"Le geai gélatineux geignait dans le jasmin", de René de Obaldia.
Le 7 mars 2014, sur Ex-libris

Un geai des chênes dans le jardin de Kergavat

(Photo ex-libris.over-blog.com, mardi 4 mars 2014)

 

Au début de la semaine, dans notre jardin breton, un geai bleu est venu picorer dans la terre auprès d’un thuya abattu par la tempête. Tout en l’admirant, je me suis plu à murmurer ce vers de René de Obaldia, que l’on utilise dans les exercices d’articulation : « Le geai gélatineux geignait dans le jasmin ». Il est le début d’un poème extrait de Innocentines (1969) et intitulé « Le plus beau vers de la langue française ».

Ce texte parodique, aux vers très variés, met en scène une leçon dans une salle de classe. On y voit un professeur faire admirer à ses élèves la beauté d’un vers soi-disant magnifique. Son accent, la comparaison ridicule avec un autre vers tout aussi absurde (« Le geai volumineux picorait des pois fins »), le ridicule des métaphores (le poète devient "l'oiseau sorti de son nid" !), le rappel discret d’un vers de « Booz endormi » de Hugo (« C’était l’heure tranquille où les lions vont boire »), l’allusion à une hypothétique « petite amie anglaise », la cuistrerie de l’évocation du gallo-romain, la stupidité du motif de la punition, tous ces éléments concourent au comique du texte. Moquerie légère contre une certaine conception de l'inspiration et du génie, satire d'un enseignement formaliste, ce « poème pour enfants et quelques adultes"  (Sous-titre du recueil) souligne cependant la dimension sonore de la poésie et son aspect ludique.

 

 

 « Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

Voici, mes zinfints

Sans en avoir l'air

Le plus beau vers

De la langue française.

Ai, eu, ai, in

Le geai gélatineux geignait dans le jasmin...

Le poite aurait pu dire

Tout à son aise :

« Le geai volumineux picorait des pois fins »

Eh bien ! non, mes infints

Le poite qui a du génie

Jusque dans son délire

D'une main moite

A écrit :

 

« C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin,

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

 

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.

Là, le geai est agi

Par le génie du poite

Du poite qui s'identifie

À l'oiseau sorti de son nid

Sorti de sa ouate.

Quel galop !

Quel train dans le soupir !

Quel élan souterrain!

Quand vous serez grinds

Mes zinfints

Et que vous aurez une petite amie anglaise

Vous pourrez murmurer

À son oreille dénaturée

Ce vers, le plus beau de la langue française

Et qui vient tout droit du gallo-romain:

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »

Admirez comme

Voyelles et consonnes sont étroitement liées

Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.

Admirez aussi, mes zinfints,

Ces gé à vif,

Ces gé sans fin

Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :

Le geai géla…

« Blaise ! Trois heures de retenue.

Motif : Tape le rythme avec son soulier froid

Sur la tête nue de son voisin.

Me copierez cent fois :

"Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »

 

Un geai bleu dans le jardin de Kergavat

(Photo ex-libris.over-blog.com, mardi 4 mars 2014)

 

Lien vers un de mes poèmes, "La jarre au jardin",  écrit sur une allitération en [j] : link

Lien vers un de mes billets sur Obaldia : link

 

 

 

 

 

 

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