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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 18:18

Loïe Fuller, 1902, Frédérick Glasier.

Avril 1894 (pp. 286 et 287, Proust, L’écriture et les arts) :

Proust voit le spectacle de Loïe Fuller avec la Belle Otero aux Folies-Bergère. Il se rend à l’exposition Marie-Antoinette à la galerie Sedelmeyer qui propose également une exposition de peinture anglaise avec des toiles de Turner : Le Banquet de Guildhall et la Vue de l’hôpital de Greenwich.

On admire au Salon l’Intérieur de Notre-Dame de Paris de Paul Helleu. Ce peintre, patronné par John Singer Sargent et Robert de Montesquiou, sera bientôt lié avec Proust.

Loïe Fuller, nom de scène de Mary Louise Fuller, née à Hinsdale le  22 janvier 1862  et morte à Paris le 02 janvier 1928  à Paris, est une danseuse américaine  et l'une des pionnières de la danse moderne ; elle est célèbre pour les voiles qu'elle faisait tournoyer dans ses chorégraphies de danse serpentine et pour ses talents de metteuse en scène. Le soir du 16 octobre 1891, lors de la création de la pièce Quack Medical Doctor à Holyoke, dans le Massachusetts, vêtue de vêtements blancs, elle improvise de grands mouvements pour interpréter une femme sous hypnose. Le public réagira spontanément en s’écriant « Un papillon !... Une orchidée !... » En effet, ses chorégraphies mettent le progrès technologique au service d’une danse qui exalte la nature à travers des lignes courbes et des mouvements évoquant les fleurs, les papillons, les serpents : enveloppée dans de longs voiles qu’elle agite à l’aide de baguettes et baignée d’une lumière aux teintes changeantes, Loïe Fuller rappelle aux spectateurs que l’homme fait partie de la nature. L’originalité de ses danses est l’un des principaux attraits du cabaret des Folies-Bergère, lieu par excellence de la vie parisienne à la Belle Époque, où Loïe Fuller débute et se produit pendant dix ans.

Loïe Fuller influence aussi les arts décoratifs et la photographie : une riche production de statuettes s’inspire de ses voiles dansants, et les photographes essayent de saisir la magie de son art. Elle expérimente inlassablement les possibilités des effets de lumière et de couleur sur des tissus à la matière et à la consistance différentes : ce travail lui vaut de nombreux brevets, mais sa santé en pâtit, à cause des longues répétitions sous des lumières violentes qui abîment ses yeux. À une époque où les droits des femmes et des homosexuels ne sont pas encore reconnus, Loïe Fuller affiche fièrement ses idées féministes, ainsi que son homosexualité. Entièrement vouée à l’art, elle dépense tout pour poursuivre ses recherches jusqu’à la fin de sa vie ; elle meurt d’une pneumonie en 1928, assistée par Gab Sorère, sa fidèle compagne et collaboratrice depuis 1897.

Ses admirateurs furent nombreux : Rodin, Lautrec, Georges Rodenbach, qui lui consacra plusieurs pages élogieuses, l’astronome Camille Flammarion, les frères Lumière, Hector Guimard et les Curie. Elle monta ainsi un spectacle intitulé La danse du radiumElle fut éclipsée en 1902 par Isadora Duncan, sa compatriote, qu’elle contribua à faire connaître en Europe en 1902 avec la création de sa première compagnie de jeunes danseuses. Elle demeure cependant une référence dans l'histoire de la danse, marquant un point d'articulation entre le music-hall, la performance et la danse moderne. Par ses mouvements amples, sinueux et continus, elle contribua à inaugurer une ère nouvelle.

La Belle Otero

En 1894, Proust pouvait admirer Loïe Fuller dansant aux Folies-Bergère avec la Belle Otero. Agustina Otero Iglesias, dite Caroline Otero, ou encore « La Belle Otero », est une chanteuse et danseuse de cabaret et courtisane célèbre de la Belle Epoque, née en Espagne le 04 novembre 1868 et morte à Nice le 10 avril 1965. En août 1898, Caroline Otero devint « la première star de l'histoire du cinéma » lorsque l'opérateur Félix Mesguich la filma dans un numéro de danse à Saint-Pétersbourg. Amie de Colette, elle entretient une rivalité célèbre avec une autre courtisane espagnole, Liane de Pougy. La liste de ses conquêtes est impressionnante : Edouard VII d'Angleterre, Léopold II de Belgique, le duc de Westminster, le grand-duc Nicolas de Russie, des financiers, des écrivains tels que Gabriele d'Annunzio et Aristide Briand, son amant pendant dix ans. Elle fit tourner bien des têtes et serait à l'origine de plusieurs duels et de six suicides, d'où son surnom de la « sirène des suicides ». Elle fut, avec Liliane de Pougy et Emilienne d’Alençon, l’une des « Trois Grâces » de la Belle Epoque.

Si, dans La Recherche, la danse est un art beaucoup moins mentionné que la peinture et la musique, il n’en demeure pas moins que Proust s’intéressa aux Ballets russes, manifestant ainsi son ouverture d’esprit dans les domaines artistiques et théâtraux. C'est en 1910, lors de leur deuxième « saison » à Paris que Marcel Proust fit la connaissance des Ballets russes. Il fut enthousiasmé par cette troupe, menée par Diaghilev, qui renouvelait l'art de la danse. Non seulement il assista aux représentations de la troupe dans Shéhérazade, Carnaval, Le Festin, Le Prince Igor, Les Sylphides et Giselle, mais il soupa avec les artistes à plusieurs reprises, invité par les mécènes des Ballets russes : la comtesse Greffulhe et Misia. Il fit ainsi la connaissance de Tamara Platonovna Karsavina, la partenaire de Nijinski, qu'il raccompagna dans sa voiture jusqu'à son hôtel et avec qui il eut des échanges qu'elle évoquera dans ses Mémoires. Marcel Proust, fut fasciné par la danseuse, véritable symbole de la modernité et de la virtuosité des Ballets russes. Devant L’Oiseau de feu d'Igor Stravinski, il s’exclamera : « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. » Dans Sodome et Gomorrhe, il évoque « l'efflorescence prodigieuse » de ces ballets « révélatrice coup sur coup de Bakst, de Nijinski, de Benois, du génie de Stravinski. » (RTP, III, 140).

Vaslav Nijinski

Dans une esquisse du Côté de Guermantes, Proust évoque Nijinski au moment de son entrée en scène dans Le Pavillon d'Armide, « un plaisir fugitif qui naît de l’harmonie instantanée d'un costume, d'une lumière, d'un décor, éléments destinés à changer, avec le mouvement ou même la mimique du danseur » : « Des machinistes faisaient reculer les divers messieurs en veston ou en redingote, amis des artistes, habitués du théâtre, journalistes qui se promenaient sur le plateau. Au milieu de ces hommes du monde qui se saluaient, s'arrêtaient à causer un moment comme à la ville, s'élança un jeune homme portant une toque de velours noir, une jupe cerise, et les bras levés au ciel dans des manches de soie bleue. Sa figure était couverte d'une sorte de poudre de pastel rose comme certains dessins de Watteau ou certains papillons. C'était un célèbre et génial danseur d'une troupe étrangère... Je restais ébloui à suivre des yeux dans l'air les arabesques qu'y traçait sa grâce naturelle, ailée, capricieuse et multicolore. » L'écrivain voit dans ce « plaisir d'une seconde », multiplié tout au long du spectacle, le but même du chorégraphe et du danseur. Et quand la raison déserta le danseur qui sautait si haut, Proust écrivit : « Il regagna d’un vaste essor le pays des songes, ce pays d’où il n’est plus revenu ». Par ailleurs, dans un article intitulé « Bidou, Bergotte, la Berma et les Ballets russes, Une enquête génétique », Nathalie Mauriac Dyer établit un parallèle entre le couple Charlus/Morel et le couple Diaghilev/Nijinski. Certains lecteurs contemporains proches du milieu des Ballets russes auraient entrevu en filigrane de l’exécution de Charlus, nymphe tragique et délaissée par son faune, la figure de Serge de Diaghilev, abandonné en 1914 par Nijinsky.

On rappelle que le 18 mai 1922, "un souper fin eut lieu au Majestic pour fêter la première du ballet Le Renard de Stravinski, interprété par les Ballets russes de Diaghilev avec une chorégraphie de Nijinska, la sœur de Nijinski. La soirée fut donnée par un couple d'Anglais, Violet et Sydney Schiff, […] organisée aussi par Diaghilev, lui-même invité d'honneur. Parmi les invités, des femmes du monde […]et le demi-monde des émigrés russes […] sans oublier Stravinski et Picasso, très investi dans la création des décors des ballets russes, bref le tout-Paris du moment. Misia Sert, la mécène des Ballets russes, surnommée « Madame Verdurinska » par son amie Gabrielle Chanel, devait certainement être présente. Proust se rendit à cette réception, une des dernières de sa vie, vers deux heures trente du matin, élégamment vêtu." 

Dans La Recherche, on trouve aussi quelques allusions au ballet Giselle, dansé par les Ballets russes en 1910. Le Narrateur évoque un fait relatif à Nijinski, exclu du ballet impérial à cause d’un costume de scène indécent.  L’évocation de Giselle marque aussi le goût du héros pour les fantômes, la vanité de son retour à la vie après la mort de sa grand-mère et le caractère ailé d’Albertine. Et les danseurs russes ont peut-être servis de modèles au défilé des jeunes filles sur la digue de Balbec. (« Proust et les Ballets russes : l’empreinte de Giselle », Francine Goujon, Université Paris-Sorbonne, UFR, Littérature française et comparée).

Outre les Ballets russes, Proust, dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, évoque le tango à trois reprises. Ainsi Octave est décrit par le Narrateur comme un bon danseur : « Octave obtenait, au casino, des prix dans tous les concours de boston, de tango, etc., ce qui lui ferait faire s’il le voulait un joli mariage dans ce milieu des « bains de mer » où ce n’est pas au figuré mais au propre que les jeunes filles épousent leur « danseur ».  Il fait aussi un tableau assez péjoratif des Bloch, de sa famille, de ses coreligionnaires, snobés par « la société des Cambremer, le clan du premier président, ou des grands et petits bourgeois, ou même de simples grainetiers de Paris dont les filles, belles, fières, moqueuses et françaises comme les statues de Reims, n’auraient pas voulu se mêler à cette horde de fillasses mal élevées, poussant le souci des modes de « « bains de mer » jusqu’à toujours avoir l’air de revenir de pêcher la crevette ou d’être en train de danser le tango. » Enfin, pour Charlus, le tango fait partie de l’évolution d’une société qui lui devient étrangère : « Oui, dit-il, je n’ai plus vingt-cinq ans et j’ai déjà vu changer bien des choses autour de moi, je ne reconnais plus ni la société où les barrières sont rompues, où une cohue, sans élégance et sans décence, danse le tango jusque dans ma famille, ni les modes, ni la politique, ni les arts, ni la religion, ni rien. »

Charles Sedelmeyer, 1879, Mihaly Muncàcsy

En cette fin d’avril, Proust se rend dans la galerie Sedelmeyer pour voir une exposition dédiée à Marie-Antoinette. Charles Sedelmeyer, né le 30 avril 1837 à Vienne, et mort le 09 août 1925 à Paris, est un marchand d'art, critique d'art et éditeur autrichien, l'un des plus grands collectionneurs et galeristes de la fin XIXe et du début XXe. Dans La Peinture anglaise, Ernest Chesneau décrit ainsi Le Banquet de Guildhall de Joseph Mallord William Turner. « La grande salle de l’hôtel de ville de Londres, tendue de rouge de haut en bas, est incendiée de lumière. D’immenses tables l’occupent dans toute sa profondeur, chargées de candélabres et de mets, entourées par la foule agitée des convives. Au fond un trône et la table d’honneur. Sur les parois latérales, d’immenses tribunes encombrées de spectateurs. Rien ne peut donner une idée de la magie des colorations, de l’intensité de l’effet lumineux, de l’animation folle, de la verve, de la vie, de cette petite toile qui n’a pas cinquante centimètres de hauteur. Turner seul dans l’école anglaise a eu cette puissance extraordinaire […] Il veut et il rend la lumière jusqu’au bord de la toile. » 

Vue de Londres de Greenwich, Turner, 1825

L’autre toile admirée par Proust, la Vue de Londres depuis Greenwich, 1825), est décrite ainsi par Le Metropolitan Museum of Art : « Turner offre ici un panorama sur le Grand Londres vu de Greenwich Park, regardant vers le bas vers l’hôpital naval conçu par Sir Christopher Wren, la Tamise et la ville lointaine. Le premier plan est jonché de cartes et de globes, avec une femme tenant deux plans pour un retraité de la marine avec des lunettes et des béquilles à inspecter – une référence au passé de l’Angleterre. Légèrement derrière, un homme vêtu d’un chapeau haut-de-forme à la mode et de gants jaunes lève les mains pour célébrer le cadeau en plein essor. Enfin, une troisième figure, plus bas sur la colline, regarde à travers un télescope des bateaux à vapeur qui passent devant des voiliers sur la rivière – un indice pour l’avenir. L’aquarelle appartient à un groupe que l’artiste a réalisé vers 1825, consacré à la capitale nationale. L’intention était de reproduire la série sous forme d’estampes, mais le projet n’a jamais été réalisé. »

On sait qu’un des modèles d’Elstir, le peintre de La Recherche, a pu être inspiré par Turner. Gabrielle Townsend, dans « Proust's Imaginary Museum : Reproductions and Reproduction in À la recherche du temps perdu », (Peter Lang, 2008, pp. 87-88), le souligne ainsi : « Mais les descriptions des peintures marines d'Elstir, en particulier Le Port de Carquethuit, doivent une dette particulière à Turner, médiatisée par Ruskin, et dérivées principalement de reproductions. Proust n'a pas vu beaucoup d'œuvres de Turner dans la vraie vie ; il déplore que le Louvre contienne si peu de peintures anglaises. Une œuvre qu'il a vue était un paysage avec une rivière et une baie au loin, dans la collection de Camille Groult, dont Edmond de Goncourt a écrit qu'il conduisait à négliger l'originalité réputée de Monet et des autres. La peinture caractérise le flou caractéristique de Turner des frontières entre la terre, l'eau et le ciel que Proust présente comme la vision d'Elstir… »

Intérieur de Notre-Dame de Paris, Helleu

Enfin, en cette fin d’avril 1894, Proust admire aussi l’Intérieur de Notre-Dame de Paris de Paul-César Helleu un peintre et graveur français, né à Vannes le17 décembre 1859, et mort à Paris le 23 mars 1927. Dessinateur virtuose de la société française et anglo-saxonne, cet artiste peignit aussi des huiles, auxquelles appartient ce tableau, et qui sont méconnues. « Il s’agit de marines, de natures mortes, aux touches impressionnistes et aux couleurs particulières comme le souligne Mallarmé dans ces vers :

Au cinquante-cinq avenue

Bugeaud, ce gracieux Helleu

Peint d’une couleur inconnue

Entre le délice et le bleu. » 

Des liens étroits liens unissaient (1859-1927) Helleu à Marcel Proust. C’est en effet grâce au romancier et à Montesquiou que l’artiste intégra la bonne société parisienne. Dans un article, « Paul-César Helleu et Marcel Proust – leur amitié, d’un personnage de roman jusqu’au lit de mort » – Adrien Gouffray »,  Florian Métral écrit  qu’à l’occasion d’une visite impromptue de l’écrivain au peintre durant l’année 1918 ou 1919, Proust  aurait salué son ami en lui disant : « Bonjour Monsieur Elstir ! »  Selon les dires de Paulette Howard- Johnston, la fille de James Whistler (1834-1903), Elstir serait la contraction des deux noms de Helleu et de Whistler. Par ailleurs, dans le portrait de l’artiste de La Recherche, on peut voir des similitudes avec l’aspect physique d’Helleu : « « Un homme de grande taille, très musclé, aux traits réguliers, à la barbe grisonnante, mais de qui le regard songeur restait fixé avec application dans le vide. »

Proust sur son lit de mort, Helleu
On connaît le portrait émouvant que Helleu fit de son ami sur son lit de mort. Céleste Albaret rapporte en ces termes l’événement : « Ce même dimanche, vers deux heures de l’après-midi, à la demande du professeur Robert Proust, le peintre Helleu, que M. Proust aimait beaucoup et qui, à cette époque, avait dû renoncer à la peinture en raison de sa vue, vint faire une pointe sèche. Il me déclara qu’il allait mettre toute son âme à ce portrait. » Dans Journal d’un collectionneur. Marchand de tableaux, René Gimpel évoque une conversation à propos du portrait de Proust avec Paul-César Helleu, qui lui aurait dit : « Oh ! Comme c’est horrible, mais comme il était beau ! Je l’ai fait mort comme un mort. Il n’avait pas mangé depuis cinq mois, sauf du café au lait. Vous ne pouvez-vous imaginer comme ce peut être beau, le cadavre d’un homme qui n’a pas mangé depuis ce temps-là ; tout l’inutile a fondu. Ah ! il était beau, une belle barbe noire, drue. Son front, à l’ordinaire fuyant, s’était bombé. » Tous ces éléments témoignent de la grande proximité amicale entre Proust et Helleu.
Sources :

Commentaire sur “Proust at the Majestic” - Le mot juste en anglais (le-mot-juste-en-anglais.com)

https://books.google.fr/books?id=rQ0lwQVjBGIC&pg=PA97&lpg=PA97&dq=le+banquet+de+guildhall+turner

« Paul-César Helleu et Marcel Proust – leur amitié, d’un personnage de roman jusqu’au lit de mort » – Adrien Gouffray – Investigatio (hypotheses.org)


 

 

 

 

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commentaires

N
Proust vivant, dans son époque et parmi ses relations, ses goûts culturels variés, permet de mieux entrer dans son oeuvre. J'aimerai lire une 3ème fois La Recherche, avec l'éclairage de l'humour. J’hésite me lancer...<br /> Toujours merci!
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C
N'hésitez pas, relisez La Recherche. Oui, Proust est drôle !

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