J’aime rire mais je ne vais guère aux spectacles des humoristes : être contraint de rire pendant une heure trente m’a toujours semblé fastidieux. Pourtant, mardi 06 mars 2012, j’ai assisté au Théâtre Beaurepaire à Saumur au dernier spectacle de François-Xavier Demaison, Demaison s’évade, et j’avoue que j’y ai ri de bon cœur.
Dans ce one-man show, qui fait suite au premier, Demaison s’envole, l’ancien spécialiste en fiscalité internationale, propose une galerie de personnages déjantés. Vêtu simplement d’une chemise et d’un pantalon noirs, il joue sans aucun accessoire, ce qui lui fait dire en souriant que son spectacle est « le moins cher de Paris ».
En une heure et quart, l’humoriste se métamorphosera en une quinzaine de personnages délirants. Il emploie un ton Marie-Chantal pour Isabelle la femme d’un couple de bobos parisiens qui a ouvert une maison d’hôtes dans un riad à Marrakech et dont « le spa est alimenté par une source naturelle captée avant d’arriver au village ». Il nous donne à entendre la puissance de sa voix en incarnant le gynécologue italien de sa femme qui pratique l’accouchement « bel canto ». Il imite à s’y méprendre la marche avec un déambulateur d’un grand-père qui a découvert le haschich à Koufra dans la division Leclerc et aime une Irlandaise obèse, « tellement grosse qu’elle a même des vergetures sur ses vêtements ». Il transforme d’une manière inénarrable son visage en celui de Bitou le petit castor, qui sera victime d’Arthur Hache, le serial killer québécois. Qu’il incarne un conseiller en adultère qui confie les 10 règles élémentaires pour tromper impunément sa femme ou un sommelier ivre de vins fins, qu’il danse sur des airs arabisants ou boxe un grand noir, sa vitalité et son énergie débordantes font merveille.
En dépit de quelques baisses de régimes et de passages où la vulgarité n’est pas toujours absente (le personnage du masseur-voyant ne m’a guère convaincue, n'en déplaise aux amateurs de "duches" !), on ne peut nier que le comédien, qui incarna Coluche et fut nominé aux César pour ce travail d’acteur, n’est pas économe d’énergie et d’enthousiasme. On aimera aussi sa relation avec le public et sa manière très personnelle de le faire participer au spectacle.
Ce rythme endiablé, cet art du dialogue qui font mouche sont pour Françouis-Xavier Demaison une manière de se raconter à travers des personnages complètements fous mais aussi parfois « désespérés et désespérants », ainsi qu’il de dit dans une interview à Nikos Aliaghas. N’est-il pas horrible cet homme cynique qui fête trois fois Noël avec sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer ? Pour celui qui n’était pas fait pour le milieu des affaires, faire rire est un moyen « de lutter contre la violence qui nous entoure en la transformant en humour ». On le voit notamment avec son personnage de grand patron qui triche même lorsqu’il joue au golf. Il en va de même pour Diane, l’avocate d’affaires, célibataire à 47 ans, insupportable avec ses collaborateurs.
Alors si, comme le déclare François-Xavier Demaison, l’humour qui « transforme et poétise parfois le réel » est vraiment « une respiration », ce mardi soir-là, j’ai vraiment pris une bonne bouffée d’oxygène.
Sources :
Europe 1, le 19 septembre 2011, Interview de Demaison par Nikos Aliaghas.
L’Express Culture, le 23/11/11, Interview de Demaison par Bérénice Mottelay