Lumière dans l'antichambre de l'hôtel Scheffer-Renan (19 septembre 2010)
Dimanche 19 septembre 2010, Les Journées du Patrimoine ont guidé mes pas au 16 de la rue Chaptal, vers un charmant musée de la Ville de Paris, l’hôtel Scheffer-Renan, qui porte le nom de Musée de la Vie romantique. Il s’agit de la demeure du peintre Ary Scheffer (1795-1858), désormais consacrée à l’évocation de la vie artistique et littéraire de la première moitié du XIX° siècle. On y accède par un passage pavé qui débouche sur une cour et un joli jardin ombragé, sous les volets verts de cette maison, mitoyenne du parc du comte Chaptal, et l’un des derniers témoignages des demeures d’artistes édifiées sous la Restauration et la Révolution de Juillet.
La façade aux volets verts de l'hôtel Scheffer-Renan (19 septembre 2010)
Deux ateliers jumeaux, situés de part et d’autre de la cour, accueillent chaque année des expositions temporaires, et notamment à partir du 28 septembre 2010, une exposition sur les écrivains russes. Dans l’atelier-salon, situé à gauche, Ary Scheffer recevait chaque vendredi tout ce que Paris comptait de célébrités artistiques ou politiques : George Sand, Chopin, Delacroix, Rossini, Liszt, Pauline Viardot, Thiers, Dickens… A droite, l’atelier de peinture était réservé à Henri Scheffer, le frère d'Ary, et à ses propres élèves.
Dans l’antichambre, on fait ainsi connaissance avec l’ancien propriétaire des lieux, ce peintre d’origine hollandaise, né à Dordrecht en 1795. On y observe un buste commémoratif d’Ary Scheffer réalisé par Jules Cavelier, à la demande de sa fille. C’est le portrait de La Fayette qui le lancera dans les milieux artistiques. Libéral, il sera proche de la famille d’Orléans.
A l’étage, dans « Le Salon des portraits romantiques », l’on remarque le portrait de Cornelia Scheffer, fille du peintre, qui copiera avec talents les oeuvres de son père. Elle tiendra salon elle aussi en compagnie de son mari, le chirurgien René Marjolin, recevant Tourgueniev et Gounod entre autres. En 1899, elle lèguera à la ville de Dordrecht une partie de l’atelier de son père. Quant à sa cousine, Cornélie Scheffer, fille du peintre Henry Scheffer, elle épousera en 1856, l’auteur de La vie de Jésus, Ernest Renan, dont le portait par Henry Scheffer, et le buste par René de Saint-Marceaux, se trouvent dans « Le grand Salon Ary Scheffer ». Leur fille, Noémie Renan-Psichari, sera la légataire de Cornelia Scheffer, en 1898. Et ce n’est qu’en 1983 que sa descendante, Corrie Psichari-Siohan obtiendra que la maison de son aïeul Ary Scheffer devienne un musée de la Ville de Paris.
« Le Salon des Orléans » évoque les liens de celui qui fut le professeur de dessin des enfants du duc d’Orléans avec la famille du futur Louis-Philippe. Marie d’Orléans, une de ses filles, est connue pour avoir ouvert la voie de la sculpture aux femmes. Une réduction en bronze de sa Jeanne d’Arc, exposée au musée de l’Histoire de France du
château de Versailles, rappelle son souvenir.
Faust dans son cabinet, Ary Scheffer (19 septembre 2010)
« Le grand Salon Ary Scheffer » présente des œuvres inspirées de l’histoire et de la littérature. Françoise de Rimini (1835), héroïne de Dante, voisine avec les personnages de Goethe, Marguerite au rouet et Faust dans son cabinet. L’inspiration médiévale romantique s’exprime dans Lenore, les morts vont vite ; elle est encore illustrée par la toile de Barthélémy-Charles Durupt, Manfred et l’esprit (1817), évocatrice de la tragédie de Byron.
« Le petit Salon », qui clôt la visite, indique la prédilection du protestant Ary Scheffer pour les sujets religieux, dont témoignent Sainte Anne et Sainte Monique. Cette salle est intéressante puisqu’elle présente une toile de Arie-Johannes Lamme, un cousin des Scheffer, qui peignit Ary Scheffer dans son grand atelier (1851), révélant ainsi le peintre au travail dans son lieu d’élection.
Portrait de George Sand ( 19 Septembre 2010)
C’est pourtant le rez-de-chaussée qui a surtout retenu mon attention par les nombreux souvenirs évoquant « la bonne dame de Nohant ». On peut en effet y admirer cent-soixante-dix œuvres, en provenance de Nohant, propriété reçue par George Sand de sa grand-mère, Aurore Dupin de Francueil, fille naturelle du Maréchal de Saxe, le vainqueur de Fontenoy, lui-même fils naturel d'Auguste II de Saxe, et futur roi de Pologne.
De nombreux portraits ou médaillons évoquent l’entourage de l’écrivain : ses enfants, Maurice et Solange, sa grand-mère paternelle (Marie-Aurore de Saxe en Diane chasseresse) et le receveur des finances Louis-Claude Dupin de Francueil, le sculpteur Louis Clésinger, époux de sa fille Solange, le graveur Luigi Calamatta, père de sa belle-fille, les amants de cœur, Chopin (un émouvant moulage en plâtre de la main du musicien par Auguste Clésinger), Alexandre Manceau, son dernier compagnon, et Delacroix. Dans « Le Salon George Sand », on retiendra notamment le très beau pastel, par Maurice Quentin de Latour, du Maréchal Maurice de Saxe. Le glorieux aïeul est encore représenté en miniature par l’orfèvre Jean Massé, sur le couvercle d’une tabatière.
Pastel du Maréchal de Saxe, Maurice Quentin de Latour, vers 1748
(19 septembre 2010)
Le salon des souvenirs baigne dans une lumière mordorée de fin d’après-midi : l’on imagine la silhouette de George Sand, ses mains tournant et retournant à son doigt le beau rubis offert par la Dauphine, mère de Louis XVI, à sa petite-nièce Marie-Aurore. On la devine s’appuyant sur le marbre de la commode tombeau en marqueterie ; on la voit rêver devant un dessin (La mare au Diable au bois de Chanteloup), réalisé par son fils Maurice, l’unique élève de Delacroix.
Portrait de Maurice au chapeau, Thomas Couture (19 septembre 2010)
Enfin, « Le Petit Salon bleu » invite à découvrir une autre facette de l’écrivain : la peinture. Au crépuscule de sa vie, elle pratiqua en effet l’art de la « dendrite », technique d’ « aquarelle à l’écrasage ». La couleur est déposée au pinceau sur le papier et pressée encore mouillée avec une feuille de bristol pour obtenir une tache aléatoire. George Sand aimait ce procédé, porte ouverte à l’imagination.
Merci à ce charmant musée qui donne l’occasion de parcourir à nouveau l’itinéraire d’une femme qui réclama pour ses soeurs l’indépendance affective et créatrice et qui écrivait : « La guerre sera longue et rude ; mais je ne suis ni le premier, ni le seul, ni le dernier champion d’une si belle cause, et je la défendrai tant qu’il me restera un souffle de vie. » (Préface à Indiana, 1842).
Statuette représentant George Sand assise avec un livre (19 septembre 2010)
Sur la tombe de George Sand
Quel calme sous l’asile entre-croisé des branches !
Septembre s’est penché vers la tombe, sa sœur,
Et livre tristement à sa grave douceur
Le sourire attardé de quatre roses blanches…
Les arbres dont l’écorce était chère à ses doigts,
L’herbe dont en rêvant elle aimait la caresse,
Le vieil étang, mirant sa limpide caresse,
Ce soir auront frémi du souffle d’autrefois !
Car ta campagne, ô mère, a gardé ta pensée
Et te berce en l’amour où tu l’avais bercée,
Le Berry de jadis fidèle est demeuré ;
Et lorsque le soleil s’est couché tout à l’heure,
Devant ton souvenir, comme un enfant qui pleure,
L’automne défaillant longuement a pleuré.
Gabriel Nigond (1877- ?)
Novembre, 1903
Portraits de George Sand et de Pauline Viardot (Maurice Sand)
(19 septembre 2010)
Sources :
Aide à la visite, Guide du Musée de la Vie romantique, Mairie de Paris.
Lundi 27 septembre 2010