Le Carnet d’architecture de Myriam Nion, paru en septembre 2008 et consacré à Saumur, révèle une ville plus sombre et plus mystérieuse que la blancheur tendre du tuffeau ne le laisserait entrevoir. Ses dessins à l’encre de Chine, d’une précision extrême, font songer aux eaux-fortes de Charles Meryon (1821-1868). Et l’on pourrait dire à son propos ce que Victor Hugo disait à Baudelaire en évoquant ce graveur et aquafortiste, que sa mauvaise vision obligea à se limiter à des œuvres monochromes : « […] ses eaux-fortes, avec seulement ombres et éclairages, lumière et obscurité, m’ont ébloui. »
Le dessin ci-dessus, qui représente la maison dite du père Grandet, est représentative de cette mélancolie, que souligne Balzac dans l’incipit d’Eugénie Grandet : « Ces principes de mélancolie existent dans la physionomie d’un logis situé à Saumur, au bout de la rue montueuse qui mène au château, par le haut de la ville. »
L’on connaît bien cette méthode d’écriture balzacienne qui consiste à s'attarder d'abord sur les lieux pour expliciter la psychologie des personnages. Décrire les lieux, l’habitat, le mobilier, c’est déjà parler des hommes puisque leur cadre de vie est « la représentation matérielle qu’ils donnent de leur pensée ».
Pénélope angevine, Eugénie construit sa destinée sur une attente vaine (« J’attendrai Charles. ») et le romanesque de cette jeune fille dédaignée, c’est bien la « mélancolie » qui le crée : « Le premier, le seul amour d’Eugénie était, pour elle, un principe de mélancolie. »
Les trois fenêtres fermées et les volets entrouverts du dessin de Myriam Nion commentent mieux que n'importe quelle critique le tragique enfermement d’une jeune fille prisonnière d’un père et d’une maison.
Vendredi 09 soctobre 2009