Allégorie des cinq sens, Herman Aldevereld
Dimanche 20 octobre 2013, j’ai participé à Chênehutte-les-Tuffeaux à un atelier d’écriture intitulé Sentir-Ressentir et organisé par la poétesse Albane Gellé et une praticienne en haptonomie, Ghislaine Henry-Mourant. J’ignorais tout de cette discipline fondée dans les années soixante par Frans Veldman. Sa pratique permet d’entrer en contact (tactile) pour faciliter la guérison et la compréhension. Elle met en jeu les mécanismes affectifs qui régissent les relations interpersonnelles. Cette approche, qui guide, accompagne et soutient, est surtout pratiquée dans le cadre néo-natal ou dans l’accompagnement des personnes âgées. En ce qui nous concerne, il s'est agi simplement de partir en quête des vibrations intimes suggérées par nos sens.
La journée s’est donc passée en un constant va-et-vient entre temps de lecture de poètes contemporains, exercices d’écriture avec consignes, choix de mots, exercices très simples à l’écoute de la sensation immédiate et moment de réflexion et de prise de notes dans le jardin. A la fin, une heure a été consacrée à l’écriture d’un texte avec réutilisation de tout le matériau accumulé pendant la journée. Voici le texte que j’ai écrit :
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Diseuses, les larmes au bord de mes paupières.
Quoi ?
Dans ce labyrinthe de mots et de feuilles
Qui tombent comme neige,
Peut-être…
Sur mon front le chuchotis du vent
Et sous mes pieds le roulis des pommes de pin.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Dans mon oreille en coquillage
La voix du voisin comme venue d’une boîte,
Le cri noir d’un corbeau,
Un craquement soudain comme des noix qu’on casse,
Un ronron de voiture, une mouche qui passe.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Dans mes yeux étonnés
Le déchirement d’un carré bleu hors des nuages,
Le salik aurea tortuosa et ses feuilles en virgule,
L’orange des kakis, lanternes asiatiques,
Les têtes rondes du sureau, une harmonie parfaite.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Le chiffon déchiré qui frissonne sur le fil à linge,
Et le ti-ti des troglodytes,
Mon ombre dessinée au soleil surgissant,
Sept petites fleurs obstinément vivantes.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Dans ma narine en fièvre
L’odeur des mousses douces,
La saveur amertume de trois gros champignons,
Le parfum désuet de la rose esseulée.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Pour mon dos harassé
La chaise au bois usé où je voudrais m’asseoir,
La lanterne oubliée aux branches d’un vieil arbre.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Pour ma bouche assoiffée
Les perles de la pluie sur l’herbe pourrissante,
Le frémissement vert d’une eau ensommeillée.
Tiens ! Peut-être… Pourquoi pas ?
Ecrire en ce jardin.