Portrait de Magdalena Ventura, allaitant son fils, au côté de son époux, Juseppe Ribera, 1631
(Photo ex-libris.over-blog.com, Casa de Pilatos, Séville, le 19 avril 2012)
Jeudi 19 avril 2012, nous étions à Séville et y avons visité la Casa de Pilatos, un merveilleux palais, construit dans les styles mudejar, gothique, renaissance, par la famille des Ribera. On raconte que Fadrique de Ribera aurait reproduit à l’identique le palais de Pilate à Jérusalem. On dit aussi que cette appellation tient à la présence de la première station du Chemin de Croix aux abords proches du palais. Cette étape initiale était en effet la demeure de Pilate et la première étape du chemin du Christ vers la croix.
La Casa de Pilatos, l'entrée vers le patio
(Photo ex-libris.over-blog.com, le 19 avril 2012)
Le raffinement de la Casa de Pilatos suscite chez le visiteur une admiration sans cesse renouvelée. Du patio décoré d’azulejos aux jardins odorants orné de statues, en passant par les salles décorés de stucs et autres colonnes, tout y exalte la profusion, l’élégance, la somptuosité.
Un empereur romain et Cicéron voisinent avec Charles-Quint au-dessus des mosaïques
(Photo ex-libris.over-blog.com, le 19 avril 2012)
Parmi les nombreuses œuvres d’art qui y sont exposées, l’une d’entre elles a suscité chez moi un grand étonnement en même temps qu’un intense sentiment de malaise. Placé dans une pièce assez sombre, ce tableau de Juseppe de Ribera (dit le Spagnoletto) est intitulé Portrait de Magdalena Ventura, allaitant son fils, au côté de son mari (1631). Les personnages sont debout, l’époux, vêtu d’un habit noir sur des bas blancs, est sur le côté gauche de la toile ; l’épouse, avec une petite calotte sur la tête, le sein droit dévoilé, porte fièrement son enfant. Tous deux regardent le spectateur d’un regard noir, tandis que la lumière tombe sur la robe claire de Magdalena Ventura, soulignant les détails de la féminité : le col et la broderie de dentelle de la robe, la bague à l’index gauche, les plis de la double jupe. A droite, sur des pierres sculptées marquées d'inscription en latin, on devine un énorme coquillage rosé. Le choc survient quand on se rend compte que cette mère allaitante porte une barbe noire fournie, tout comme son mari ! Les poils de la nourrice tombent sur le sein droit, particulièrement gonflé, produisant ainsi un effet de surprise.
Magdalena Ventura, dite aussi la « mujer barbuda » des Abruzzes, est une Napolitaine qui avait eu trois (ou sept enfants) avec son époux, Felici de Amici, présent à ses côtés sur la toile. Le dernier serait né alors qu’elle avait 52 ans mais son hirsutisme se serait déclaré bien plus tôt, à l’âge de 37 ans. Elle fut invitée au Palais Royal de Naples par le vice-roi de Naples, Fernando Afan de Ribera y Enriquez, duc d'Alcalá III, qui collectionnait des tableaux des « caprices de la nature ». En fait, il devait s'agir d'un cas remarquable d'hypertrichose, dûs à des problèmes hormonaux.
Cartouche expliquant le cas de La femme à barbe des Abruzzes, autre titre du tableau
(Photo ex-libris.over-blog.com, le 19 avril 2012)
Etrange image d’une féminité pervertie, représentation d’un être considéré à l’époque comme monstrueux, volonté affichée du peintre de dévoiler les « merveilles » de la nature, suggestion d’hermaphrodisme (souligné par la présence du coquillage), on demeure perplexe devant ce tableau étrange, représentant un "grand miracle de la nature". Il surprend d’autant plus qu’il se trouve dans un lieu où la beauté et l’harmonie sont reines !
Les merveilleux jardins de la Casa de Pilatos à Séville
(Photo ex-libris.over-blog.com, le 19 avril 2012))
Sources :
La Fondation Medinaceli, Séville
Pour Le Cas-Tête de la Semaine,
Thème proposé par Sherry : la barbe