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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 17:42

 

                            Lederle     

                                                 Feux de la Saint-Jean en Bretagne, Fritz Lederle (1901-1975)

                                                                                   (Photo arcadja.com)

 

 

                                  I 

 

Terre de la nuance et des métamorphoses !

Quel voile délicat s’est posé sur les choses

Et donne au ciel ce ton mourant des fleurs de lin ?

Est-ce à Saint-Gille, au Huelgoat, à Goudelin ?

Le paysage, avec sa lande et son église,

Dans l’air ambré du soir se spiritualise

Et, vaporeux, atténué comme un pastel,

Semble flotter vraiment aux confins du réel.

Aucun souffle n’émeut cet impalpable tulle.

Et, cependant qu’à pas feutrés le crépuscule

Descend le chemin creux qui mène vers l’étang,

Le silence avec lui glisse, plane et s’étend.

 

                                 II

 

Est-ce à Gurunhuel, à Botmeur, à Crozon ?

Du soleil qui chavire au ras de l’horizon,

Tel un brick torpillé dont la membrure éclate,

L’adieu s’exhale en jets de soufre et d’écarlate.

Puis tout s’éteint et tout s’apaise par degrés.

Un fin croissant de lune argente les Arrhés

Et découpe en plein ciel leurs graves silhouettes,

Qui rêvent dans le soir au bord des eaux muettes.

Et c’est comme une attente et c’est comme un secret.

Les couples se sont tus sur la route : on dirait,

A l’obscure langueur qui soudain les pénètre,

Que quelque chose d’infiniment doux va naître.

 

                                  III

 

On ne voit plus l’église, on ne voit plus la lande.

Est-ce à Trédrez, à Guéradur, à L’Ile Grande ?

Un sel subtil se mêle à l’âcre odeur du foin ?

Maintenant c’est la nuit, la molle nuit de juin,

Blonde comme un verger, tiède comme une alcôve.

Vers l’ouest traîne un dernier lambeau de clarté mauve…

Hosanna ! Car voici que sur les monts d’argent

Pétillent, flambent, les bûchers de la Saint-Jean.

Leurs feux jusqu’à Roscoff étoilent la campagne

Et, priant ou chantant autour d’eux, la Bretagne

Sent, en ce premier soir du solstice d’été,

S’épanouir la fleur de sa mysticité.

 

Charles le Goffic, En Bretagne

 

En cette veille de la Saint-Jean, j’aime à lire ces vers dans lesquels Charles Le Goffic conte à sa manière les soirs de Saint-Jean  sur sa terre bretonne. Dans cette suite de trois strophes de douze  vers en alexandrins, il décrit ce passage imperceptible et doux du soir à la nuit, que viennent éclairer les feux de la Saint-Jean. A l’aide d’images délicates, de touches sensuelles, il évoque la tiédeur et le silence de cette soirée si particulière. Et, à la lueur des feux qui célèbrent le solstice d’été, il rend hommage à l’âme profondément mystique des Bretons.

 

Jeudi 23 juin 2011, Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par M’annette : conte, raconte

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

J
<br /> C'est tellement beau que j'ai partagé ! encore merci<br /> <br /> @ bientôt<br /> <br /> Juliette<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Merci, Juliette, pour ce partage. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> C'est ,très beau Merci :-)<br /> Amitiés<br /> Juliette<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Merci, Juliette, de votre visite de nuit. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Mersi braz, Dan<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Je reconnais le Breton bretonnant. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />

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