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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 13:31

C'est à l'occasion d'un compte-rendu de lecture sur Désert (1980) de Le Clézio que j'ai appris que ce patronyme d'origine bretonne signifie "les enclos". Et pourtant l'on est bien loin des endroits clos avec le beau nomade aux sandales!
Quel plaisir de relire Désert, ce roman des racines et de l'exil. Il est constitué de deux récits alternés; le premier conte un épisode de la "pacification" du Maroc (1909-1912), qui privilégie le point de vue de Nour, un "homme bleu"; le second s'attache à Lalla, jeune fille du désert marocain, qui part à Marseille pour revenir mettre au monde son enfant dans le désert de ses ancêtres.  Ce récit d'une foule en guerre et d'un voyage initiatique a fait dire à un critique que c'est comme si une Odyssée se greffait sur une Iliade.
Les deux personnages, que rien de prime abord ne semble rapprocher, sont cependant complémentaires. Leurs origines sont communes à travers Al Azraq, l'homme bleu, le guerrier du désert, devenu saint et ermite et qui a gardé la peau bleue. Par leur nom, ils s'opposent et se complètent. Lalla est un prénom proche de Laila qui signifie "la nuit" en arabe, alors que Nour, la figure masculine, représente  "la lumière".
La beauté du roman tient d'une part à  l'association des personnages fictifs et surnaturels. Ainsi, des êtres invisibles jouent un rôle déterminant dans la vie de Lalla. Al Azraq déjà évoqué, Es Ser, le Secret, que Lalla retrouve "sur le plateau de pierre, là où commence le désert", et qui est comme une présence protectrice. Il y a aussi la douloureuse absence de Hawa, la mère disparue, qui oblige Lalla à devenir femme. Lalla n'accouchera-t-elle sous un figuier comme sa mère?
D'autre part, le tableau que fait Le Clézio des migrants et des exclus de Marseille est empreint d'une grande émotion: on a le coeur serré quand meurt Radicz le gitan, poursuivi par les policiers ou  M. Ceresola, seul dans son immeuble malsain, victimes de la ville où circule "le mal". Pour ne plus être ce "chien noir" des villes, Lalla, après une carrière de mannequin, retournera vers la terre "du sable, du vent, de la lumière et de la nuit".
Ainsi, Lalla nous apparaît comme la petite soeur de Le Clézio qui écrit: "L'idée de retour au point
de départ est une idée très importante pour moi."

                                                                                                                                                                                    17 avril 2009

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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 13:14

 

« Le Petit Chaperon rouge  a été mon premier amour. Je sens que si j'avais pu l'épouser, j'aurais connu le parfait bonheur. » Ces mots du grand romancier Charles Dickens révèlent bien le charme envoûtant de ce conte, raconté à des générations d'enfants. Mais au-delà de la distraction et de l'imagination propres au conte, on sait, depuis la parution de l'ouvrage de Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées (1976), que ceux-ci exercent une fonction thérapeutique sur l'enfant. Selon ce grand psychologue pour enfants, les contes de fées folkloriques et populaires, dont l'origine remonte souvent à la nuit des temps, répondent de façon précise aux angoisses du jeune enfant. Ils décrivent une situation inconsciente que les enfants reconnaissent au passage, inconsciemment.

Quelques remarques sur le conte du Petit Chaperon rouge, extraites de l'œuvre de Bettelheim, vont ainsi nous montrer comment ce conte de fées révèle des vérités sur l'espèce humaine et sur l'homme lui-même.

Deux versions.

Rappelons d'abord que cette histoire est un conte de Charles Perrault (1628-1703) qu'ont repris les frères Jacob (1785-1863) et Wilhelm  (1786-1859) Grimm. Le récit est conduit de la même manière chez les deux auteurs, jusqu'à ce point où le loup, s'étant introduit dans le lit de la grand'mère, dévore le Petit Chaperon rouge. L'histoire s'achève, chez Perrault, par une morale galante. Ici, il est évident que le loup n'est qu'une métaphore qui ne laisse pas grand-chose à l'imagination du lecteur. Cet excès de simplification, joint à une moralité explicite, fait de cette histoire un conte de mise en garde ou d'avertissement. L'enfant n'a pas l'occasion de découvrir lui-même le sens caché du conte. En revanche, chez les frères Grimm, l'histoire se poursuit avec la venue du chasseur qui éventre le loup et en retire, saines et sauves, la grand'mère et la petite-fille.

Dévoration et Œdipe.

Comme dans de nombreux contes, la peur d'être dévoré est le thème central du Petit Chaperon rouge mais ce conte aborde aussi quelques problèmes cruciaux que doit résoudre la petite fille d'âge scolaire quand ses liens oedipiens (1) s'attardent dans son inconscient, ce qui peut l'amener à s'exposer aux tentatives d'un dangereux séducteur.

Principe de plaisir et principe de réalité.

Sortie de sa maison, l'héroïne trouve un chemin bien tracé dont sa mère lui dit de ne pas s'écarter. Mais si les parents du Petit Chaperon rouge lui ont enseigné le principe de réalité, elle est attirée par le principe de plaisir, explicité par le loup quand elle le rencontre : « Toutes ces jolies fleurs dans les sous-bois, comment se fait-il que tu ne les regardes-même pas...c'est pourtant joli la forêt ! » Elle est donc victime du conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité exprimé par sa mère au début de l'histoire : «  Sois bien sage en chemin... Et puis, dis bien bonjour en en entrant et ne regarde pas dans tous les coins ! » La mère sait que son enfant est encline à découvrir les secrets des adultes. Quand elle découvre le loup qui a revêtu les effets de la grand-mère, elle essaie de comprendre en questionnant, sur les oreilles, les yeux, les mains, la bouche. Ce sont les quatre sens, l'ouïe, la vue, le toucher et le goût, dont l'enfant se sert pour comprendre le monde.

Le symbolisme de la couleur rouge.

Tout au long du conte, et dans le titre comme dans le nom de l'héroïne, l'importance de la couleur rouge, arborée par l'enfant est très soulignée. Le rouge est la couleur qui symbolise les émotions violentes et particulièrement celles qui renvoient à la sexualité. Le bonnet de velours rouge a été offert par la grand'mère : « Il lui allait si bien, que partout on l'appelait le Petit Chaperon rouge. » Le couvre-chef peut ainsi être  considéré comme le symbole du transfert prématuré du pouvoir de séduction sexuelle, accentué par le fait que la grand'mère est vieille et malade et ne peut même pas ouvrir la porte. Le nom de « Petit Chaperon rouge » est significatif. Le chaperon est « petit » mais aussi l'enfant. Elle est trop petite, non pas pour porter la coiffure, mais pour faire face à ce que symbolise le petit bonnet rouge.

Le chasseur et le loup, une figure double de l'homme et du père.

Dans ce conte, l'homme au contraire tient une place capitale sous deux aspects opposés : le dangereux séducteur, meurtrier de la grand'mère et de la petite fille (le loup), et le chasseur, qui représente la figure paternelle, forte, responsable et qui sauve l'enfant. Tout se passe comme si le Petit Chaperon rouge essayait de comprendre la nature contradictoire du sexe masculin en expérimentant les aspects de sa personnalité : les tendances égoïstes et violentes (le loup) et les tendances altruistes et réfléchies (le chasseur).

L'homme apparaît donc bien présent dans le conte sous deux formes contraires : celle du loup, personnalisant les dangers de la lutte oedipienne, et celle du chasseur, dans sa fonction protectrice et salvatrice, qui est celle du père.

Mort et renaissance.

En fait, le Petit Chaperon rouge et sa grand'mère ne meurent pas vraiment mais elles « renaissent ». La renaissance qui permet d'accéder à un stade supérieur est un des leitmotive de nombreux contes de fées. L'enfant saisit intuitivement que ce qui « meurt » vraiment chez l'héroïne, c'est la petite fille qui s'est laissé tenter par le loup. Lorsqu'elle bondit hors du ventre de l'animal, c'est une personne tout à fait différente qui revient à la vie.

Le Petit Chaperon rouge a perdu son innocence enfantine en rencontrant les dangers qui existent en elle et dans le monde et elle l'a échangée contre une sagesse que seul peut posséder celui qui  « est né deux fois ». Quand le chasseur ouvre le ventre du loup et la libère, elle renaît à un plan supérieur d'existence ; capable d'entretenir des relations positives avec ses parents, elle cesse d'être une enfant et renaît à la vie en tant que jeune fille.

Quelques réserves.

Les folkloristes du siècle dernier, obsédés par la question de l'origine des contes populaires, se partageaient entre une interprétation mythique, qui, à la suite des frères Grimm, les faisait dériver de mythes solaires aryens, et une interprétation ethnographique, qui voyait en eux la survivance de pratiques et de croyances des sociétés primitives. La psychanalyse est certes venue donner un essor nouveau à la question de l'origine des contes, et il n'est pas difficile de déceler chez nombre d'entre eux un scénario oedipien. La vision de Bettelheim peut pourtant sembler très étroitement oedipienne et la vision qu'il se fait de la normalité adulte peut paraître suspecte. Le conte populaire n'est-il pas avant tout une exploration des limites du culturel et de ses rapports avec le naturel ?

 

(1) Complexe d'Œdipe : ce concept psychanalytique, créé par  Freud, est une fixation affective que le très jeune enfant opère sur le parent de sexe opposé et dont l'issue ultérieure normale est l'identification avec le parent de même sexe.


Sources :

  • Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim, Collection « Réponses », Robert Laffont, 1976.
  • Dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays, Bouquins, Robert Laffont, 1980.
  • Dictionnaire des Littératures de Langue française, A-D, J-P de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, Bordas, 1987.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 13:07

  

La petite fille de Monsieur Linh, Philippe Claudel, Editions Stock, 2005.

 

Le Lorrain Philippe Claudel nous avait déjà montré l'étendue de son talent de conteur avec Les Ames grises (Prix Renaudot 2003), dont l'adaptation cinématographique d'Yves Angelo (Septembre 2005) avait su rendre avec justesse les ambiguïtés et l'émotion poignante.

Dans La petite fille de Monsieur Linh, l'auteur reprend un personnage féminin et le thème de la guerre mais il s'aventure encore plus avant dans la simplicité d'une écriture dépouillée, avec "un récit au plus près de l'humain", comme il l'a écrit lui-même dans une dédidace à une lectrice.

Il s'agit de l'histoire de Monsieur Linh, un vieil homme, semblable à tous les réfugiés de la terre, (sans doute originaire du Viêt-Nam) qui parvient dans une ville inconnue après six semaines de voyage en bateau. Il n'a pu emporter de son passé qu'une valise avec "quelques vêtements usagers, une photographie que la lumière du soleil a presque entièrement effacée, et un sac de toile dans lequel le vieil homme a glissé une poignée de terre." Mais son bien le plus précieux, c'est sa petite-fille qu'il a emmenée avec lui, alors qu'elle n'était âgée que de six semaines. Sang diû, c'est son nom, qui signifie "Matin doux", est la seule survivante de la famille du vieillard, victime d'une bombe dans son pays en guerre "depuis des années déjà".

Nous accompagnons donc Monsieur Linh, "Oncle", dans le foyer d'accueil où il  essaye de vivre avec d'autres réfugiés, qui le considèrent avec ironie, et où tout lui est absolument étranger. "Rien ne ressemble à ce qu'il connaît. C'est comme venir au monde une seconde fois." Seule Sang diû lui permet de survivre; il s'occupe d'elle comme le ferait une mère et lui sourit: "Je suis ton grand-père, lui dit Monsieur Linh, et nous sommes tous les deux, nous sommes deux, les deux seuls, les deux derniers. Mais je suis là, n'aie crainte, il ne peut rien t'arriver, je suis vieux mais j'aurai encore la force, tant qu'il le faudra, tant que tu seras une petite mangue verte qui aura besoin du vieux manguier."

Au cours d'une promenade, Monsieur Linh rencontre un solitaire comme lui, Monsieur Bark, et dont il devient l'ami, alors même qu'ils ne parlent pas la même langue. Cet homme, veuf depuis deux mois, l'appelle "Tao-laï", qui est la formule de politesse pour dire bonjour dans la langue de son pays natal. Il offrira même "une robe éblouissante" à  Sang diû. Et toujours le vieil homme serre contre lui avec tendresse sa petite-fille " de l'aube et de l'orient"  en lui chantant de sa voix chevrotante une chanson dont "les mots sont un baume qui adoucit ses lèvres, ainsi que son âme" et qui ravivent en lui les senteurs et les sensations de sa terre d'origine:

"Toujours il y a le matin

 Toujours revient la lumière

 Toujours il y a un lendemain

 Un jour c'est toi qui seras mère."

Quand on contraint Monsieur Linh à quitter le centre d'accueil pour une autre résidence, le vieillard sent "un grand vide en lui". Il s'oblige cependant à être fort pour sa petite-fille qu'on lui a laissée et dont il continue à s'occuper. Bien vite, il aspire à retrouver son ami, Monsieur Bark, qui se demande ce qu'il est devenu. Vêtu de sa robe de chambre, Sang diû dans les bras, le vieil homme part en quête de son ami dans la grande ville labyrinthique. "Hagard, il devient un errant."

On ne révélera pas la fin inattendue du roman qui donne tout son sens à l'errance de Monsieur Linh en dévoilant les ravages de l'exil et du déracinement. "On ne peut jamais s'envoler vers ce qu'on a perdu."

Dans ce roman subtil où s'entrelacent les thèmes de l'exil, de la guerre, du manque, de la mémoire, de l'abandon mais aussi de l'amitié par-delà les cultures, on tend vers la poésie pure, "sans rien qui pèse ou qui pose". Le vieux Monsieur Linh dans sa robe de chambre bleue et sa petite-fille si sage resteront longtemps dans votre mémoire.

 

 

                                                                                                                                                                     Février 2007

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 13:42

 

fantin-latour.jpg
Un coin de table, Verlaine, Rimbaud et les Vilains Bonshommes, Fantin-Latour.

Aux temps de la saint Jean, quand les nuits se font

                                                                           [claires
Aux jardins odorants dans la douceur des soirs,
 
Il est bon de partir et vers d'autres histoires,

Quand le temps minuté ne le sera plus guère.

Plus ne pénétrerai sous la porte cochère

Qui ouvre sur la cour d'une beauté altière,

Le long du couloir blanc, dans leurs cadres dorés,
Les vieux pères abbés ne me verront passer

 
Je n'aurai plus le goût du crayon qu'on mordille,

Quand on cherche le mot au bout du stylo bille,

Et je n'entendrai plus la cloche stridulante

Quand on va vers la classe dans une marche lente.


Et dans la salle haute dont la table est soleil,

 Mes yeux n'erreront plus sur les livres anciens,

Dans le bourdonnement des notes et conseils

De ceux dont on écrit ici les lendemains.


Et je me souviendrai des grandes assemblées

Où l'on doit chaque année rénover le lycée,

Des temps pédagogiques, des heures de formation,

Où chacun dit son mot et parle à profusion.


Et pourtant j'aimais bien, pendant plus de vingt ans,

Faire craquer doucement les estrades de bois,

Embrasser du regard la classe aux yeux d'enfant

Qui cherche à deviner le secret de nos voix.


Et cependant j'aimais, le bras endolori,

Laisser courir ma main sur le vieux tableau noir,  

Alors que, derrière moi, tandis que la craie crie,

Une phrase peut-être saura les émouvoir.


Et puis j'aimais aussi, aux abords de septembre,

Humer les feuillets neufs où les écrivains dorment,

Me dire dans la ferveur qu'il faut savoir attendre

Et qu'un cœur de seize ans leur redonnera forme.


Je ne connaîtrai plus, à l'aube de l'année,

Les visages nouveaux et qui vers vous se tendent,

Des enfants inconnus, au passé ignoré,

Dans l'espoir incertain d'une alchimique entente.


Et dans la classe close, aux portières fermées,

Je ne reverrai plus, penchées, ces silhouettes,

Dont la plume s'obstine à écrire des idées

Qui passent et puis s'enfuient des juvéniles têtes.


Plus ne ressentirai la fragile étincelle,

Quand après un long temps où le rouge insupporte,

On découvre, ô magie, une copie plus belle :

Un élève soudain a ouvert une porte.


J'aurai toujours au cœur le souvenir aigu

Des écoliers perdus, des élèves en allés,
Tous ceux que j'ai aimés, ceux que j'ai méconnus,
Dans le temps disparus, dans le flux des années.

J'ai voulu leur donner, avec l'amour des mots, 
 

La colère de Voltaire, la rage de Rimbaud,

Le rire de Molière, la douleur de Baudelaire,

La force des auteurs qui oeuvrent pour leurs frères,


Le regard de voyant de tous les vrais poètes,

Pour qui dans l'encrier la plume est toujours prête,

Oui, j'ai souhaité dire que dans tout écrivain

Vit l'esprit de la terre qu'ils construiront demain.


Lycée Saint-Louis, mardi 29 juin 2004.

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 13:19




mer-du-nord.jpg

Près de la mer du Nord aux vagues vert-de-gris

Je reçus la naissance une aube de novembre

Dans ce pays de sable de varech et de pluie

Mon enfance fut lente ma famille était tendre

 

De la cité des dunes ce soir je me souviens

Quand les heures paresseuse au haut beffroi s'égrènent

J'aimais être petite les soirs de Saint-Martin

L'on allait par les rue l'on portait des lanternes

 

Dans le port où les grues griffent le ciel de plomb

L'adolescence fuit fini les uniformes

C'est le temps des grands rêves et des beaux horizons

Mais que sera demain l'avenir y prend forme

 

Or un soir de septembre en Anjou suis venue

Les vendanges sont belles le vendangeur aussi

Entre vigne et tuffeau l'amour m'est advenu

Trente ans bientôt déjà que je lui ai dit oui

 

Une grande maison blanche

Des enfants dans un jardin

Entre la Loire et les livres

Entre amitié et voyages

Il ne m'est doux que de vivre

Au mitan de mon bel âge

 

Saint-Hilaire-Saint-Florent, samedi 13 novembre 1999

 

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 13:10


rampe-dampierre.jpg

Il est de ces moments rares

Où renaît la maisonnée

Et point n'est jamais trop tard

Pour tous être rassemblés.


A l'ombre du cèdre hautain,

Auprès des caves profondes,

Sur la verdure du jardin,

Venus des lointains du monde.


Dans un rêve très ancien,

Il y avait un lieu, Rouiba,

Oasis de parfums,

Dont chacun se souviendra.


Mais les cœurs furent bouleversés

Par l'humaine sauvagerie,

Et la mer fut traversée

Pour venir en ce pays.


Ce dimanche vingt-trois août,

Dans l'angevine maison,

Voit ainsi venir à vous

Nombre de générations.


C'est la Méditerranée

Dans des yeux voleurs de femmes,

Pour des caractères trempés,

Prompts à toutes les alarmes.


Les garçons sont de bons pères

Mais n'aiment point qu'on les commande ;

Ils ont le goût de la terre

Et leur femme point ne gourmandent.


Famille de huit enfants

Où le sud au nord s'allie,

Parentèle du présent

Où l'on parle et où l'on rit.


Les bavards impénitents,

Avec eux foin de l'ennui ;

Ceux que jamais l'on n'entend,

Qui se taisent et qui sourient.


Ils ont l'âme voyageuse,

Ils commercent, ils sont marins,

Il y a des théâtreuses,

Les petits sont collégiens.


N'oublions pas les artistes,

Ceux qui peignent et qui décorent,

Qui rendent la vie moins triste,

Et les filles aux doigts d'or.


A l'abri du catalpa,

Dans la serre aux tourterelles,

Sommes-nous bien tous là

Avec la mémoire fidèle.?


Or, c'est grâce à vous tous deux

Qu'en ce jour de sainte Rose,

Nous sommes ainsi très heureux

De dire la douceur des choses.


Dampierre- sur- Loire, le 23 août 1998.

 

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 12:59

Ange.jpg 

Dans la crique de Léoube

Où le temps s'est arrêté,

Sur la terrasse en rotonde,

Une ombre belle est passée.

Elle a les cheveux bouclés

Des anges des cathédrales

Et son âme a éclaté

A la chanson des cigales.

 

Elle tient sur les genoux

Son enfant de porcelaine

Au regard tellement doux

Qu'il la fait belle et sereine.

 

Vers la mer son regard rêve

Où d'autres enfants se baignent ;

Les vacances sont la trêve

Et de bleu ses yeux se teignent.

 

De la mer Jacques est venu,

Car c'est de l'eau que tout vient,

Et sa main il a tenu

En un très amoureux lien.

 

Heureuse es-tu Clémentine,

Toi qui aimes la sévillane,

Avec ta moue enfantine

La nuit de tes vingt-neuf ans.

 

 

Léoube, juillet 1994.

 

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21 avril 2009 2 21 /04 /avril /2009 21:41

 

Melancholia.jpg

                                                                                             Melancholia, Dürer

Je devais avoir cinq ou six ans et ma grand-mère venait de mourir. Mes parents avaient demandé à ma gouvernante allemande de m'accompagner pour la voir une dernière fois.

Je n'avais jamais pénétré dans sa chambre et tout d'abord je ne discernai rien. De l'encens qui brûlait dans une petite cassolette créait une sorte de brouillard léger. Les volets intérieurs à panneaux, tels qu'on en voit dans les tableaux de Vermeer, avaient été repoussés contre les hautes fenêtres, ne laissant filtrer qu'un rai de lumière très fin. Une mouche, prisonnière, y bombillait doucement. Quelques bougies distribuaient des ombres vagues sur les murs. Des lys blancs exhalaient une odeur entêtante. Avec difficulté, mes yeux se firent à cette semi-obscurité de caverne.

Une vieille religieuse, agenouillée à l'extrémité du lit à rouleaux, le visage dissimulé par une grande cornette, marmottaient des ave maria. Les doigts crispés sur le poignet de ma gouvernante, je m'approchai de ma grand-mère. Son corps menu disparaissait sous un grand drap orné de dentelle de Calais et ses main étaient minuscules sur le grand crucifix de corozo où on les avait posées. Je la reconnus avec peine car elle avait retrouvé, comme cela se produit parfois mystérieusement, son visage de jeune fille, celui que j'avais vu sur les photos de son mariage.

Son immobilité m'intimidait et j'avais peur de la regarder ; je levai les yeux vers le mur qui surplombait le lit. Un grand cadre, représentant un ange à la chevelure couronnée de laurier, assis au milieu d'un fouillis d'objets, un animal couché à ses pieds, rêvait la joue appuyée sur sa main gauche. Je crus deviner un ballon, une cloche, un autre petit ange. Dans le fond gauche de la gravure, un soleil aux longs rayons brillait au milieu d'un arc-en-ciel.

- C'est l'ange gardien de bonne-maman? dis-je tout bas à ma gouvernante, en lui secouant le bras.

- Voulez-vous bien vous taire, Mademoiselle, me répondit-elle brutalement; c'est la Mélancolie. Mettez-vous à genoux et dites-une prière pour votre grand-mère.

« Mélancolie » ! Je n'avais jamais entendu ce mot et il résonna en moi comme une musique qui console. Je vis l'ange me sourire. Et j'en étais certaine, il souriait aussi à ma grand-mère, là où elle s'en était allée. « Mélancolie » ! Ce mot, longtemps, je me le suis répété en silence comme une litanie qui atténuait la perte de ma grand-mère très aimée.

Des années après, au collège, quand j'ai eu douze ans, j'ai retrouvé dans un livre de français l'image de l'ange assis; elle illustrait le poème « Melancholia » de Victor Hugo. Je ne comprenais pas ce que l'ange pouvait bien avoir à faire avec les enfants « sous les meules ». Je continuais à me bercer avec les dix lettres du mot magique, « mélancolie ». Je n'y découvrais aucune dureté : ne renfermait-il pas le nom de l'ancolie, la « fleur du parfait amour » ?

J'aimais écrire à l'envi sur mon cahier d'écolière le parfait équilibre entre les cinq consonnes et les cinq voyelles, la douce tristesse de la deuxième syllabe nasalisée s'harmonisant avec les deux liquides, tandis que le i final apporte sa stridence plus légère au terme du mot.

Plus tard encore, j'ai lu pour la première fois « El desdichado » de Nerval. Et soudain, son « soleil noir de la mélancolie » a fait remonter violemment en moi comme une houle ce jour inoublié de ma petite enfance. Je me suis retrouvée à cinq ans dans la chambre quasi-obscure de ma diaphane grand-mère, là où bourdonne une mouche qui va mourir, tandis que, dans le lointain de la gravure de Dürer, scintille sans fin un soleil aux mille rayons de lumière.

Choisissez un mot que vous aimez particulièrement, pour sa couleur, sa sonorité...et développez. (papierlibre.over-blog.net) 

 

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 08:44




Manet_Bouquet_de_violettes_1872.jpg
Bouquet de violettes, Manet, 1872.



Violaine Violette Viola Violante,

Impulsive et secrète à la voix éloquente

Où t'en vas-tu demain pour un nouveau voyage

L'on ne saura jamais si tu es sève ou fleur

Avec toi c'est toujours ou les rires ou les pleurs

Intuitive émotive tu es forte et fragile

Nous devinons en toi les dons de la Sybille

En nous vogue l'effluve de ton esprit subtil

 

Le 06 janvier 2009

 

 

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 08:33

rubis.jpg 

Aux tréfonds de la terre, pendant des millénaires,

Sous la lave et le marbre a germé une pierre,

Elle est couleur du cœur, elle est sang- de- pigeon :

Ô vermillon des princes, ô rouge corindon !

 

Braise de l'escarboucle, feu dans l'obscurité,

Grenat de la passion, flamme de ceux qui osent,

Pâle rubis  balai  dont le rouge vire au rose,

On allait vous chercher aux confins retirés.

 

Savez-vous qu'autrefois de grands collectionneurs

Aimaient graver leur nom et ceux de leurs ancêtres

Sur ces spinelles sang, prouvant qu'ils étaient leurs,

Et les Moghols disaient qu'ils en étaient les maîtres.

 

Les sultans de Delhi possédaient le plus lourd,

Qui pesait paraît-il plus de trois cents carats ;

Quand Tamerlan le vit, comme il s'en empara,

Il lui donna le nom de grand  Tribut du monde .

 

Puis de l'Iran à l'Inde il s'en fut aux Anglais,

A la tour de Londres, en un grand tour de terre.

C'est le Tibur ruby au centre d'un collier,

La reine Victoria en fut dépositaire.

 

Femme d'Henri premier, la russe Anne de Kiev

Apporta dans sa dot une très rouge gemme

Sertie dans la couronne ; le roi portait au chef,

L'épine au sang du Christ et le sacre du chrême.

 

Elle était incarnat ladite  l'orphelin 

Qui ornait la couronne des empereurs ottoniens,

Couleur de vin clair, neige dans ce vin fondant,

Brillant de cet éclat bien nommé chatoyant.

 

C'est la pierre écarlate qui dit l'honneur royal,

Et le spinelle qui fut le rubis du Prince noir,

Protecteur d'un Lancastre quand saigna Azincourt,

Et c'était celle encore du très saint Venceslas.

 

Et le trésor vermeil du duc Jean de Berry,

Prince qui acheta le plus gros des rubis,

C'est le fameux cinabre aimé d'Anne de Bretagne,

Taillé comme un dragon, inclus en Toison d'or.

 

Depuis l'Antiquité emblème des amants,

Grenat luminescent symbolisant les yeux,

Image de la vie, désir long dans le temps,

Escarboucle magique, présent des amoureux.

 

Almandin des Anciens, œil unique du dragon,

Et bijou sur le front des belles ferronnières,

Grenat et tourmaline, topaze et corindon,

Minéral éternel, amande de lumière.

 

Aluminium et chrome, pierre des rois, des sultans,

Cette gemme d'amour dira trente-cinq ans ;

C'est la soie d'un rubis non rayé par le temps,

Au cœur de votre lien, foi et fidélité,

Une étoile à six branches que sont vos six enfants,

Pourpre éclat non-pareil d'un rubis étoilé !

 

                                Le 29 avril 2006

 

 

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Voie lactée ô soeur lumineuse

Des blancs ruisseaux de Chanaan

Et des corps blancs des amoureuses

Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

Ton cours vers d'autres nébuleuses

 

La chanson du Mal-Aimé, Apollinaire

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