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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 15:34

Vendredi 17 juin 2022, à 18h, bravant la canicule, plus d’une vingtaine de courageux marcheurs se sont retrouvés sur la place du château de Marson pour une Balade contée, le Nez en l’air. Organisée par les bénévoles de la Bibliothèque de Rou-Marson (dont je fais partie) et Renée Monnier des Sentiers botaniques, elle a conduit les promeneurs, casqués de chapeaux de paille, entre les deux villages, parmi de petits champs, petits bois, petits sentiers, dans une nature où l’on se sent loin de tout. Grâce à Renée Monnier, experte ès botanique, ils ont été attentifs aux nombreux acacias, à la rondeur d’un vieux châtaignier, à la chondrille à tige de jonc venue du Midi, à la viccia cracca à la jolie fleur mauve et au sable si fin des chemins, issu des pierres gréseuses.

Quatre haltes bienvenues dans le sous-bois leur ont permis d’écouter des poètes, chantres de Dame Nature. De Ronsard à Colette, en passant par Chateaubriand, George Sand ou encore Charles Cros, ils ont savouré le plaisir d’être seuls dans la forêt et de rêver à ses nymphes et à ses sylvains. D’une halte à l’autre, les promeneurs ont fredonné la chanson célèbre de Mireille, « Ce petit chemin qui sent la noisette ».

Devant la rondeur d’un vieux châtaignier, nous avons débuté la promenade avec un de mes poèmes célébrant l’utilité ancienne et la belle longévité de cet arbre : « [… A l’ancre de la terre/ Il nourrissait les pauvres/ Et surveillait les bêtes/ Il faisait les tonneaux/ Et devenait charpente en sa virilité […] »

Auguste Lacaussade, né à L’Isle Bourbon, nous a accompagnés en chantant « Les Jours de juin », en nous invitant à « aller au bois » et à fuir la ville. L’« épaisse ramure » de la « forêt de Meudon ou d’Auteuil » lui aura fait oublier [s]on île  et [s]es vertes savanes ».

Cinq distiques de Charles Cros (« Les Quatre saisons ») ont souligné le pouvoir parfumé des fleurs du printemps dans le sentiment amoureux : « […] Nous n’aurions rien dit, réséda/ sans ton parfum qui nous aida. » Et avec Rimbaud, le poète aux semelles de vent, nous avons goûté à la « sensation » « par les soirs bleus d’été » d’« aller dans les sentiers ».

Théophile Gautier nous a bercés de sa ballade, « Quand à peine un nuage », dans laquelle il célèbre le petit peuple de l’herbe, couleuvres, lézards, taupes, araignées, fourmis, papillons et tutti quanti : « […] Qu’il fait bon ne rien faire, / Libre de toute affaire, / Libre de tous soucis, / Et sur la mousse tendre/ Nonchalamment s’étendre, / Ou demeurer assis ; […]

Ce fut ensuite le temps d’écouter la première partie d’une nouvelle de Maupassant, « Au bois ». Un petit récit dans lequel on découvre M. et Mme Beaurain, des commerçants d’un âge respectable, surpris par le garde champêtre en « flagrant délit de mauvaises mœurs », « à la frontière d’Argenteuil ».

A l’abri d’un sous-bois, nous avons retrouvé Pierre de Ronsard et son ode célèbre « A la forêt de Gastines » : « Couché sous tes ombrages verts,/ Gastines, je te chante/ Autant que les Grecs, par leurs vers/ La forêt d’Erymanthe ; […] » Et son poème « Contre les bûcherons de la forêt de Gastines » a résonné à nos oreilles de façon très moderne : « […] Forêt, haute maison des oiseaux bocagers, / Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers/ Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière, / Plus du soleil d’été ne rompra la lumière. […]

Forêt, célébrée encore par Chateaubriand avec « La Forêt », un poème extrait des Tableaux de nature. Il y chante son « aimable solitude », son « ombrage ignoré » et termine ainsi : « D’autres vous rediront des amours étrangères ; / Moi de vos charmes seuls j’entretiens les déserts. »

C’était ensuite au tour de Colette de dire son amour des bois avec un extrait de Claudine à l’école, « Dans les bois de Saint-Sauveur ». Elle y raconte ses « frayeurs suffocantes » lors de la rencontre avec des serpents ; ses préférences à s’y promener seule plutôt avec ces « petites grandes filles » qui ont peur de « se déchirer aux ronces » et s’effrayent devant les « petites bêtes ».

Dans un poème en forme de petite comptine, extrait de Au clair de la lune, Maurice Carême a conté les mésaventures du chasseur. Quand il jette son fusil, tous les animaux lui apparaissent ; quand il le reprend, ils ont disparu : « Et soudain plus de loup/ Plus de renard surtout/ Plus de pie, de faisan/ Lui tout seul comme avant »

Cette troisième halte s’est achevée avec un autre de mes poèmes, « Feuilles et fées ». Les demandes réitérées d’une petite fille aux membres de sa famille pour savoir « Où s’en vont les fées et les dames vertes/ Quand l’automne est là, les forêts désertes ».  Sa grand-mère finit par lui répondre : « Fillote, je le sais, mais c’est un secret ! / En habits de deuil/ Elles sont endormies/ Dans leur lit de feuilles. »

La quatrième halte, à la croisée de deux chemins, était consacrée davantage à la marche et au sentiment de solitude dans la nature. Gilbert d’Ahuy aime à marcher sur les « petits sentiers lumineux » : « Petits sentiers de balade, / Même sans faire de grande distance, / Où tranquillement on avance […] »

Sabine Sicaud, dans « La Solitude », nous a donné à rêver sur la couleur verte : « Solitude… pour vous cela veut dire seul, / Pour moi – qui saura me comprendre ? / Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre, / Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul […]

George Sand nous a dit sa félicité à « contempler la sérénité des grosses pierres au clair de lune ». Et d’ajouter : « Je m’identifiais tellement au mode d’existence de ces choses tranquilles, prétendues inertes, que j’arrivais à participer à leur calme béatitude ».

Avec « Voyageur, il n’y a pas de chemin », Antonio Machado nous a appris que, pour le Voyageur, « le chemin/ C’est la trace de [s]es pas », qu’« il n’y a pas de chemin » et que « Le chemin se fait en marchant ».

Sarah Marquis, quant à elle, affirme que « le lien avec la nature est le seul moyen pour l’être humain de sauver sa peau ». « Après tout », dit-elle, « il s’agit simplement de retrouver la condition originelle de l’être humain : mettre un pied devant l’autre, au cœur de l’immensité de la nature. »

Et Jacques Lanzmann de conclure : « Marcher, est-ce que cela ne serait pas, en définitive, tourner avec ses pieds, au pas à pas, page après page, le grand livre de la vie ? »

Notre balade s’est achevée avec humour sur la seconde partie de la nouvelle de Maupassant. Mme Beaurain y explique comment ses rêveries romantiques et un retour de flamme pour son mari les ont conduits à s’aimer de nouveau sur les lieux de leur première rencontre. « Le maire était un homme d’esprit. Il se leva, sourit et dit : « Allez en paix, madame, et ne péchez plus… sous les feuilles. »

Cette balade par un soir chaud de juin s’est achevée dans la fraîcheur de la cave communale de Marson. Gâteaux au chocolat, aux noix et au café, à la mélisse et à la framboise, accompagnés de cakes salés faits-maison, les y attendaient. Et en dégustant bulles roses et blanches, les promeneurs ont encore partagé des citations sur la marche, bien persuadés que « le but, ce n’est pas le bout du chemin, c’est le cheminement » ainsi que l’écrit Eric-Emmanuel Schmitt.

 

Photos : Dominique Lenfantin, Catherine Thévenet, Marie-Christine Barbot

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1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 13:49

Depuis plusieurs années, aux abords de l’été, la Bibliothèque de Rou-Marson et la PEB organisent une Balade contée, le nez en l’air. Conduite par Renée Monnier, qui connaît tous les secrets des plantes, cette promenade est ponctuée de textes poétiques choisis autour d’un thème. Cette année 2018, elle a eu lieu le vendredi 29 juin et  a permis à une trentaine de promeneurs de découvrir des jardins à Rou et à Marson.

Cette balade a débuté à Rou dans mon jardin, composé surtout d’essences méditerranéennes : lavande, lavandin, sauges multicolores et médicinales, thym, cyprès. Le jardinier et maître des lieux étant né de l’autre côté de la Méditerranée, on y trouve aussi des palmiers. Quelques rosiers encore qui me furent offerts lors de mon départ à la retraite et qui portent des noms d’écrivains. Le millepertuis s’y plaît bien, tout comme les hortensias roses, les acanthes d’une amie, la passiflore, le laurier rose ou la clématite. Quasiment aucun plant n’a été acheté : un vinaigrier venu de Dampierre-sur-Loire où nous habitions, un rosier ancien repiqué, des plantes trouvées ici ou là, une sauge de Russie donnée par une cousine, des buddleias ou arbres à papillons qui poussent comme du chiendent… Il faut dire que le jardinier, qui fut viticulteur dans une autre vie, a la main verte. Un premier poème m’a permis de décrire l’ensemble du jardin et de la maison.

« […] Cette maison-là

Ici

Et pas une autre

Au blond gravier crissant qui nageait dans la Loire et ses méandres paresseux

Avec ses toits bleu aigu ses cheminées de ciel

Où lentes déambulent et roucoulent les tourterelles grises

Et sa pierre moussue si douce sous les semelles

Quand les lavandins les roses et le thym font des mers parfumées […] »

 

Un autre texte a rappelé une soirée d’été en juin 2012, juste avant que la nuit ne tombe : « Le jardin vibre et bruit sans trouble et sans alarme/ Ni vacarme […] Sur le jardin serein la nuit tendra sa palme/ Si calme »

Et en quittant la maison, sous le porche aux nids d’hirondelle, nous avons dit alternativement ma « Villanelle pour l’hirondelle » :

« […] Que j’aime la belle oiselle

Qui me dit le renouveau

Le ciel rit à tire-d’aile

Quand s’en revient l’hirondelle »

 Les visiteurs ont ensuite repris leur voiture pour se diriger vers le jardin de Michelle, route de l’Etang à Marson. Un grand jardin aux lisières d’un bois où se hasarde parfois un chevreuil ou un sanglier. Quand les propriétaires ont acheté ce terrain il y a une quarantaine d’années, c’était une friche. C’est à présent un agréable creux de verdure avec une balancelle de bois pour rêver à l’ombre des grands arbres où le muguet éclate en grappes serrées au 1er mai, tandis que, doucement au soleil, poussent tomates et salades dans un petit potager rectangulaire entretenu avec soin.

Michelle, la maîtresse des lieux, était particulièrement choisie pour dire « Le jardin et la maison », extrait du Cœur innombrable d’Anna de Noailles, et dont voici la fin :

« […] - Peu à peu la maison entr’ouvre ses fenêtres
Où tout le soir vivant et parfumé pénètre,

 

Et comme elle, penché sur l’horizon, mon cœur
S’emplit d’ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur… »

 

Marie-Christine et Pierre ont évoqué l’araignée et l’ortie, humbles représentantes de l’Amour universel chanté par Victor Hugo dans Les Contemplations :

 

« […] Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ; 
Tout veut un baiser. 
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie 
De les écraser, 

Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe, 
Tout bas, loin du jour, 
La vilaine bête et la mauvaise herbe 
Murmurent : Amour ! » 

 

Christian, avec « La Coccinelle » du même Hugo, a rappelé cette charmante saynète qui associe la « bête à Bon Dieu » à la femme aimée :

 

« […] Sa bouche fraîche était là:
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle;
Mais le baiser s’envola.

 

« Fils, apprends comme on me nomme »,
Dit l’insecte du ciel bleu,
« Les bêtes sont au bon Dieu ;
Mais la bêtise est à l’homme. »

 

L’occasion pour un des participants de nous donner l’origine de l’expression « bête à Bon Dieu ». Selon une légende, au Moyen Age,  un homme accusé d'un crime qu'il n'avait pas commis devait être décapité. Mais lorsqu'il posa la tête sur le billot, une coccinelle se posa sur son cou. Le bourreau  tenta de l'éloigner mais elle revint systématiquement à sa place. Le roi Robert II le Pieux y vit une intervention divine et gracia l'homme, d'où la naissance légendaire de l'expression « beste de bon Dieu », considérée comme un porte-bonheur qu'il ne fallait pas écraser. Le vrai meurtrier aurait été finalement retrouvé quelques jours plus tard.
 

Avec un extrait des Nouvelles lettres d’un voyageur, Marie-Christine a souligné cet amour sensuel et profond qu’éprouvait George Sand pour la nature :

 

« Il y a des heures où je m'échappe de moi, où je vis dans une plante, où je me sens herbe, oiseau, cime d'arbre, nuage, eau courante, horizon, […] où je brille dans les étoiles et les vers luisants, où je vis enfin dans tout ce qui est le milieu d’un développement  qui est comme une dilatation de mon être. »

 

Et pour clore ce moment bucolique chez Michelle, Christian et Pierre ont ressuscité les essais audacieux et maladroits des inénarrables Bouvard et Pécuchet de Flaubert :

 

« […] « Deux fois par jour, il [Pécuchet] prenait son arrosoir et le balançait sur les plantes, comme s’il les eût encensées. A mesure qu’elles verdissaient, sous l’eau qui tombait en pluie fine, il lui semblait se désaltérer et renaître avec elles. Puis, cédant à une ivresse, il arrachait la pomme de l’arrosoir et versait à plein goulot, copieusement. »

 

Reprenant leur voiture, les promeneurs se sont tous retrouvés sur la place du château de Marson et ont pénétré dans le jardin de la Cave aux Fouées chez M. Noyer. Renée Monnier, qui connaît par cœur l’histoire du village, nous a rappelé qu’autrefois il y avait là un jardin appartenant au château de M. Fricotelle. Il comprenait notamment un ensemble de serres chauffées avec une collection d’orchidées. On envoyait des fleurs à Paris deux fois par semaine et les planches à bouquets permettaient aux habitants d’avoir des fleurs gratuitement. On y trouvait aussi un jardin potager. Enfin, le tertre était un verger.

 

Dans cet endroit où subsiste une des serres d’autrefois, Renée a fait revivre le rêve de verger du Papet dans Jean de Florette de Pagnol :

 

« Mon rêve, c’est de refaire le grand verger Soubeyran, sur tout le plateau du Solitaire, comme il était du temps de mon père : […] Mille arbres, sur vingt raies espacées de dix mètres, et, entre les raies, des rangées sur fils de fer de panses muscades : tu marcherais entre des murs de grappes, tu verrais le soleil à travers des raisins… ça, Galinette, ce serait un monument, ce serait beau comme une église, et un vrai paysan n’y entrerait pas sans faire le signe de croix ! »

 

Marie-Do nous a donné à imaginer la splendeur du jardin du Paradou, cet Eden redevenu sauvage, dans La Faute de l’abbé Mouret de Zola :

 

« La grotte disparaissait sous l’assaut des feuillages. En bas, des rangées de roses trémières semblaient barrer l’entrée d’une grille de fleurs rouges, jaunes, mauves, blanches, dont les bâtons se noyaient dans des orties colossales, d’un vert de bronze, suant tranquillement les brûlures de leur poison. […] Chevelure immense de verdure, piquée d’une pluie de fleurs, dont les mèches débordaient de toutes parts, s’échappaient en un échevellement fou, faisaient songer à quelque fille géante, pâmée […]

A quelques mètres de là, c’est le potager d’un habitant de Marson qui nous a accueillis. Après avoir longé les framboisiers, nous nous sommes retrouvés au soleil, à l’abri du coteau de tuffeau. Nous avons écouté les précisions topographiques sur le ruisseau de Marson qui longe les jardins, avant que Marie-Noëlle et Pierre ne donnent vie aux légumes, aux fruits, aux insectes et aux animaux du « Dialogue au jardin » de Jules Renard, extrait de ses Histoires naturelles. Il y élabore des parallèles amusants entre le monde des animaux, des plantes, et celui des hommes. L'intention de l'auteur est d'observer les hommes derrière le masque de ces animaux ou de ces plantes.

« LE POMMIER, au Poirier d’en face

—        C’est ta poire, ta poire, ta poire…c’est ta poire que je voudrais produire. »

 

Michelle et Marie-Do ont ensuite célébré les charmes du « Potager », un poème de Rosemonde Gérard, extrait des Pipeaux. Au matin, entre artichauts, groseilles, salades et melons, se dresse la silhouette du « bonhomme qui fait peur aux oiseaux », inoffensif à cette heure matinale, et que les petits oiseaux « piquent d’une caresse ».

 

Ensuite avec « Le verger » d’Anna de Noailles, extrait du Cœur innombrable, on a plutôt eu l’impression de se promener dans un potager. La poétesse nous y invite avec finesse à interpréter le poème au second degré : qui dit verger, pense fruit, voire pomme, le fruit défendu … C’est en effet une ode à la nature, sensuelle et évocatrice… Anna de Noailles nous y fait ressentir la plénitude qu’elle éprouve à y évoluer :

 

« […] Et ce sera très bon et très juste de croire

Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils,

Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire

Qui mûrit doucement sa pelure au soleil… »

 

Dans La raison gourmande, dans une perspective hédoniste, le philosophe Michel Onfray pose la question : y-a-t-il une philosophie du goût ? Un bel essai sur les nourritures terrestres dont Renée nous a dit un extrait. Une longue énumération tout en saveurs et en couleurs :

 

« Pommes de terre aux peaux rêches, carottes aux saveurs sucrées, salades de couleurs vives, qui pleuraient le lait à la racine, haricots verts aux arabesques baroques, cornichons hérissés de piquants comme un monstre préhistorique à la gueule patibulaire, céleris-raves à extraire de leur langue terreuse pour de puissantes senteurs, choux verts aux zébrures labyrinthiques, […] »

 

La dernière étape de notre promenade nous a conduits dans le charmant jardin de Renée Monnier, avec une petite serre, des bosquets de fleurs de ci-delà et des endroits ombragés pour rêver. Les promeneurs s’y sont assis en rond pour écouter d’abord le lyrisme satirique de Raymond Queneau dans « Le jardin précieux ». Après une description idyllique de fleurs, la chute est rude : « […] Une gente fillette avec un sécateur/ en fit tout un bouquet – la fin de ce bonheur ». Dans « Solitude, ô mon éléphant », Louise de Vilmorin nous a rappelé le passage inéluctable du temps grâce à une gracieuse évocation des saisons :

 

« […] Mais s'il [le temps] peut te changer, me changer et me prendre 
Ma jeunesse d'hier et notre heure aujourd'hui, 
Il n'empêchera pas les saisons de nous rendre 
L'iris et l'anémone et le mille-pertuis, […] »

 

Au cours de cette balade dans les jardins, comment ne pas évoquer la rose du Petit Prince, « unique », parce que c’est lui qui l'a choisie. Et lui de dire aux autres roses :

 

« Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose. »

 

Puis, c’était au tour des petits animaux de nos jardins d’être présents à travers la voix de Maurice Carême. Sa grande simplicité de ton, qui s’apparente à celle des enfants, nous fait imaginer sans peine le hérisson qui « pique et repique » alors qu’il est « si pacifique » et les trois escargots « qui s’en allaient cartable au dos ». Avec « Instant félin », on a évoqué aussi le chat que j’avais aperçu dans l’embrasure de la fenêtre de mon voisin, « somnolent, bienheureux/ Gardien à sa fenêtre d’un noir mystérieux » qui «  Se tient au bord du temps tel un sphinx rustique ». 

« La mante et la mouche », une de mes fables, extraite de mon recueil Clair Bestiaire, a invité les auditeurs à se méfier de ceux qui font de beaux discours :

 

[…] La mante allait ravir la mouche téméraire

Mais celle-ci, évitant  les pattes sanguinaires,

S’envola prestement loin de la religieuse,

Qui resta sur le tas, affamée et boudeuse. […]

 

Enfin, après la distribution de proverbes jardiniers et autres sentences potagères, chacun a pu dire à voix haute ces dictons ou paroles d’écrivains qui célèbrent la nature et l’homme-jardinier et dont je citerai celle de Fontenelle : « De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier. »

 

Un apéritif convivial, composé d’une délicieuse salade de fruits du jardin, d’une succulente galette au beurre de Doué, d’un gâteau au sureau et autres délicatesses, a clôturé cette balade bucolique et nous a fait entrer en douceur  et en gourmandise dans l’été.

 

Crédit Photos : Dominique Lenfantin

 

 


 

 

 

 

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