Sans titre ou Vieille femme au lit, Ron Mueck (2000), Art Gallery, Sydney
(Photo ex-libris.over-blog.com, février 2013
Jusqu’au 29 septembre 2013, la Fondation Cartier pour l’art contemporain, boulevard Raspail, expose une dizaine d’œuvres du plasticien australien, Ron Mueck, né en 1958. Cet artiste est connu pour ses créations hyper-réalistes, réalisées en caoutchouc de silicone, résine de polyester, mousse de polyuréthane et polyester. Il paraît que déjà on fait la queue pour voir (admirer ?) ses répliques d’êtres humains.
Ron Mueck, originaire de Melbourne, travaille d’abord dans la publicité, la télévision et le cinéma, puis il devient concepteur de maquettes pour les Muppets et Jim Henson. En 1990, il fonde une entreprise de production de mannequins pour des publicités. Il envisage alors de créer des sculptures les plus réalistes possible, quelle que soit la position du spectateur. L’attention du public se porte sur lui lorsqu’il expose à Londres, à la Royal Academy of Arts, pour l’exposition Sensation, une œuvre intitulée Dead Dad (1996-1997). Le corps nu d’un homme, plus vrai que nature, est posé sur le sol, couché sur le dos. L’ensemble étonne par sa précision extrême et par sa taille, un mètre de long. Mais Ron Mueck crée aussi des sculptures surdimensionnées ou minuscules, telles que l’on peut en voir actuellement à Paris (Couple sous un parasol, 300 x 400 x 350 cm).
Pour ma part, c’est à l’Art Gallery de Sydney, en février 2013, que j’ai rencontré pour la première fois ses réalisations. Ainsi, dans une grande salle blanche, une vieille femme allongée sous des draps voisine avec un vieillard nu et malingre, assis dans un transat. J’avais ainsi été particulièrement impressionnée par cette Vieille femme au lit (2000). Elle est couchée sur le côté, le corps replié en position fœtale, caché sous le drap et la couverture de piqué blanc. Sur l'oreiller, ses cheveux gris sont en désordre, elle a la bouche ouverte et les yeux mi-clos. Un visage de vieille dormeuse au petit matin blême quand on s'accroche aux draps. Elle représente une femme vivante mais son corps est réduit à la taille de celui d’un enfant.
Moment difficile que celui où on la découvre, tant l’impression de vie qui en émane est forte, tant sa vieillesse exprimée avec réalisme vous agresse. Vous êtes dans un musée et pourtant, avec cette vieille femme qui vous regarde, il vous semble être dans une maison de retraite ! On supporte avec peine de regarder ainsi cette étape de la vie à laquelle chacun est destiné. Une question se pose quant aux petites dimensions choisies par l’artiste pour sa sculpture. Est-ce à dire que la vieillesse vous réduit à n’être plus qu’un petit enfant ? La taille symbolise-t-elle la vulnérabilité de l’être humain ? Quand on sait que Ron Mueck fut retenu pour l’exposition Melancolia au Grand Palais en 2003, on peut se demander si ces sculptures ne renouvellent pas à leur manière les vanités du XVIIe siècle.
Avec ces œuvres dérangeantes, Ron Mueck, s’il nous livre une trouble fascination pour la décrépitude et la mort, nous invite sans doute aussi à réfléchir sur ce but ultime que nos sociétés modernes n’ont de cesse d’occulter. N’était-ce pas ce que faisait Donatello quand il sculptait sa Magdalena, Rodin quand il présentait La Vieille ou Vanitas en 1890, ou Camille Claudel Clotho, en 1893 ?
Marie-Madeleine, Donatello
La belle Heaulmière ou La Vieille, Rodin
Clotho, Camille Claudel
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