La sirène, Alexandre Séon (1896),
Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne
Qui portait la sandale aux couleurs d’océan,
Echouée sur le sable parmi les bois flottés,
Déposée par la mer l’écume et les courants ?
Etait-ce la naïade au couchant dessinée,
Dont les gestes ailés remodèlent les vagues,
Et qui les pieds légers sur la grève dansait ?
Etait-ce la pêcheuse dont le grand filet drague
Crevettes et couteaux dans la flaque endormie,
Où sont les crabes nains et les verts cheveux d’algues ?
Etait-ce le marin souhaitant l’accalmie,
Aux embruns déchaînés, sur le pont ruisselant,
Qui frissonne et ne sait s’il reverra sa mie ?
Etait-ce la sirène amoureuse d’un homme
Qui endura la mort et les mille tourments
Afin d’être une femme et de croquer la pomme ?
Je ne saurai jamais qui portait la sandale
Abandonnée au sel et aux flots incléments,
Dérisoire épave d’un naufrage fatal,
Qui vogue sur les eaux et flotte dans le temps.
Pour la proposition de Noune d'écrire un poème à forme fixe inspiré par une photo, j’ai choisi cette semaine d’écrire un texte en terza rima. Cette forme codifiée fut importée d’Italie (Dante la pratiqua) en France au XVI° siècle. On la retrouve sous la plume de Jodelle, Baïf ou Desportes. Délaissée par la suite, elle reparaît au XIX° siècle avec Théophile Gautier (http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/terza-rima) et Leconte de Lisle ( http://flormed.e-monsite.com/pages/f-fixes-3/terza-rima/), ou encore Hérédia .
Ecrit souvent en alexandrins, ce poème n’est pas limité dans sa longueur et c’est la disposition de ses rimes qui en fait l’intérêt. Le premier vers rime avec le troisième, le second avec le quatrième et le sixième, le cinquième avec le septième et le neuvième, et ainsi de suite. Toutes les rimes sont donc répétées trois fois, sauf la première et la dernière et les rimes plates en sont absentes. On a par ailleurs coutume de séparer les tercets de la terza rima par des blancs et d’isoler le dernier vers.
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Nounedeb : sur la photo d’une sandale bleue sur une plage, pour un sonnet, un rondeau, un haïku ou tout autre forme fixe.