C'est à l'occasion d'un compte-rendu de lecture sur Désert (1980) de Le Clézio que j'ai appris que ce patronyme d'origine bretonne signifie "les enclos". Et pourtant l'on est bien loin des endroits clos avec le beau nomade aux sandales!
Quel plaisir de relire Désert, ce roman des racines et de l'exil. Il est constitué de deux récits alternés; le premier conte un épisode de la "pacification" du Maroc (1909-1912), qui privilégie le point de vue de Nour, un "homme bleu"; le second s'attache à Lalla, jeune fille du désert marocain, qui part à Marseille pour revenir mettre au monde son enfant dans le désert de ses ancêtres. Ce récit d'une foule en guerre et d'un voyage initiatique a fait dire à un critique que c'est comme si une Odyssée se greffait sur une Iliade.
Les deux personnages, que rien de prime abord ne semble rapprocher, sont cependant complémentaires. Leurs origines sont communes à travers Al Azraq, l'homme bleu, le guerrier du désert, devenu saint et ermite et qui a gardé la peau bleue. Par leur nom, ils s'opposent et se complètent. Lalla est un prénom proche de Laila qui signifie "la nuit" en arabe, alors que Nour, la figure masculine, représente "la lumière".
La beauté du roman tient d'une part à l'association des personnages fictifs et surnaturels. Ainsi, des êtres invisibles jouent un rôle déterminant dans la vie de Lalla. Al Azraq déjà évoqué, Es Ser, le Secret, que Lalla retrouve "sur le plateau de pierre, là où commence le désert", et qui est comme une présence protectrice. Il y a aussi la douloureuse absence de Hawa, la mère disparue, qui oblige Lalla à devenir femme. Lalla n'accouchera-t-elle sous un figuier comme sa mère?
D'autre part, le tableau que fait Le Clézio des migrants et des exclus de Marseille est empreint d'une grande émotion: on a le coeur serré quand meurt Radicz le gitan, poursuivi par les policiers ou M. Ceresola, seul dans son immeuble malsain, victimes de la ville où circule "le mal". Pour ne plus être ce "chien noir" des villes, Lalla, après une carrière de mannequin, retournera vers la terre "du sable, du vent, de la lumière et de la nuit".
Ainsi, Lalla nous apparaît comme la petite soeur de Le Clézio qui écrit: "L'idée de retour au point de départ est une idée très importante pour moi."
17 avril 2009