Mirandoline (Maryse Lefevbre), le marquis de Forlipopoli ( Philippe Calmon), Déjanire (Nayeli Forest)
Hortense (Céline Caussimon, le comte d'Albafiorita (Philippe Escudié)
Mardi 16 octobre, après Les Rustres, la compagnie des Déménageurs Associés était de nouveau sur scène au théâtre Beaurepaire à Saumur avec La Locanderia (1751) de Carlo Goldoni, une de ses 150 pièces en italien et en vénitien. Constituée de trois actes et créée le 26 décembre 1752, elle fut l’une des premières pièces du théâtre italien jouée sans masque. La troupe des huit comédiens à l’entrain endiablé a emmené les spectateurs dans l’auberge de Mirandoline, un avatar d’une de ces Italiennes à la langue bien pendue, dont le dramaturge fit souvent le portrait. Il paraît qu’il écrivit le rôle à l’intention d’une comédienne, La Marliani, surtout pour en contrarier une autre, l’épouse de Medebach, chef de la troupe du Sant’Angelo de Venise, avec qui il ne s’entendait plus.
Voici comment Goldoni présente sa pièce dans ses Mémoires : « Mirandolina (Maryse Lefebvre) tient un hôtel à Florence, et par ses grâces et son esprit gagne, même sans le vouloir, le cœur de tous ceux qui logent chez elle. Trois étrangers séjournent dans cet hôtel, et deux, le comte d’Albafiorita (Philippe Escudié) et le marquis de Forlipopoli (Philippe Calmon) sont amoureux de la belle hôtesse. Le troisième, le chevalier de Ripafratta (Franck Douaglin), qui refuse tout attachement féminin, la traite grossièrement et se moque de ses soupirants. C’est précisément contre cet homme fruste et sauvage que Mirandolina dresse ses batteries ; elle ne l’aime point mais, piquée au vif, veut, par amour-propre et pour l’honneur de son sexe, le soumettre, l’humilier et le punir. »
Le personnage de Mirandoline est la figure centrale autour de laquelle gravitent les personnages masculins qu’elle mène à sa guise. Stendhal ne disait-il pas de Goldoni que ses personnages « tournent et vivent » ? Pour créer cette atmosphère, le metteur en scène Jean-Louis Crinon a imaginé un décor tout en mouvement, constitué de portes mouvantes et colorées, aux dimensions différentes. Selon les scènes, elles se déplacent, dessinant ainsi les différents espaces de l’auberge. Tables et chaises, disposées sur des roulettes, contribuent encore à faire de cet espace instable le reflet des désirs des personnages. De plus, c’est toute l’Italie qui chante sous les yeux du spectateur, grâce aux couleurs de l’ocre, de l’orange, du jaune et du rouge du décor et des costumes des personnages. L’odorat est aussi sollicité puisque les comédiens font la cuisine « en live » sur un grand comptoir de cuisine d’où s’élèvent des arômes appétissants.
Fabrice (Bruno Dubois), le chevalier de Ripafratta (Franck Douaglin),
le comte d'Albafiorita (Philippe Escudié),
C’est Olga Popp qui a dessiné les costumes aux couleurs vives, aux formes fantaisistes. Ils contribuent à donner à chaque personnage, outrageusement maquillé et affublé de postiches, son originalité et son individualité. Le marquis de Forlipopoli, au pantalon mal boutonné, est juché sur de hauts talons qui lui donnent une démarche maniérée et ridicule. Le comte d’Albafiorita est accablé par une bedaine qui lui tombe sur les jambes et lui dénie toute dignité. On retiendra les costumes déjantés de Déjanire (Nayeli Forest) et de Hortense (Céline Caussimon ), les deux comédiennes qui s’essaient à jouer les dames de la haute, tandis que le chevalier de Ripaffrata succombe aux charmes de Mirandoline dans un uniforme et des bottes un brin fatigués. Enfin, un Fabrice (Bruno Dubois) et un Tonino casquetté (Matthias Guallarano), les valets, amoureux eux aussi de leur patronne, composent des silhouettes comiques à souhait.
Usant de tous les procédés de la commedia dell’arte, pratiquant savamment nombre d’instruments de musique, les comédiens, à la fois bateleurs et clowns, entraînent le public dans une folle sarabande. On n’oubliera pas cependant qu’avec Mirandoline, Goldoni propose un personnage de femme qui tient tête aux hommes et cherche à assurer son indépendance financière. La pièce mérite donc bien son titre et son sous-titre, trop souvent passé sous silence, de La Locanderia ou La Femme adroite.
Mirandoline (Maryse Lefevbre), Hortense (Céline Caussimon),
le marquis de Forlipopoli), Déjanire (Nayeli Forest)
Sources :
Dossier de La Locanderia
Programme de La Locanderia (Direction des Affaires culturelles)