Pointe aux Piments, Lundi 01 mars 2010.
1
Aimes-tu les jours d'or dénués de mystère,
Les rayons alourdis desséchant les rameaux,
Et sous un morne ciel que jamais rien n'altère
La campagne immobile en sa robe d'émaux ?
Mariage indien, Jeudi 04 mars 2010.
Viens, la sombre varangue embaume et fera taire
Dans mon coeur anxieux la voix des anciens maux,
Viens, ta bouche est la source où je me désaltère
Et tes seins sont pour moi comme deux fruits gémeaux.
Filao, Pointe aux Piments,
Dimanche 07 mars 2010.
Aimes-tu mieux la nuit ? Sous les filaos grêles,
Où l'ombre a fait tarir le chant des tourterelles,
Des rayons filtreraient sur nous comme des pleurs.
Décoration florale, Vendredi 05 mars 2010.
J'aime à t'entendre dire une vieille berceuse,
Et l'heure coulerait comme une eau paresseuse
Au parfum des prochains gérofliers en fleurs.
2
Fleur dans le jardin de la Maison Eurêka,
Jeudi 04 mars 2010.
De l'impassible ciel, toujours, toujours pareil,
Les brises, comme les oiseaux, sont envolées ;
Et d'inutiles fleurs, d'aucune aile frôlées,
Dorment dans l'air pesant leur lumineux sommeil.
Le bassin des lotus dans le jardin de Pamplemousses,
Mercredi 03 mars 2010.
Il faut avoir connu tes splendeurs désolées,
O monotone ciel, ô voûte de vermeil,
Et le spleen que déverse un éternel soleil,
Pour savoir tout le prix qu'ont les terres voilées.
Vue des hauteurs de Chamarel,
Samedi 06 mars 2010.
Là-bas où les coteaux ont des formes de seins
Et se couvrent au soir de robes transparentes,
Des cygnes noirs et blancs nagent dans les bassins.
Les sept terres de Chamarel,
Samedi 06 mars 2010.
Un ciel pâle s'y mire, et les vapeurs errantes,
Et les peupliers longs que septembre a rouillés ;
La nuit prochaine endort l'odeur des foins mouillés.
3
En vain brillent les eaux, pour qu'il s'y désaltère,
Moloch féroce boit les larmes des forêts.
L'île chaude sous lui fume comme un cratère,
Les oiseaux se sont tus dans les arbres retraits.
Hauts de Chamarel, cascade,
Samedi 06 mars 2010.
Mais loin du ciel grisâtre et de la morne terre
Les murs gardent encor des repaires discrets
Où le sommeil pour l'homme évoque avec mystère
L'essaim silencieux des rêves aux doigts frais.
Danseuse indienne,
Jeudi 04 mars 2010.
Et déjà vient le soir parmi les aromates.
Arrachant sa chair brune à la fraîcheur des nattes,
Dans son voile éclatant, comme une longue fleur.
Danseuse indienne,
Jeudi 04 mars 2010.
Djalia s'est dressée et fait tinter ses bagues,
Tandis que les rayons du soleil qui se meurt
Allument une flamme à ses prunelles vagues.
Paul-Jean Toulet,
Vers inédits, III, Sonnets exotiques,
Ile Maurice, 1888.
Dimanche 14 mars 2010.