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Vison ou hermine
Calligraphie sur la neige
Vison ou hermine
Calligraphie sur la neige
Cavalière aux abords du Coudray-Macouard
(Photo ex-libris.over-blog.com, Effet Orton et Traitement croisé, lundi 17 février 2014)
Lundi 17 février 2014, à la fin d'une promenade à pied autour du village du Coudray-Macouard, j'ai vu cette cavalière dans le froid soleil d'hiver. J'ai alors pensé à ce haïku de Basho, lu dans ce recueil Cent onze haïku (p.105), aux éditions Verdier (2011) que l'on m'a offert à Noël. Le texte de chaque poème est écrit verticalement en caractères japonais ; il est reproduit phonétiquement en haut de la page et en français en bas de celle-ci.
Celle qui est devenue une des spécialistes de cette forme brève et dépouillée, héritée de la Chine et de la poésie populaire japonaise, Joan Titus-Carmel, a traduits ces haïkus du japonais. Sa traduction en respecte la métrique japonaise (cinq-sept-cinq syllabes). Elle en sauvegarde aussi l'indétermination de la structure grammaticale, parvenant ainsi à préserver la fluidité de l'original. C'est bien tout l'art de ce genre poétique bref et si évocateur de saisir l'instant dans sa fulgurance
fuyu no hi ya
bajō ni kōru
kagebōshi
Ah ! Soleil d’hiver
lorsque je suis à cheval –
mon ombre glacée !
Annie Playden et Guillaume Apollinaire
La tzigane
La tzigane savait d’avance
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l’Espérance
L’amour lourd comme un ours privé
Dansa debout quand nous voulûmes
Et l’oiseau bleu perdit ses plumes
Et les mendiants leurs Ave
On sait très bien que l’on se damne
Mais l’espoir d’aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
A ce qu’a prédit la tzigane
Cette suite de trois quatrains d’octosyllabes aux rimes embrassées appartient au cycle rhénan du recueil Alcools d’Apollinaire. Le poète, alors précepteur de la fille de la vicomtesse de Milhau en Rhénanie, y chante son amour malheureux pour la gouvernante de la maison, Annie Playden. Commencé à l’automne 1901 et après maints atermoiements, leur amour verra sa fin en mai 1904, quand Annie émigrera aux Etats-Unis.
Dans ce poème, j’aime l’association de l’image surprenante de l’amour comparé à « un ours privé » (on remarquera l’absence de complément de l’adjectif) à celle plus classique de « l’oiseau bleu ». Le lexique péjoratif et privatif, les nombreuses assonances en [i] contribuent à créer une sorte de plainte dolente qui demeure sans écho. Le personnage de la tzigane, qui ouvre et clôt le poème, connote le thème du destin mais aussi celui de l’errance amoureuse.
Suspendu entre folle espérance et sentiment d’échec, ce poème est bien l’ « expression à la fois moderne et sans âge » du destin d’un poète qui demeure à jamais le Mal-Aimé.
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de mots :
Thème : hasard ou destin
En écho à mon article, Des frères errants, sur l’exposition Bohèmes au Grand Palais, un lecteur, Jean-Frédéric Baéta, qui est aussi peintre, m’a fait parvenir la photo de cette petite toile non signée.
J’en aime l’opposition entre le village pelotonné sur lui-même derrière ses murs et les trois roulottes, comme frappées d’ostracisme, alignées à l’extérieur. Sous les verts ombrages, fument leurs cheminées tandis que les toits ardoisés du village s’étagent sous un ciel moutonnant. Trois femmes devisent sous le linge qui sèche, une mère se promène avec ses trois enfants, un homme, les mains dans ses manches, fixe le spectateur au premier plan, tandis que deux silhouettes féminines bleutées s’en vont vers le village. L’ensemble présente des teintes douces, de bleu, de vert, qu’éclairent quelques taches rouges sur les roulottes. La ligne de fuite suit la route qui se perd au loin. Instant arrêté dans une vie nomade…
Dis-moi, toi, le peintre,
Pourquoi ces roulottes,
Tout en demi-teintes,
La route qui fuit,
Là-bas vers ailleurs ?
Ce jour-là peut-être,
Tu auras jeté
Couleurs et pinceaux,
Pour suivre éperdu
La belle gitane
Qui marche pieds nus.
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Brunô : le peintre
Le site de Jean-Frédéric Baéta : http://www.my-microsite.com/jfbaetacreation/
Mon billet sur l'exposition, Bohèmes au Grand Palais : link
Pluie sur le bassin de Rou
(Photo ex-libris.over-blog.com)
Veille de l’été
La pluie se déchaîne
Métamorphosée
En trombes soudaines
Veille de l’été
J’entends les grenouilles
Le jardin mouillé
Chuchote en gargouille
Veille de l’été
J’entends la fauvette
Les roses trempées
Inclinent la tête
Veille de l’été
J’entends splénétique
Mourir éploré
Juin et sa musique
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème : en attendant l’été
Grive sur la tringle du rideau de ma chambre
(Photo ex-libris.over-blog.com, mercredi 12 juin 2013, Effet Saturation))
La grive
Etourdie et ivre
Tout en griserie
Volète et s’enfuit
Diseuse de pluie
Mercredi 12 juin 2013, vers 10h,
à l'occasion de la venue d'une grive dans ma chambre
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Eglantine Lilas : Nature
Chat dans le mur
(Photo ex-libris.over-blog.com)
"Instant félin"
Les branches tremblent sous le vent
L’ombre des hirondelles fuse sur l’herbe verte
Un gros bourdon obscur assiège le laurier
Des vagues de lavande émerge un bleu secret
La tourterelle égrène les secondes à trois temps
Et le chat du voisin somnolent bienheureux
Gardien à sa fenêtre d’un noir mystérieux
Se tient au bord du temps tel un sphinx rustique
Dans le jardin de Rou, lundi 23 mai 2010
Chat blanc sous mes fenêtres
(Photo ex-libris.over-blog.com)
"Rêve de chat"
Lové au soleil
Un petit chat blanc s’enrêve
D’un blanc bol de lait
Sous ma fenêtre, à Rou, vendredi 01 octobre 2010
Chat au bord du bassin de Rou
(Photo ex-libris.over-blog.com)
"Caresse du chat"
Caresse du chat
Sur l’eau du bassin
Les poissons frémissent
Briser le miroir
La patte du chat
Un nouveau Narcisse
Au bord du bassin de Rou, vendredi 14 janvier 2011
Chat noir dans une rue de Rou
(Photo ex-libris.over-blog.com)
"Chat noir"
Sur le gris du goudron
Les yeux verts aux aguets
La moustache vibrante
Les oreilles dressées
Les griffes effilées
Le chat est à l’affût
Et son ombre avec lui
Des sphinges pétrifiées
Jumeaux noirs
Pour la proie
Dans une rue de Rou, le 18 janvier 2011
Chat dans une rue de l'Albaicin à Grenade
(Photo ex-libris.over-blog.com)
"Pacha chat"
A l’Albaicin dans les rues tortes
En paresseux dessus-de-porte
Rêve et sommeille un soyeux chat
Tel un pacha de l’Alhambra
Dans les ruelles de l’Albaicin, Grenade,
dimanche 15 avril 2012 après-midi
Chat noir dans l'odéon de Taormine
(Photo ex-libris.over-blog.com, mai 2013)
A Taormina
San Caterina
J'ai vu un chat noir
Dans l'odéon blanc
Comédien tragique
Dedans la coulisse
Dans l'escalier de l'odéon de Taormine,
dimanche 05 mai 2013
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Eglantine Lilas : Chat
La vallée del Bove, sur l'Etna : la "maison d'Allah" au milieu de la lave solidifiée
(Photo ex-libris.over-blog.com, Effet HDR, mardi 07 mai 2013)
Tout au-delà
des orangers des citronniers
des pistachiers
Plus haut
que les bosquets
de bouleaux blancs
et les fins noisetiers
plus de terre vivante
non plus que d’herbe verte
ni de spino santo
On marche sur le gris
on marche sur le noir
et les pieds sont de cendre
Un sol de Sodome
ébouillanté de lave
et de bombes de feu
infesté par le soufre
ravagé par les ponces
où les cratères morts
font des bouches amères
Et pourtant c’est bien là
dans les raies du basalte
épargnée délicate
celle que l’on appelle
la vraie maison d’Allah *
Jeudi 30 mai 2013
* C'est ainsi que les Siciliens appellent l'îlot de verdure épargné par la lave
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de mots,
Thème libre proposé par Fanfan
A Lucy,
Aux tréfonds de l’espace
Aux tout confins du temps
Petite et si gracile
Au corps souple et agile
Silhouette d’ébène
Dans la savane sèche
Le long du lent Awash
Lucy des origines
Tu cours au creux de moi
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Hauteclaire : Préhistoire
L'Attente, Nikiphoros Lytras,
National Gallery Alexandros Soutzos Museum, Athènes
Où est donc mon printemps
Celui de ma jeunesse
Quand j’étais insouciant
Et le corps en liesse
Où est donc l’ancien temps
Exultant de caresses
De rires et de serments
D’amours enchanteresses
Où a fui le printemps
Ce faiseur de promesses
Dans mon cœur impatient
Se peut-il qu’il renaisse
Jeudi 21 mars 2013,
au lendemain d’un printemps qui n’est pas venu
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème libre