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11 septembre 2016 7 11 /09 /septembre /2016 15:25
Photo RFI

Photo RFI

En ce dimanche 11 septembre 2016, on se souvient des 2977 victimes (recensées sur le mémorial) de la destruction des Twin Towers. A cette occasion, je publie de nouveau le poème que j'avais écrit en 2011, dix ans après.

 

Où le verre et l’acier

S’élevaient babéliens

Dans le ciel des affaires

Là où ce fut la fournaise

Et l’enfer

Là où trois mille vies

Se sont embrasées

Ont été asphyxiées

Ont été consumées

Ont été calcinées 

Ont été sacrifiées

Sont parties en fumée

Sont devenues poussière

Dans le crématoire américain

A ciel ouvert

 

C’est désormais le creux

Rectangulaire

Celui de la douleur

Où pleurent

Les eaux du souvenir

Et où celui qui reste

Avec un papier calque

Vient retrouver

Vient caresser

Vient réécrire

Le nom

De celle qu’il aima

Sur la margelle grise

Le cœur à Ground Zero

 

Au lendemain du 11 septembre 2011

 

 

 

 

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23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 14:58
Azulejos de Cervantès dans le parc Maria Luisa de Séville

Azulejos de Cervantès dans le parc Maria Luisa de Séville

 

Miguel de Cervantès (1547-1616) est surtout connu par son roman, Don Quichotte de la Manche (1605), qui connut un succès immédiat et de nombreuses rééditions. Certains épisodes furent adaptés pour le théâtre et ses personnages apparurent dans des fêtes foraines. L’influence de ce personnage a irrigué toute l'art occidental : la littérature avec Madeleine de Scudéry, Fielding, Laurence Sterne, Walter Scott, Marivaux et Diderot ; la musique avec Mendelssohn, Richard Strauss, Manuel de Falla, Maurice Ravel, Marius Petipa pour le ballet ; la peinture avec Fragonard, Coypel, Delacroix, Daumier, Gustave Doré, Picasso...

Prenant prétexte que la première édition de Hamlet et la première partie de Don Quichotte parurent la même année au début du XVII° siècle, Ivan Tourgueniev (dans Hamlet et Don Quichotte, 1860), a proposé une réflexion sur ces deux héros majeurs de la littérature occidentale. Selon lui, l’humanité se divise en deux figures fondamentales, celle de Hamlet et celle de don Quichotte. Il explique que si l’on compte plus de Hamlet que de don Quichotte, ceux-ci « n’ont pas entièrement disparu. » Les Hamlet, ce sont « les penseurs, dont la conscience embrasse parfois l’univers entier, mais qui le plus souvent sont inutiles et réduits à l’immobilité ». Quant aux don Quichotte, s’ils sont eux aussi « à moitié fous », ils « rendent des services qui font marcher l’humanité parce qu’ils ne voient et ne connaissent qu’un seul point, et ce point n’existe même pas sous la forme que leur imagination lui prête. »

Tourgueniev poursuit en expliquant que la vie humaine n’est que « la lutte éternelle de deux principes sans cesse séparés et réunis ». Les Hamlet, c’est « la force centripète de la nature ; en vertu de cette force, tout être se considère comme el centre de la création et regarde le reste de la nature comme créé pour son usage exclusif ». A cette force centripète de la nature s’oppose une force centrifuge, « qui veut que tous les êtres n’existent que les uns pour les autres. C’est cette force, ce principe de dévouement et de sacrifice que représentent les don Quichotte […].

A l’occasion de l’anniversaire de la mort de l'écrivain espagnol, le 23 avril 1616 (la même date que la mort de Shakespeare), je publie les photos de la glorieta de Cervantes. Il s'agit d'un espace polygonal, décoré d’azulejos, retraçant des scènes de l’œuvre de Cervantès, situé dans le parc María Luisa à Séville. L'infante du même nom l'avait créé en 1893 et il avait été réaménagé par un paysagiste français, Jean Claude Nicolas Forestier, à l'occasion de l'exposition ibéro-américaine de 1929. C’est au cours d’un séjour en Andalousie, du 14 au 21 avril 2012, que j’avais photographié cet endroit.

 

Sources :

Le Magazine Littéraire, janvier 2016

Photos ex-libris.over-blog.com, avril 2012

 

Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
Bon anniversaire, Cervantès !
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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 08:59

 

11 novembre 2015 oblige... Je publie de nouveau ce billet que j'avais écrit le 25 mars 2010 et republié le 11 novembre de la même année. Quand je lis ce poème anonyme retrouvé dans le carnet de poésie de ma grand'mère, il m'émeut toujours autant.

Dans le Carnet de Poésie de ma grand-mère, j’ai trouvé ce sonnet recopié sur un feuillet  libre, apparemment arraché à un autre livret, car les bords en sont finement dentelés, et comme écrit à la hâte, dans une sorte d’urgence fiévreuse à dire l’horreur.

Son titre « Après la bataille », m’a évidemment fait penser au poème de Victor Hugo, dans La Légende des Siècles et qui porte le même titre. Le poème de ce dernier évoque la figure du général Hugo, lors de l’avancée des troupes françaises pendant la guerre d’Espagne. Poème célèbre par sa dramatisation et son art du récit, dans lequel le fils poète exalte le souvenir du père illustre, qui donne à boire au soldat « mort plus qu’à moitié » qui le vise au front. Tout le monde a en mémoire le dernier vers :

« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père. »

Ici, le sonnet a une tonalité beaucoup plus tragique (proche peut-être du Dos de mayo peint par Goya qui y stigmatise les exactions des Français) et se clôt sur un vers empreint de mysticisme.

J’ignore à qui appartiennent les initiales A. V. écrites à la fin du texte, mais c’est sûrement quelqu’un qui a vu de près le spectacle horrible de la guerre. Peut-être est-ce même un soldat qui a participé à cette phase de ce que les historiens de la Grande Guerre ont appelé la guerre de position, qui fait suite à la guerre de mouvement de 1914. Au mois d’octobre de cette même année, après avoir occupé Lille, les Allemands sont arrêtés à Vimy lors de la bataille de l’Artois mais ils ont détruit le beffroi d’Arras.

Le 9 mai 1915, c’est la prise de la Targette à Neuville-Saint-Waast dans le Pas-de-Calais, village qui sera totalement détruit. La division marocaine réussit alors une percée sur la crête de Vimy. La situation décrite dans le poème est celle de l’Armée française avant qu’elle ne se lance dans la Deuxième Bataille de l’Artois et ne soit arrêtée à Lorette. Neuville-Saint-Waast ne sera dégagée qu’au mois d’octobre.

J’ai recopié le poème tel qu’il se présente, en respectant les majuscules, l’orthographe et la ponctuation employées.

 

Neuville Saint Waast- Sonnet- 12 mai 1915.

 

Après la bataille

 

La route, entre deux rangs d’arbres

 [déchiquetés

longe les murs béants d’un verger. La mitraille

a d’informes monceaux de pierre et de

                                                [ferraille

Jonché le sol meurtri des jardins dévastés

                       -------

Tout fume encor ; du fond des boyaux empestés

Monte un affreux relent de mort et de

[bataille

Les cadavres gisants (un surtout qui vous

                                                         [raille

En un rictus hideux, pêle-mêle jetés

                      -------

Un chemin creux, au fond l’enclos du

                                             [cimetière

Au revers des talus, donnant dans la

                                          [poussière

les vainqueurs effondrés sur les corps

    [des vaincus ;

 

Parfois le sifflement d’un obus, un cratère

qui s’ouvre, et le couchant qui nimbe de lumière

la face en pleurs du Christ et ses bras étendus

 

A.V.

 

Les combats eurent lieu dans le cimetière lui-même, ce qui explique la présence d’un Christ aux bras étendus. Actuellement, le cimetière de La Targette s’étend sur 44 525 m2 et accueille

12 210 corps, dont 11 443 Français.

Je pense avec émotion à l’inconnu qui a pris la plume pour témoigner du scandale de la guerre et à ma grand-mère qui a conservé ce papier plié, sur lequel son nom est écrit au crayon de bois, preuve que ce poème lui était bien destiné.

 

Le flambeau de Neuville-Saint-Waast, érigé en mémoire du martyre du village

 

 

 

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 21:55
L'anniversaire, Marc Chagall, 1915

L'anniversaire, Marc Chagall, 1915

 

Vendredi 6 mars 2015, mon blog a fêté ses six ans.

Il a reçu la visite de 350 203 visiteurs et 646 164 pages y ont été "vues".

Merci à tous ces lecteurs connus et inconnus qui permettent à mes mots de s'envoler à travers la toile et de transmettre un peu de rêve, d'art et de poésie.

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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 23:00

  mobilisation

 

 

  Ordre de mobilisation générale, en date du 2 août 1914

 


A l'occasion du centenaire de la mobilisation générale de 1914, je publie de nouveau ce texte que j'avais écrit en 2011.    

 

Ca f’sait déjà quèque temps qu’ son Gustave, il était parti pour l’ front et la Louise, elle était là, toute pensive, devant sa lessive qui s’ balançait sur l’ fil à linge, dans l’ vent chaud du mois d’août. C’est vrai qu’elle était ben triste d’puis qui z’avaient entendu carillonner l’ tocsin et sonner les clairons et d’puis que, Bazin,  l’ maître d’école, il avait placardé l’affiche avec ses deux drapeaux en croix, sur l’ mur de l’école.

Louise, elle y avait ren compris à tout c’ fourbi. Paraît qu’y avait un grand môssieur, un archiduc, qu’avait été assassiné au tout commencement d’ l’été. Pis, ç’avait été l’ tour d' Jean Jaurès, çui qu’avait une barbe blanche et qui causait ben . Et pour dire l’ vrai, i méritait ben son nom, çui qu’avait fait l’ coup, pis qui s’app’lait Villain.

C’t à cause de ça que l’ Gustave, il avait dû partir l’ troisième jour après l’ordre de mobilisation générale comm’ i disaient. Alors, l’ cœur tout gros, la Louise, elle avait mis ses vêtements du dimanche, et elle l’avait accompagné au train, son homme, tout emprunté qu’il était dans sa capote, du bleu d’ l’horizon, même qu’elle était. Et son Gustave, il avait même emporté ses gros godillots, pa'ce que M’sieur le Maire, il avait dit qu’on lui en donnerait 15 francs.

Elle s’ rappelait qu’il li avait plaqué un gros baiser sur sa joue, en la serrant fort et qu’ ça lui avait fait du mal. Et quand l’ train, il avait commencé à rouler dans son bruit d’ ferraille, elle avait vu qu’ des bouquets et des bras qui s’agitaient dans tous les sens, dans les cris et la chaleur.

Combien d’ temps qui s’rait donc en partance, le Gustave ? qu’elle s’ demandait la Louise, assise sur l’ chaise de paille du pépé, les yeux dans  l’ vague, au soleil du soir. Quand c’est-y qui r’viendrait pour sa première perm ? elle en avait point d’idée. Et d’puis qu’il était parti au front, le Gustave, elle, elle avait point chômé. Vrai, elle avait même pas eu l’ temps d’ décrocher les frusques sur l’ fil. Elle avait dû ranger l’ bois qu’il avait scié dans l’ bûcher, traire les vaches, aller quérir d’ l’herbe pour les lapins, faire la litière pour les canassons dans l’écurie, laver et nourrir le pépé. Et pis y avait ses trois p’tiots, qu’étaient toujours à ses basques : c'est qu' ça réclame la marmaille !

Elle s’ demandait comment qu’elle tiendrait l’ coup, la Louise. C’est sûr qu’elle était endurante à la besogne, qu’elle rechignait point à l’ouvrage mais, pour sûr, elle était qu’une femelle ! Y aurait la moisson qui pouvait pas souffrir d’ retard, pis après la vendange du clos, pis les comices d’automne. Alors, ses manches, elle allait ben être obligée d’ les r’trousser, si elle voulait pas qu’ la ferme, elle tombe en quenouille. Aide-toi, le ciel, i t’aidera, qui disait son père. Mais faudrait p’ tête ben que l’ Bon Dieu, il y mette aussi un coup…

Assise comme une feignante sur la chaise du pépé, la Louise, elle regardait les hardes, qui s’agitaient dans l’ beau temps du soir. A côté d’ ses bas d’ soie qu’elle avait mis pour conduire l’ Gustave au train, y avait la ch’mise à carreaux vert et bleu d’ son homme, et pis encore son surcot d’ serge bleu qu’il enfilait pour labourer. J’ suis comme un milord avec c’te veste, qui disait toujours en rigolant. Ca en a pas l’air mais c’est qu’ ça tient chaud au corps, c’te houppelande, qui rajoutait en crachant dans ses mains. La Louise, elle sentait comme quèque chose qui lui coinçait là, dans sa gorge, et pis ses yeux qui lui piquaient, comme quand c’est-y qu’elle épluchait les oignons.

La Louise, elle s’ leva lourdement, comme un bestiau qu’ va à l’abreuvoir, elle traversa la cour d’ la ferme en faisant voler et caqueter la basse-cour, pis elle ferma la barrière avec l’ gros cadenas d’ geôle que l’ Gustave il avait accroché, des fois qu’y aurait des malandrins su l’ chemin. Pis, elle rentra dans l’ logis qu’était déjà tout noir.

Ce qu’elle savait point, la Louise, c’est que six mois plus tard, elle verrait s’ pointer l’ garde-champêtre à la barrière d’ la ferme. D’un air tout benêt, sous sa casquette bleue à galons dorés,  i lui tendrait une grande lettre beige, avec tout plein d’ tampons des Armées. Et alors, la Louise, elle aurait point b’soin d’ mots. Elle pigerait au quart de tour qu’ son homme, i reviendrait point, et qu’ pus jamais, elle verrait sa chemise à carreaux et son surcot s’ balader sur l’ fil à linge.

 

Pour Le Défi de la Semaine n° 54,

Proposé par Jeanne Fa-Do-Si

Sur la photo de vêtements sur un fil à linge,

Employez les mots : temps (météo), temps (durée),

vêtements, vent

 

 

 

 


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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 18:08

associated-press.jpg

Une femme sur la zone dévastée de Minami-Sanriku

(Photo Associated Press)

Le 11 mars 2011, sur la côte Pacifique de Tohoku au Japon, à 14h 46 heure locale, suite à un séisme de magnitude 9, déferlait une vague monstrueuse qui tuait 18000 personnes le jour même. S'ensuivait une catastrophe nucléaire avec la destruction de la centrale de Fukushima. A l'occasion de ce triste anniversaire, je publie de nouveau le poème que j'avais écrit alors.

 

Là-bas à Minami-Sanriku

Par un après-midi ensoleillé

Un pêcheur ravaudait ses filets

Au bar l’on buvait du saké

Et des enfants chantaient

 

Là-bas à Minami-Sanriku

Tout en bas des falaises

Tout au creux de la baie

La mer s’est retirée

Sur le sable ridé

Les poissons ont sauté

 

Là-bas à Minami-Sanriku

Le dieu Shintô s’est réveillé

La mer a bouillonné

La mer a moutonné

La vague violente

La vague scélérate

La vague au blanc méchant

A soudain déferlé

S’est soudain déroulée

 

Irrésistible houle

Coulée inexorable

Avancée terrifiante

Mouvement diluvien

Enroulement de Titan

Monstrueux tourbillon

Hideux rouleau noirâtre

Grondement dément

Sur le port japonais

 

Là-bas à Minami-Sanriku

La vague folle a reflué

L’eau de la mort a reculé

Les sirènes ont cessé

Les bateaux ont sombré

Les maisons sont cassées

Les vies se sont noyées

Et les mouettes pleurent

Sur un tombeau de boue

 

Ici bientôt

Les cerisiers

Seront en fleurs

 

Là-bas

A Minami-Sanriku

Nul ne les verra plus

 

En souvenir des victimes du séisme du vendredi 11 mars 2011

 

 

 


 

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 14:18

Lucas-Cranach--les-trois-graces.jpg

Les trois Grâces, Lucas Cranach

 

Aujourd'hui, je fête l'anniversaire des trois ans de mon blog, que la fille de mon amie Alice m'a aidée à créer.

Cette quinzaine, il est 1152° dans le Top des blogs d'Overblog.

Depuis le 06 mars 2009, 226.959 pages y ont été vues pour un nombre de visites totales de 110.302.

Le mois de février 2012 aura été celui du plus grand nombre de visites, à savoir 15.254. 

Je remercie mes amis fidèles, Alice, Suzâme, Martine, Nounedeb, Monelle, Valdy, Brunô, Dan, Hauteclaire... et tous les autres, ma cousine photographe du Pays basque, mon cousin anglais qui traduit régulièrement mes pages dans la langue de Shakespeare, mes amies Dominique et Marie-France et ma fille Violaine, qui me lisent via FaceBook, mes fils, le proche et le lointain, qui me laissent des message codés que je reconnais toujours, oreilles attentives, lecteurs compréhensifs, âmes-soeurs pour des affinités électives à travers les mots.

J'adresse un signe plein de reconnaissance au lecteur magyar qui, hier, a traduit mon billet sur Un Pedigree de Modiano en hongrois. Je suis toujours aussi étonnée de découvrir mes mots métamorphosés dans d'autres langues, proches et lointaines, du russe au polonais, en passant par l'espagnol. Je salue encore tous ceux qui "recommandent" tel ou tel article ou qui mentionnent "J'aime" sous un billet qu'ils ont apprécié.

Ayant tant aimé l'ancienne l'ancienne Ile de France, il me plaît à penser que mon article, "Baudelaire à l'île Maurice : un voyage initiatique" soit un des plus lus de mon blog. Il en va de même pour le billet intitulé "Tadzio, l'ange de la mort", qui évoque le destin de ce personnage mythique de Mort à Venise, un de mes films-cultes.

Grâce au Carnet de Poésie de ma grand-mère, je suis émue d'avoir retrouvé les enfants de ceux qui y avaient leur nom, et d'avoir eu des échos de ce temps qui n'est plus.

En ce jour anniversaire du 06 mars 2012, je me souhaite, je nous souhaite encore beaucoup de belles rencontres et de passionnantes découvertes. Et j'applaudis sans réserve à ce qu'écrivait Marguerite Yourcenar, la première femme à entrer sous la Coupole, le 06 mars 1980 : "Quoi qu'il arrive, j'apprends. Je gagne à tout coup."

 

 


 


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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 18:19

  le-bal-des-ardents

  Le Bal des Ardents, Miniature dans les Chroniques de Froissart 

 

Le Musée des Arts décoratifs du château de Saumur possède une tapisserie, intitulée Le Bal des Sauvages, qui a toujours hanté mes cauchemars. Elle appartient à la grande production des tentures de haute lisse, dite d’ « Arazzi », réalisées au fil d’Arras, et qui déclina à la mort de Charles le Téméraire.

Cet événement tragique du Bal des Sauvages, encore connu sous le nom de Bal des Ardents, est à l’origine de la chute irrémédiable du roi Charles VI vers la folie. Son atmosphère fantasmagorique préfigure pour moi le déclin du Moyen Age, si bien évoqué par Johan Huizinga. .

Ce mémorable divertissement dansé trouva une issue fatale à l’occasion d’un bal, organisé par la reine Isabeau de Bavière, le 28 janvier 1393. A cette époque, le roi avait déjà été sujet à une crise de folie. Le 5 août 1392, alors qu'il traversait la forêt du Mans, un égaré avait surgi et lui avait crié : "Arrête, noble roi, tu es trahi !" Puis, la lance d'un de ses hommes avait heurté un bouclier, réveillant le roi assoupi à cause de la chaleur. Affolé, Charles VI avait frappé de son épée six de ses chevaliers. Plus tard, le conseiller Enguerrand de Coucy avait appelé le vieux Guillaume de Harcigny pour le soigner. Il avait diagnostiqué une maladie congénitale, héritée de Jeanne de Bourbon : "Cette maladie est venue au roi de coulpe : il tient trop de la moiteur de sa mère."

On ne sait exactement si ce bal se déroula à l’hôtel de Saint-Pol, une de ses demeures royales au coeur de Paris, ou à l’hôtel de la Reine Blanche, résidence de Blanche de Bourgogne, à l'époque un lieu campagnard, en retrait de la ville. Le roi, d’humeur fragile, devait donc y recevoir pour les noces d’une demoiselle d’honneur de son infidèle épouse, Isabeau de Bavière. Cette Catherine, dite l’Allemande, et veuve du sire de Hainceville, se remariant pour la troisième fois, on avait décidé d’organiser un charivari ou momerie. Interdit par l’Eglise, c’était une sorte de carnaval, donné lors de mariages à la tonalité scandaleuse. 

Cinq seigneurs résolurent alors de se déguiser en « sauvages », afin d'animer la mascarade. Il s'agissait de Hugonin de Guisay, Milon, comte de Joigny, Ogier de Nantouillet, Aymard ou Emery de Poitiers, et Jobbain ou Yvain, bâtard de Foix. Le roi, à qui ses médecins recommandaient de se distraire, accepta de se  joindre à eux.

Ils s’enduisirent le corps, y compris le visage, de poix et de résine, qu’il recouvrirent de plumes, de poils et d’étoupe, avant de se lier les uns aux autres  par le moyen de chaînes ou de rubans. Le roi seul ne s’entrava point, ce qui lui sauva sans doute la vie.

A la faveur de l’obscurité, les cinq masques fendent la foule du bal en exécutant une danse endiablée, dite la sarrasine. Mi-sauvages, mi-démons, ils créent l'effroi parmi les danseurs, tandis que les serviteurs,  porteurs de torches, sont alignés par précaution contre les murs.

C’est le moment que choisissent le duc d’Orléans, frère du roi, et son oncle le duc de Berry pour s’emparer d’une torche afin de dévoiler l’identité des grotesques. La chandelle lèche les costumes qui s’embrasent. Dans l’affolement enflammé, Jeanne de Boulogne, enveloppe le roi son neveu de ses robes et parvient à étouffer l’incendie. Si Ogier de Nantouillet réussit à se libérer de ses entraves et à se précipiter dans un cuvier, Yvain de Foix tente d'atteindre la porte où deux valets lui tendent un linge mouillé, mais en vain. De même, les trois autres malheureux sont transformés en torches vivantes et brûlent longtemps, sous les yeux terrifiés des danseurs.  L'agonie du sieur de Guisay, qui avait été l'instigateur du charivari, durera trois longs jours. Au passage de son convoi funèbre, les Parisiens, qui le connaissaient pour sa perversité et sa cruauté, injurièrent sa mémoire en criant : "Aboie donc, chien !"

Charles VI ne se remettra pas de cette épreuve. Quelques jours après cette tragédie, il confiera la régence à son frère Louis d’Orléans. En raison de son jeune âge, celui-ci ne pourra l’exercer et le pouvoir échoira à  leurs oncles, les ducs Jean de Berry et Philippe le Hardi, qui tenaient depuis des années le roi sous leur coupe et manigançaient pour leur intérêt propre.

Celui que l’on avait appelé le Bien-Aimé deviendra le Fol. Absent à lui-même,  il ne trouvera désormais de récréation qu’en s’amusant avec des cartes à jouer. Quant au malheureux royaume de France, à la lueur fantasmagorique de ces silhouettes ensauvagées et brûlantes, il s’enfoncera plus avant dans la folie fratricide et sanglante de la Guerre de Cent ans.

 

 

 

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bal_des_ardents

http://monparismedieval.blogspot.com/2010/11/le-bal-des-ardents.html

 

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