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Un blog pour lire, pour écrire, pour découvrir et s'étonner. "La Vie a plus de talent que nous" disait Nabokov.

Contrerimer à l'île Maurice avec Paul-Jean Toulet.

  Paul-Jean-Toulet-2.jpg


Paul-Jean Toulet (1867-1920) est un poète méconnu que l’édition de ses Œuvres  complètes chez Robert Laffont, en juin 2009, va, on l’espère, contribuer à sortir de l’oubli. Son nom demeure essentiellement attaché à ses Contrerimes, recueil publié en 1921, peu après sa mort, et qui comporte aussi des Chansons (dont la célèbre « Dans Arles, où sont les Aliscams »), des Dixains et des Coples (pièces courtes de deux à quatre vers).

« En feuilletant les pages de ce livre de poèmes qui, dès sa publication, valut à Toulet une gloire entre toutes authentique, on s’aperçoit que les « contrerimes » proprement dites sont au nombre de soixante-dix. Il faut entendre par « contrerimes » des quatrains aux vers alternés de huit et six [syllabes], mais dont les rimes s’embrassent. » (Ph. C.)

Pierre-Olivier Walzer définit ainsi  ce procédé prosodique, au jeu de rimes assez rare :  « La contrerime est cette pièce formée le plus souvent de trois quatrains, construits d’après le schéma : 8-6-8-6 rimant a b b a, de sorte que le grand vers rime avec le petit, ce qui donne à la strophe un élan et une rapidité impossible à atteindre dans une strophe aux vers égaux. »
Michel Décaudin précise que c’est « un système d’une science exquise, avec ses deux octosyllabes et ses deux hexasyllabes alternés, rimant « à contre-longueur » [selon l’expression même de Paul-Jean Toulet] : en vingt-huit syllabes se superposent deux schémas légèrement décalés l’un par rapport à l’autre, l’ordre des vers étant a b a b et celui des rimes a b b a ; il en résulte une allégresse de la démarche qu’accentuent encore la brièveté des pièces, l’usage du rejet et celui de l’ellipse. »  Le trait marquant de la poésie de Toulet est ainsi sa concision, aucune pièce du recueil ne dépassant trente-six vers.

« Système d’une parfaite précision qui se fonde sur un principe d’indétermination, lui-même soigneusement contrôlé », ce rythme subtil fut employé notamment par Leconte de Lisle pour conférer aux poèmes une touche d’exotisme. Cette forme rigoureuse marque par ailleurs un retour à un certain classicisme, dans le souci de se préserver des élans passionnés du cœur, en masquant avec pudeur sa souffrance. »  L’hexasyllabe, fréquemment introduit par un relatif ou une préposition, vient comme l’écho étouffé d’une sensation ou d’un souvenir.

Les premières « contrerimes » de Paul-Jean Toulet paraissent en 1910 et lui valent alors d’être reconnu dès 1913 comme le chef de file des poètes dits « fantaisistes », tels Tristan Derême, Jean-Marc Bernard ou Francis Carco.

 

 

P1010166.JPG

Coucher de soleil sur la pointe aux Piments,
Dimanche 07 mars 2010.

Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver

Comme une rouge nue

Où déjà te dessinait nue

L’arôme de ta chair ;

 

Ni vous, dont l’image ancienne

Captive encor mon cœur,

Ile voilée, ombres en fleurs,

Nuit océanienne ;

 

Non plus ton parfum, violier*

Sous la main qui t’arrose,

Ne valent la brûlante rose

Que midi fait plier.

 

 

*Nom vulgaire des giroflées.

 

II

 

  ile-maurice-007.JPG

A la nuit tombante, Pointe aux Piments,
Lundi 1er mars 2010.
 

O mer, toi que je sens frémir

A travers la nuit creuse,

Comme le sein d’une amoureuse

Qui ne peut pas dormir ;

 

Le vent lourd frappe la falaise…

Quoi ! si le chant moqueur

D’une sirène est dans mon cœur-

O cœur, divin malaise.

 

Quoi, plus de larmes, ni d’avoir

Personne qui vous plaigne…

Tout bas, comme un flanc qui saigne,

Il s’est mis à pleuvoir.

 

IX


P1000495.JPGCasuarinas ou filaos, Pointe aux Piments,
Mardi 02 mars 2010.
 

Molle rive dont le dessin

Est d’un bras qui se plie,

Colline de brume embellie

Comme se voile un sein,

 

Filaos* au chantant ramage-

Que je meure et, demain,

Vous ne serez plus, si ma main

N’a fixé votre image.

 

*Synonyme de casuarina, arbre qui pousse

sur les côtes de l’île Maurice.

 

XLV

 

P1010161.JPGCoucher de soleil, Pointe aux Piments,
Dimanche 07 mars 2010.

Douce plage où naquit mon âme ;

Et toi, savane en fleurs

Que l’Océan trempe de pleurs

Et le soleil de flamme ;

 

Douce aux ramiers, douce aux amants,

Toi de qui la ramure

Nous charmait d’ombre, et de murmure,

Et de roucoulements ;

 

Où j’écoute frémir encore

Un aveu tendre et fier-

Tandis qu’au loin riait la mer

Sur le corail sonore.

 

XLVI




Samedi 13 mars 2010. 

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