1 septembre 2011
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Dans la nuit du 14 au 15 août 2011, dans le village de Jean Ferrat en Ardèche, le chanteur-compositeur Allain Leprest (1954-2011), une grande voix poétique de la chanson française, a choisi de retourner dans sa préhistoire :
J'ai vu ma naissance
Et j'ai vu des sens
Interdit de voir
J'ai vu j'ai revu
Je suis revenu
Dans ma préhistoire
Le chanteur aux yeux bleu délavé, couleur de la Manche de ses origines, s'en est allé sur la pointe des pieds. Il faut dire en effet que les médias ont bien peu parlé de celui qui disait faire ses chansons « comme [son père] menuisier faisait ses chaises, en artisan exigeant ». Pourtant ceux qui l'ont connu n'oublieront pas cette voix éraillée de douleur et de vin, qui chantait des textes à fleur de peau et de chagrin.
La chanson intitulée « Nu » exprime un dénuement profondément intime. Elle m'apparaît comme le testament d'un poète maudit, que Nougaro qualifiait d' « un des plus flamboyants auteurs entendus au ciel de la langue française ».
Nu, j'ai vécu nu
Naufragé de naissance
Sur l'île de Malenfance
Dont nul n'est revenu
Nu, j'ai vécu nu
Dans les vignes sauvages
Nourri de vin d'orage
Et de corsages émus
Nu, vieil ingénu
J'ai nagé dans les cieux
Depuis les terres de feu
Jusqu'au herbes ténues
Nu, j'ai pleuré nu
Dans la buée d'un miroir
Le cœur en gyrophare
Qu'est-ce qu'on s'aimait... Samu
Nu, j'ai vécu nu
Sur le fil des songes
Les tissus de mensonges
Mon destin biscornu
Mais nu, je continue
Mon chemin de tempête
En gueulant à tue-tête
Les chansons des canuts
Nu, j'avance nu
Dépouillé de mon ombre
J'voulais pas être un nombre
Je le suis devenu
Nu, j'ai vécu nu
Aux quatre coins des gares
Clandestin d'une histoire
Qui n'a plus d'avenue
Nu, je suis venu
Visiter en passant
Un globule de sang
Un neutrone des nues
Je voudrais qu'on m'inhume
Dans mon plus beau posthume
« Pacifiste inconnu »
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème : sujet libre