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27 juin 2017 2 27 /06 /juin /2017 17:46

Tourterelle et huppe dans le jardin de Rou (Photo ex-libris.over-blog.com, juin 2017)

On était en juin, veille de la Saint-Jean,
Trois huppes fasciées déambulaient hautaines,
La crête empanachée et l’allure égyptienne,
Aux abords de l’été, striées de noir et blanc.

Fières de leur plumage du plus bel orangé
Elles s’enorgueillissaient et tenaient conférence,
Tout à leur entre-soi et leur indifférence,
Portant beau leur lignée, pétries de vanité.

Vint une tourterelle exilée de Turquie,
Marchant sereinement dans ce conciliabule,
Le trio s’en offusque et crie sans préambule 
A l’oiseau émigré de retourner au nid.

« Nous étions au tombeau des anciens pharaons,
Hiéroglyphe fameux de la piété filiale,
Nous portons sur la tête une marque royale
Et fîmes rencontrer Saba et Salomon.

 Vous êtes sans vergogne d’envahir céans
Nos jardins, nos vergers, nos cours et nos villes ;
Nous ne supportons plus votre chant qui distille
Le triple hou-hou-hou d’un être se plaignant. »

« Orgueil et vanité sont échasses de sot, »
Répondit calmement la tendre tourterelle,
« Salomon me chantait pour célébrer sa belle
Et, ne vous en déplaise, mon chant n’est pas sanglot.

Je suis l’oiseau sans tache, en holocauste à Dieu
Que les Hébreux offraient en lieu de sacrifice ;
Je ne céderai point à votre vain caprice,
Point ne me résoudrai à déserter vos cieux.

Je vous dirai enfin un grand désagrément
Qu’il me faut révéler pour crier l’artifice :
Tout est dans le paraître et puis dans le factice,
Votre nid est bien sale et pue assurément. »

Moralité

Oyons le vieux Corneille qui dit dans Le Menteur :
« Les visages souvent sont de doux imposteurs.
Que de défauts d’esprit se couvrent de leur grâce.
Et que de beaux semblants cachent des âmes basses ! »

Fable librement inspirée par la présence de trois huppes et d’une tourterelle 
dans le jardin de Rou.

  

La Conférence des oiseaux (Farid Al-Din, 1177), peinte par Habiballah of Sava

On aperçoit la huppe au-dessus du perroquet vert au milieu à droite

 

 

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commentaires

A
Une fable, voilà qui est bien atypique ! Je suis sous le charme de l'ancien et des huppes !
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C
Charme désuet de la fable mais vérité éternelle de la morale. Un rappel des "récitations" de l'enfance ?
M
Bonjour Catheau,<br /> <br /> Un couple de huppe vient s'installer pas loin du jardin chaque année. j'aime les écouter et admirer leur beau plumage.<br /> <br /> Ce que j'ai aimé cette lecture. bravo Catheau et merci<br /> ;)
Répondre
C
C'est en effet un très bel oiseau, qui se fait rare. Me consacrant à la parution d'un quatrième recueil de poèmes (dont le titre sera Vert jardin), j'ai délaissé mon blog cet été. A bientôt sur le vôtre.
A
Splendide, et très vivant, on les saisit dans leur dialogue !
Répondre
C
Merci, Alice ! Quel bel oiseau (rare) que la huppe !
N
Quelle belle fable, où la "dégaine" hautaine de la huppe est croquée sur le vif, où les oiseaux sont nos miroirs. A méditer.
Répondre
C
Trois huppes dans le jardin, point trop sauvages, que nous avons pu observer à loisir ! Mais nous n'avons pas entendu leur hup-hup-hup !
S
Quelle saveur votre fable! Il me semble reconnaître cette querelle chaque matin. Grâce à vous, je viens de démasquer l'oiseau solo au chant si insistant qu'il réveille les hommes et les arbres, qu'il couvre tous les autres choeurs. Alors, c'était donc la huppe...
Répondre
C
Chez vous aussi, Suzâme, la Conférence quotidienne des oiseaux ! La huppe est un oiseau extraordinaire que j'ai un peu maltraité ici !

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