Dorothea Mackellar, par May Moore, 1927
En cette Journée de la Femme, alors que l’Australie est encore présente au quotidien dans ma mémoire, je voudrais évoquer Isobel Marion Dorothea Mackellar, une de ses grandes poétesses. Tous les petits Australiens ont appris par cœur son célèbre poème, « My Country » et, chaque année, plus de 10 000 élèves participent au Concours de Poésie, créé en 1984, qui porte son nom.
La famille Mackellar
Dorothea Mackellar est éminemment représentative de la jeune intellectuelle australienne, de la troisième génération, issue d’un milieu aisé. Fille de Sir Charles Kinnaird Mackellar, médecin et parlementaire de renom, et de son épouse Marion Buckland, d’origine écossaise (ses grands-parents arrivent en Australie en mai 1839), elle naît à Point Piper à Sydney, le 1er juillet 1885. Elle est la seule fille au milieu de trois frères, Keith, Eric et Malcolm. Petite fille, elle passe beaucoup de temps à Torryburn, une des propriétés de son père dans la Hunter Valley. Pratiquant la peinture, l’escrime, l’équitation, la natation, comme nombre de jeunes filles de la bourgeoisie, elle sera éduquée chez elle avec des cours particuliers avant d’aller à l’université de Sydney, comme auditeur libre.
A Kurrumbede (Gunnedah) en 1917
Puis ce sont les voyages en famille à travers l’Europe, l’Amérique, l’Orient, qui contribuent à parfaire son éducation. Polyglotte (elle parle l’anglais, le français, l’espagnol, l’allemand, l’italien), elle se fait aisément l’interprète de la famille, tout en visitant galeries, musées et en allant au théâtre. C’est au cours d’un séjour en Angleterre, où la famille attend le retour de son frère Keith, engagé dans la Guerre des Boers, qu’ils apprennent sa mort en Afrique du Sud. C’est alors l’épreuve de la souffrance pour cette jeune fille à la vie si favorisée. Elle n’écrira plus guère après cette épreuve.
Très jeune, Dorothea Mackellar s’était adonnée à l’écriture. Très vite, même, elle se voit rémunérée pour ses textes en vers et en prose, ce qui suscite l’étonnement et l’admiration de ses parents. Ainsi « An Old Song » est publié par le magazine américain Harper’s tandis que, le 05 septembre 1908, le London Spectator et le Sydney Bulletin publient « My Country ». Elle n’a que 23 ans.
La plaque en l'honneur de Dorothy Mackellar, Writers Walk, Circular Quay
C’est au cours d’un séjour à Kurrumbede, une des propriétés rurales de sa famille, qu’elle compose « Aube », qui sera l’ébauche de ce célèbre poème, souvent réécrit, qui exprime pour beaucoup la « quintessence de la poésie du bush ». L’inspiration lui en serait venue alors qu’elle dansait pieds nus sous la pluie et que l’herbe reverdissait après une période prolongée de sécheresse. Le poème « My Country », d’abord intitulé « Core of my heart », était d’ailleurs à l’origine une lettre à ses cousins anglais, expression de sa nostalgie de la terre brune de son pays natal. C’est dans ce poème qu’on trouve cette « beauté » et cette « terreur », suscitées par les grands espaces australiens. Tous les Aussies connaissent les premier vers de la deuxième strophe de ce qui est devenu quasiment un poème nationaliste :
I love a sunburnt country,
A land of sweeping plains,
Of ragged mountain ranges,
Of droughts and flooding rains…
J’aime un pays brûlé de soleil,
Une terre de vastes plaines,
De chaînes de montagnes irrégulières,
De sécheresses et de pluies torrentielles…
Manuscrit de "My Country" (State Library of New South Wales)
Dorothea Mackellar se fiancera deux fois, en 1911 et en 1914. Par deux fois, ses fiançailles seront rompues mais jamais elle ne s’épanchera sur les raisons de ces échecs amoureux. Quatre volumes de poèmes sont publiés entre 1911 et 1926 : The Closed Door (1911), The Witchmaid (1914), The Dreamharbour (1923), Fancy Dress (1926). Elle écrit deux recueils avec son amie Ruth Bedford, Little Blue Deuil (1912), et Two’s Company (1914). (Une compilation de ses œuvres, A Poet’s Journey, est parue il y a quelques années).
Par la suite, ses centres d’intérêt se porteront vers la politique (En NSW, les femmes acquièrent le droit de vote en 1902). Son journal témoigne notamment de la nécessité de la conscription avant la Première Guerre Mondiale. Elle travaillera aussi dans l’édition, en 1931. De santé fragile, elle partagera par ailleurs son temps entre voyages à l’étranger, séjours à Gunnedah, au nord-ouest de la NSW sur les terres de ses frères où elle se montre une cavalière émérite, et vie à Tarrangaua. Dans cette demeure, construite par ses soins en 1926, elle séjourne avec son amie d’enfance, Ruth Bedford, tout en s’adonnant à la lecture, la natation, la pêche et la marche. Elle y savoure la tranquille beauté de Lovett Bay. Cette maison sera vendue en 1953 et Dorothea Mackellar reviendra habiter dans la banlieue est de Sydney, non loin de l’endroit où elle est née.
Sa préoccupation majeure ayant toujours été sa famille, elle s’occupe de ses parents vieillissants. Après dix ans passés dans une maison de retraite à Randwick, seule survivante de sa fratrie, elle meurt dans son sommeil au Saint Helene Hospital de Paddington, le 14 janvier 1968. A ses funérailles, on lira un de ses poèmes préférés, selon les dires de sa nurse, Adrienne Howley, intitulé « Couleur ».
The lovely things that I have watched unthinking, Unknowing, day by day, That their soft dyes have steeped my soul in colour That will not pass away... | |
Ses cendres reposent dans la tombe familiale au cimetière de Waverley, ce cimetière tout en sérénité qui descend vers la mer, où nous nous sommes promenés avec bonheur au mois de janvier 2013 (lire mon poème sur ce cimetière : link).
Je me suis interrogée sur la vie de cette poétesse dont l’inspiration semble s’être tarie après la mort de son jeune frère. Peut-être que celle qui fut le chantre de ce pays au cœur d’opale, préféra désormais garder en elle, comme derrière une porte fermée (titre d’une de ses œuvres), la couleur et la lumière de sa terre natale, qu’elle avait si magistralement et si parfaitement exprimées à l’aube de sa vie.
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