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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 17:57

ormesson

 

Jeudi 09 septembre 2010, François Busnel entamait la troisième saison de La Grande Librairie. A cette occasion, il recevait Amélie Nothomb (Une forme de vie), Bernard Quiriny (Les Assoiffés), Antonia Kerr (Des fleurs pour Zoé) et Jean d’Ormesson (C’est une chose étrange à la fin que le monde).

Je voudrais m’arrêter ici sur ce qu’a dit cet écrivain, que l’on a toujours plaisir à écouter, tant il parle simplement dans ses œuvres et de ses œuvres. D’emblée, il affirme à François Busnel qu’un homme est ce qu’il a lu : et de citer Homère, Molière, Chateaubriand. Ses premières lectures lui ont par ailleurs appris la transgression et il se souvient avec émotion du meilleur des Pieds Nickelés. Il évoque encore Mon amie Nane de Paul-Jean Toulet et L’usage du monde de Nicolas Bouvier, le modèle des livres de voyages selon lui. Persuadé que partir, c’est merveilleux, et que partir, c’est mieux qu’arriver, il avoue s’être longtemps promené dans le monde en se demandant ce qu’il faisait là.

Et il n’y a jamais eu qu’un seul roman, dit-il, celui de l’univers, et un seul romancier : Dieu. En proie à la stupeur d’exister, il s’est toujours interrogé sur les origines et la fin du monde. Et son dernier livre est pour lui l’occasion de réconcilier culture littéraire et culture scientifique et de montrer qu’elles marchent de concert. Homère et Platon vont de pair avec Euclide et Pythagore ; Proust et Joyce n’existent pas sans Einstein et Bohr. On ne peut dire si c’est l’art ou la science qui explique mieux le monde, si le monde est dirigé par le Nombres ou par la Poésie, mais il est certain qu’il est composé de ces différents courants. Conscients que nous allons inéluctablement vers notre mort, il nous faut nous interroger.

Pour Jean d’Ormesson, qui réussit à traverser la vie avec la gaieté qu’on lui connaît, il serait « assommant » d’être immortel : « Ce serait une catastrophe ! » Le Juif errant n’aspire qu’à mourir et, d’ailleurs, ne meurent que ceux qui ont bien vécu !

Avec la mort, le sexe est une des clés de l’énigme du système. Le plus important, ce sont en effet les relations entre les homme et les femmes, celles que nous entretenons les uns avec les autres. Certes, l’Académie, Le Figaro, l’UNESCO, tout cela a compté pour l’écrivain, mais, à son âge, il dit se sentir délivré et il parle de tout avec plus de liberté.

Pour lui, le Vieux, ainsi que Einstein nommait Dieu en parlant avec Niels Bohr, ne joue pas aux dés. S’il lui paraît impossible de démontrer les preuves de l’existence de Dieu  (l’argument d’Anselme, le pari de Pascal, l’argument ontologique ne convainquent que ceux qui y croient déjà), il est aussi certain, selon lui, qu’on ne peut prouver son inexistence. Stephen Hawking, le grand astrophysicien que d’Ormesson admire, affirme que Dieu n’est pas nécessaire et que les lois de la gravitation suffisent à expliquer le monde. Mais ces lois, d’où viennent-elles ?

Alors Jean d’Ormesson espère que Dieu existe. Lui qui a toujours été considéré comme un écrivain du bonheur, lui qui aime « formidablement » cette vie, sait pourtant que ce monde est sinistre, que les amours finissent mal, qu’il n’y a ni Justice ni Vérité ; mais il affirme haut et fort qu’il faut se raccrocher à quelque chose et espérer qu’après la mort,  « un endroit existe ».

Avec cet ouvrage, il déclare ne pas avoir cherché « une bonne histoire ». Il s’est efforcé d’y expliquer un monde "formidablement romanesque" de la manière la plus simple qui soit, afin que tout le monde puisse comprendre.

Et l’on ne s’étonnera pas qu’il ait choisi comme titre de son livre un vers d’Aragon, poète qu’il aurait aimé avoir comme pair à l’Académie française, et qui sut comme lui pratiquer la vertu d’admiration et dire la beauté de l’univers.

 

C’est une chose étrange à la fin que le monde

Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit

Ces moments de bonheur ces midis d’incendie

La nuit immense et noire aux déchirures blondes

 

Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit

D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même

Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime

Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix  

[...] 

C’est une chose au fond que je ne puis comprendre

Cette peur de mourir que les gens ont en eux

Comme si ce n’était pas assez merveilleux

Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

[...] 

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle

Qu'à qui voudra m’entendre à qui je parle ici

N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

 

Louis Aragon

Les Yeux et la Mémoire, 1954,

Chant II, Que la vie en vaut la peine

 

  aragon man ray

Aragon par Man Ray 

 

Mercredi 29 septembre 2010

 

 

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commentaires

C
voir mon blog(fermaton.over-blog.com)No.7- THÉORÈME 2 VOIES
Répondre
N
<br /> Bonjour Catheau. J'aime aussi l'humour de Jean d'Ormesson.<br /> Je pense pour ma part que c'est aussi très beau de n'imaginer nul dieu: le mystère reste entier, et toutes ses interrogations.<br /> Bonne journée.<br /> <br /> <br />
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