Portrait de Frédéric Beigbeder
par Madame Ratel (1974)
En refermant Un roman français, plus autobiographie que roman du reste, j’ai pensé au poème d’Apollinaire, intitulé « A la Santé » :
Avant d’entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu’es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d’en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
Ô mes années ô jeunes filles
Certes, loin de moi l’idée de comparer Beigbeder à l’incomparable poète « à la tête étoilée », d’autant plus que les pages de son livre consacrées à son emprisonnement ne sont pas les meilleures, il s’en faut de beaucoup.
Cependant, il y a dans cet ouvrage, imaginé à la faveur d’une garde à vue, un ton auquel le bo-bo des beaux-quartiers n’avait guère habitué son public.
Dans ce roman des origines, sorte de passage obligé pour les écrivains, il fait la part belle à ses grands-parents paternels et maternels avec de beaux portraits nostalgiques et sensibles. Il dit la fracture originelle familiale dont il ne s’est pas remis et l’admiration inconditionnelle, mais pétrie de sentiments mêlés, pour son frère. Alors que l’entrepreneur va recevoir la Légion d’Honneur, l’écrivain ne croupit-il pas en cellule pour une provocation d’adolescent favorisé?
Prisonnier dans l'escalier du Palais de Justice
Dessin de H. de Hem, 1868
(Paris en Images)
A son tour, il pose la question : « Frédéric, qu’es-tu devenu ? » Et après de nombreux allers et retours dans un passé d’ « enfant gavé », devenu un « homme en ballottage », il sait seulement que son nez ne saigne plus. Désormais, l’important pour lui semble être de philosopher avec sa fille et de lui apprendre à faire des ricochets sur la plage de Guéthary.
Alors, Frédéric Beigbeder, un nouveau Lazare ? On le souhaite.
Samedi 24 avril 2010