Colorées

Et l’éclat des épingles

Sur le sombre des robes

Brodées et emperlées

Aux chaleurs du quinze août

 

  nd de de la joie Alfred marzin n

               Pardon à Notre-Dame de la Joie, Alfred Marzin

 

Deçà la haute digue

Tout autour du calvaire

De pierre

Tournaient les naufragés

En ronde

D’avoir été ôtés

Du péril de la mer

Ils remerciaient Marie

 

  ND de la joie calvaire

                       Le calvaire de Notre-Dame de la Joie

                          (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

Et lui criaient fervents

De leur cœur de pécheurs

Aux relents écailleux

Emmêlé de filets

Leur mâle gratitude

Et leur reconnaissance

Leur rude exaltation

De Joie

 

 

Mercredi 11 mai 2011,

A Notre-Dame de la Joie

 

 

 

 

 

 

 

 

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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 16:56

  lIVRE ET VIN 6

  Etablissements Bouvet-Ladubay, Le hall d'été (Auteurs et vignerons)

 

Dimanche 1er mai 2011, 130 écrivains étaient rassemblés en Saumurois, à Saint-Hilaire-Saint-Florent, dans les locaux de Bouvet-Ladubay, pour la 16 ème édition des Journées Nationales du Livre et du Vin. Un rendez-vous des plus éclectiques, qui fait se côtoyer amoureux des livres et amateurs de vin.

On pouvait y rencontrer des romanciers, des poètes, des philosophes, des politiques, des critiques, des cinéastes, des comédiens. Il y avait les habitués comme Irène Frain, Macha Méril, Nadine Satiat, Régine Desforges, Jean-Pierre Mocky, Claude Brasseur ou Denis Tillinac. Bernard Weber  rivalisait dans les dédicaces avec les frères Bogdanov ou Christophe Lambert pour son premier roman. La philosophie était présente avec Raphaël Enthoven et Malek Chebel, la télévision et la radio avec Alain Duault, Philippe Lefait, Jean-Yves Clément et Claude Villers. Françoise Chandernagor y présentait Les enfants d’Alexandrie (Grand Prix Palatine du Roman historique 2011). Jean-Louis Debré (Il paraît que Fontevraud était le nom de résistant de son père) était venu présenter en avant-première son livre à venir, illustré par Philippe Lorin, sur les 23 présidents de la République française. Le grand écrivain américain, Jim Fergus, auteur du succès  Mille femmes blanches, s’était lui aussi déplacé sur les bords du Thouet pour promouvoir son dernier opus, Marie Blanche. Les écrivains du cru étaient représentés par le poète Yves Leclair, l’historien Jacques Sigot, Nicolas Jolivot, Gino Blandin.

Placés sous le signe de l’ivresse fantastique, les jurés de l’édition 2011 ont décerné les prix suivants : le prix Jean-Claude Brialy, Esprit Bacchus à Charles Dantzig (Pourquoi lire ?) ; le Prix du Conseil général de Maine-et-Loire à Françoise Cruz (Eaux lentes sur Venise) ; le Prix Jean Carmet des vignerons de Bourgueil à Jean-Pierre Gauffre (Petit dictionnaire absurde et impertinent de la vigne et du vin) ; le Prix Epicure à Philippe Alexandre et Béatrix de l’Aulnoît  (Des fourchettes dans les étoiles, Brève histoire de la gastronomie) ; le Prix Infiniti à Ollivier Pourriol (Eloge du mauvais geste) ; le Prix Calude-Chabrol à Christophe Lambert (La fille porte-bonheur), avec mention spéciale à Olivia Elkaïm pour Les oiseaux noirs de Massada ; le Prix Omar Khayyam à Zéno Bianu (Le désespoir n’existe pas).

On pouvait déambuler d’un endroit à l’autre, au sein de chez Bouvet-Ladubay. Les cafés littéraires et l’exposition Chabrol, Merci Monsieur Chabrol, avaient lieu dans le très bel espace avec verrière début du siècle, qui est devenu Centre d’art contemporain. Les interludes musicaux, dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Liszt, avec Louis Lancien au piano, ainsi que  certaines tables rondes, se tenaient dans le ravissant petit théâtre XIX° siècle, créé par les fondateurs de la maison de vins.

 

Livre et vin

Igor Bogdanov (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

Dans la première salle de signatures déjà chauffée à blanc, je renoue bien vite avec mes vieux souvenirs de Temps X, quand mes fils s’enthousiasmaient pour les jumeaux en combinaison d’astronaute. Grischka et Igor Bogdanov s’y prêtent en effet avec bonne grâce aux photos et aux dédicaces. Puis, je rencontre Françoise Chandernagor, installée quasiment en face d’eux, et vue récemment à La Grande Librairie pour Les enfants d’Alexandrie. Dans ce récit, elle fait revivre un des trois enfants d’Antoine et Cléopâtre, Séléné, « petite reine oubliée par la « grande Histoire » », ainsi qu’elle le mentionne dans la dédicace qu’elle m’a écrite. L’occasion pour l’écrivain de me dire qu’elle considère François Busnel, comme le digne représentant de Bernard Pivot. De préciser aussi que certains écrivains, auteurs de « romans historiques », prennent des libertés coupables avec la vérité, quand ils ne « s’inspirent » pas très largement de textes déjà publiés…

 

LIVRE ET VIN 4

Françoise Chandernagor (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

Le temps de dévaler un escalier parmi la verdure jusqu’au niveau inférieur et je retrouve Yves Leclair, mon ancien collègue de lycée, venu avec son dernier opus, Orient intime, que suivra bientôt sa traduction-adaptation de Jaufré Rudel, Chansons pour un amour lointain, aux éditions Fédérop. Une belle occasion pour redécouvrir les mots du troubadour de Blaye à travers la voix d’un poète contemporain. Après le roman de Françoise Chandernagor, je continue à remplir mon cabas avec un ouvrage du poète angevin que je ne possédais pas, un petit exemplaire numéroté de la Suite du voyageur sans titre. J’y ai retrouvé ce regard aigu et tendre sur l’instant précieux qui ne reviendra plus, cette qualité d’émerveillement sur les humbles qui n’appartient qu’à lui et dont témoigne ce poème, intitulé « Arabesque » :

 

tombant sur la fête foraine

j’entre dans la cour des miracles

elle aurait bien pu être reine

d’Egypte la fille qui racle

la crêpe parmi la friture

les chichis la barbe à papa

dans son collant tout blanc si pur

avec perles et falbalas

- tombée du paradis d’Allah

 

Je poursuis mon tour des tables et m’arrête auprès d’Alain Duault, qui est présent avec ses biographies de Schumann et de Chopin chez Actes Sud. C’est pourtant avec le troisième tome de sa trilogie que je repartirai, Ce qui reste après l’oubli, Une hache pour la mer gelée, III (Gallimard). A travers des textes disposés en carrés réguliers, par le biais d’un prose poétique et musicale, le poète musicologue se propose de répondre à Kafka, qui invite à briser cette « mer gelée qui est en nous ». Les « Entrées » de la table des matières sont de belles promesses qui m’incitent à lever le voile sur « la part de l’inquiétude », « cet obscur comme une étreinte », où je pourrai rêver « à la beauté violente ». Et je sais déjà que j’aimerai cette langue ardente et violente. Nous parlons un peu d’opéra ; je lui dis que je me constitue ma culture opératique en assistant aux retransmissions du Met, que j’ai aimé les scènes de chœur conçues par Eric Génovèse dans Anna Bolena de Donizetti, retransmis sur Arte. Il me fait remarquer que le défaut majeur des mises en scènes actuelles, c’est cette demi obscurité, qu’il regrette. Lui qui fut comme moi professeur de Lettres dans une autre vie m’écrit une dédicace pour ces poèmes « tissés à [ses] passions dont la musique n’est pas la moindre ».

 

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Raphaël Enthoven (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

C’est avec Raphaël Enthoven que j’achèverai ma balade parmi les livres. A propos de son émission du dimanche sur Arte, Philosophie, dans laquelle il pratique la déambulation (« Les bonnes idées viennent en marchant » écrivait Nietzsche), je lui dis que je la trouve très pédagogique. Il me répond que c’est une gageure pour lui de rendre simple et accessible un domaine de pensée aussi complexe. J’évoque aussi le petit groupe de philosophie que nous avons créé à quatre amies, ce qui me vaudra une autre dédicace sur mon « bel enthousiasme philosophique qui réchauffe le cœur de ses intercesseurs ». Mon cabas est désormais plein puisqu’il vient encore d’accueillir L’endroit du décor et Le philosophe de service et autres textes. Il me faut être raisonnable !

 

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  Table ronde : L'ivresse fantastique dans la littérature

(Photo ex-libris.over-blog.com)

 

Sous la belle verrière du Centre d’Art contemporain, j’assisterai encore à une dernière table ronde sur L’ivresse fantastique dans la littérature avec Bernard Werber, Henri Loevenbrück, Catherine Dufour et Laurent Genefort, et animée par Philippe Lefait (Petit lexique intranquille de la télévision). Attention, parfois, quand on écrit des choses qui paraissent invraisemblables, elles surviennent, met en garde Bernard Werber.

Et je clôturerai cet après-midi parmi les livres avec la très riche exposition Chabrol, consacrée à la carrière de cet entomologiste aigu de notre société. Explorant toutes les facettes du grand metteur en scène, cette rétrospective très complète nous a présenté les nombreuse sources littéraires de ses films, sa prédilection pour les fous et les folles, les personnages hors-normes. Elle a particulièrement mis en valeur ses actrices fétiches, de Bernadette Laffont à Isabelle Huppert en passant par Stéphane Audran. Elle nous a dit encore son amour de la famille, totalement intégrée à la fabrication de ses films. Elle nous a rappelé enfin le caractère bon vivant, amateur de bonne chère et de bon vin, de celui qui avait acheté une maison sur les bords de la Loire.

 

Livre et vin 3

  Isabelle Huppert et Claude Chabrol (Photo de l'exposition)

 

En ce beau dimanche 1er mai, il fallait choisir entre boire ou lire. Et, malgré le verre de vin offert à l’entrée, j’avais définitivement choisi de lire !

 

                       

 

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Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

 

La chanson du Mal-Aimé, Apollinaire

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