Vierge allaitant, Hans Memling
En ce jour de Noël, je voudrais faire entendre la voix d’un grand mystique, celle de saint Ephrem le Syrien (306 (?)-373). Né de parents chrétiens – ou païens, les sources divergent - à Nisibe (Nesaybin dans l’actuelle Turquie), dans la province romaine de Haute-Mésopotamie, Ephrem se forma auprès de Jacques, l’évêque de cette ville, et ils fondèrent ensemble une école de théologie d’un grand rayonnement. Après la chute de Nisibe aux mains des Persans en 363, ce diacre s’en vint à Edesse où il connut les grandes controverses théologiques de cette époque, celles de Bardesane, d’Arius et des Manichéens. Grand défenseur de la doctrine christologique et trinitaire dans l’Eglise syrienne d’Antioche, il est l’auteur d’une œuvre immense, composée de commentaires de la Bible et d’hymnes lyriques et didactiques, les madrāšê) dont plus de quatre cents ont été conservés. Il mourut à Edesse en 373, le 9 juin, victime de la peste qu’il avait contractée en soignant les malades.
Ce théologien et poète fut d’une certaine manière l’instituteur de l’Eglise syriaque puisque ses poèmes et ses hymnes liturgiques permirent de diffuser la doctrine de l’Eglise lors des fêtes liturgiques. Le pape Benoît XVI voit en lui « le plus grand poète de l’époque patristique », soulignant que « sa poésie lui permit d’approfondir sa réflexion théologique au travers des paradoxes et des images ».
Dans ses hymnes, saint Ephrem use de nombreuses images qui ne sont que l’allégorie du Nom et cet extrait est ainsi particulièrement représentatif. La parole est donnée à Marie qui s’interroge devant la toute-puissance de son Fils, qu’elle ne sait comment nommer : « divine fontaine », « fils du Dieu vivant », « fils de Joseph », « Fils d’un seul », « fils d’un grand nombre », « fils de Dieu », « fils de l’homme », « «fils de Joseph », « fils de David », « fils de Marie »… C’est sur cette contradiction fondamentale – le Messie est l’enfant de Marie et en même temps il est Dieu tout-puissant – que se fonde le système théologique de saint Ephrem.
Ces deux aspects contradictoires s’expriment donc ici à travers la personne de Marie qui, à travers son corps (« mon lait », « ma bouche »), souligne sa petitesse, son indignité et son humilité, notamment dans la première strophe :
« Comment ouvrirai-je
Les fontaines de mon lait
A toi, divine fontaine ? »
J’aime beaucoup ce texte de celui qu’on surnomma la « harpe du Saint-Esprit ». Il dit avec simplicité l’incompréhension humaine devant le mystère de l’Incarnation.
"Comment ouvrirai-je ?"
Comment ouvrirai-je
Les fontaines de mon lait
A toi, divine fontaine ?
Comment donnerai-je
Nourriture
A qui nourrit tout être
De sa table ?
Des langes
A qui est revêtu de splendeur ?
Ma bouche ne sait pas
Comment te nommer,
Ô Fils du Dieu vivant !
Si j’ose t’appeler
Comme fils de Joseph,
Je tremble car tu n’es pas de sa semence ;
Mais si je refuse ce nom,
Je suis dans les transes
Car on m’a mariée à lui.
Bien que tu sois Fils d’un seul,
Désormais je t’appellerai
Le fils d’un grand nombre,
Car à toi ne suffisent pas
Des milliers de noms :
Tu es fils de Dieu mais aussi fils de l’Homme ;
Et puis, fils de Joseph
Et fils de David
Et fils de Marie
Saint Ephrem, Hymne sur la Nativité
Saint Ephrem (Manuscrit grec, BNF)
Sources :
http://iseo0607.voila.net/StEphrem.pdf
http://www.mariedenazareth.com/qui-est-marie/st-ephrem-de-nisibe-306-373
http://nominis.cef.fr/contenus/saint/1298/Saint-Ephrem-le-Syrien.html
fr.wikipedia.org/wiki/Éphrem_le_Syrien