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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 17:30

 

 Fenetre-4.JPG

 

Dimanche 17 mars, pour clore le Printemps des Poètes, La Maison des Littératures à Saumur, proposait une balade poétique. Bravant les giboulées de mars, une vingtaine d’amateurs de poésie ont été accueillis dans la cour de la Maison du Roi par le président de l’association, Claude Guichet, et par Valérie Reyre-Coquériaux.

Une brève présentation de la Maison du Roi, par un jeune guide de la Ville, nous a d’abord fait rêver sur les monarques qui séjournèrent dans ce logis seigneurial (XV°, XVI°, XIX° siècles). Il reçut en effet Charles VII, Henri IV, Marie de Médicis, Louis XIII et Anne d’Autriche. Ensuite, nous avons marché dans les pas des trois écrivains invités par l’association : Yves Leclair, Fabrice Caravaca et Liza Kerivel.

Après avoir tourné à droite dans la rue du Temple, nous avons pénétré dans la cour intérieure de l’hôtel, dit Cappel, mais ce professeur d’hébreu de l’Académie protestante n’y résida sans doute jamais. Il convient d’appeler cet élégant hôtel particulier Chesnon de Sourdé (XVI°-XVIII° siècles).

Yves Leclair public

Nous avons fait cercle autour de l’écrivain et poète saumurois, Yves Leclair, dont nombre d’œuvres ont été éditées au prestigieux Mercure de France. Avec l’humour dont il est coutumier, Yves, bien au chaud dans sa grosse écharpe de laine tricotée gris parme, avait choisi de lire des extraits de son recueil Prendre l’air, au titre de circonstance. Ce sont des  « feuillets de route » que le poète égrène au cours de ses balades, des instant fugitifs qu’il a l’art de métamorphoser en brèves méditations pleines de sagesse. Ainsi en est-il de cette « Petite philocalie » :
Tu entends cet air de guitare,
ce soir d’octobre où tout est noir.
Tu ne l’entendras pas toujours.
Retiens l’heure, qu’elle te soit lente !
Le bon temps, tu sais a des fuites.
Cette voix d’enfant qui résonne
claire à l’étage, écoute-la
bien, imprègne-toi de son timbre
lumineux. La nuit tombe vite
sur les yeux. Un jour il te faudra,
coûte que coûte, regagner
le grand trou noir. Aime longtemps
la vie si près du ciel, ce soir.     


Ecoutant J. jouer de la guitare

Et A. chantonner à l’étage, Bagneux,

6 octobre 1998

 Yves Leclair

Les mots d’autres poèmes se sont envolés dans l’air froid : nous avons entraperçu le « vieux nocher » de « Barque funèbre » ; nous avons écouté l’appel à « danser dans le vent sur la route », « Sur un vers de W. B. Yeats »… Puis, Yves Leclair a ouvert Le journal d’Ithaque, quatre-vingt-dix-neuf dizains qui nous promènent de Chaintres à la Crète en passant par l’Alsace ou l’Italie. Il nous a distillé quelques-un de ces dizains dont il a le secret. Parmi eux, « Tour opérateur », qui ouvre le recueil en ironisant sur les voyages organisés ; « Le chien perdu de la rime » qui dit le secours sans faille de la rime pour le poète quand « Chaire du poète » joue habilement du vocabulaire religieux. Ceux qui furent- ou qui sont- les élèves d’Yves Leclair connaissent son art de jouer avec les mots simples ou savants. Et c’est ce subtil dosage entre extrême simplicité et grande érudition qui est un des charmes- et non des moindres- de l’écriture d’Yves Leclair, celui qui sait si bien découvrir « l’or du commun » dans le quotidien le plus banal.

Fabrice Caravaca 3

Par les rues endormies, dans cet après-midi froid de mars, nous nous sommes ensuite dirigés vers la chapelle Saint-Jean, un lieu assez méconnu des Saumurois eux-mêmes. Chef-d’œuvre du gothique angevin, aux voûtes particulièrement remarquables, elle appartint aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cette chapelle est un lieu de recueillement propice à l’écoute des mots de Fabrice Caravaca, jeune écrivain de Limoges, et créateur de la maison d’édition Dernier Télégramme, qui nous a lu plusieurs extraits de ses textes. Sous les fines et élégantes nervures des voûtains, sa longue silhouette d’adolescent nous a donné à entendre notamment des extraits  de sa première œuvre publiée, La Vie, aux éditions des Fondeurs de Briques. « Cinquante-quatre fragments, qui dialoguent et forment un chant », composent ainsi une successions de pensées, de situations, de réflexions qui peuvent être celles de tout un chacun, à un moment ou à un autre de sa vie. La particularité de ce texte est d’être rédigé à la première personne du pluriel, ce qui lui donne une ampleur inaccoutumée. On est d’abord surpris par ce « nous conquérant », assez étonnant chez un si jeune écrivain, mais bientôt cet emportement nous saisit et nous entraîne loin, vers des territoires emplis d’espoir, de fraternité et de sérénité. J'ai beaucoup aimé le passage où Caravaca évoque comme en une litanie les poètes de son panthéon personnel :

" Ossuaire : Cendrars autour du monde. Ossuaire : le sang rouge de Federico garcia Lorca. Ossuaire : Georg Trakl et sa soeur. Ossuaire : Emily Dickinson seule et seule. Ossuaire : Fedor Dostoïevski et le coeur de l'homme. Ossuaire : Lautréamont et le coeur de l'océan. Ossuaire : Allen Ginsberg..."

Dédiée à trois poètes que Fabrice Caravaca affectionne, ce long poème lyrique, à la tonalité unanimiste et aux accents sacrés, a trouvé une résonance particulière dans ce beau lieu.

« Nous commençons. Nous recommençons. Nous ne nous 

arrêtons plus. Nous sommes ivres déjà de beauté. Nous 

avançons. Nous n'avons plus le choix. Il y a de grands 

arbres. Et des histoires tout en haut. Il y a aussi du vert et 

de la couleur et aussi de la lumière un peu plus loin.

Nous en voulons encore. Nous en voulons toujours. 

Nous sommes vivants. »

 fabrice-Caravaca.JPG

La dernière étape de cette balade poétique nous a conduits dans la salle Duplessis-Mornay de l’Hôtel de Ville de Saumur (XVI°-XVII°-XIX° siècles). Liza Kerivel, qui habite à Saint-Nazaire et publie depuis 2009, a lu des extraits de ses deux  romans. Ceux-ci racontent des histoires de femmes. Métamorphoses de la fuite et des saisons (2012) évoque la disparition de l’une d’entre elles sur le parking d’un super marché. L’auteur nous a lu d’abord un passage où le mari, demeuré seul, ne sait comment consoler ses enfants. Puis, de sa voix douce et claire, elle a dit des extraits de son premier roman, Inventaire des silences, paru en 2010. Il s’agit du long monologue d’une femme qui a quitté sa famille et qui tente de l’expliquer à ses enfants.  Mais d’expliquer quoi, au juste ? Les silences du quotidien, le poids de la routine, la vie qui s’enfuit, l’incompréhension qui ronge, la solitude en famille… Ici encore, on ne peut qu’admirer, chez un jeune écrivain, cette plongée extralucide dans l’intimité d’une femme, d’une épouse, d’une mère. Dire pour tenter de rompre ce silence mortifère qui fut le sien pendant plus de vingt ans  : « Le silence est là qui m’a toujours accompagnée. Si épais qu’avec lui, j’aurais pu me tricoter une écharpe et la serrer autour de mon cou. Si fort, en disant tout bas : il suffirait de presque rien. »

Liza K

C’est sur ce moment intense que s’est achevée cette balade poétique. Liza Kerivel, tout en remerciant les membres de La Maison des Littératures de l’avoir accueillie avec la chaleur de l'amitié, a évoqué Albane Gellé, première Présidente de l’association, en soulignant que c’est elle qui avait eu l’idée de cette promenade en poésie. Une initiative que tous souhaitent bien sûr voir se renouveler, par un temps qui serait plus printanier.

 


Bibliographie d'Yves Leclair: link 

Dernières parutions :  

Chansons pour un amour lointain, Jaufre Rudel, Préface et adaptation d'Yves Leclair, Mai 2011, Fédérop

Guy Goffette, Sans légende, Yves Leclair, Octobre 2012, Editions Luce Wilquin

Fabrice Caravaca : link

Liza Kerivel :link

 

Crédit photos : ex-libris.over-blog.com

 

 

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commentaires

V
Vous êtes donc bien revenue chez vous, dans votre maison, "la maison de la littérature". Une grande, belle et vieille maison où les siècles frileux se nichent.<br /> A bientôt Catheau<br /> PS : je crois que c'est Madame de Sévigné qui écrivit " le froid me chasse ... ". A contrario, vous revenez le pourfendre à coup de poésie. Merci ;-)
Répondre
C
<br /> <br /> Merci, Valdy, pour vos commentaires, toujours inspirés !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je n'ai pu me rendre à cette balade poétique, dommage...<br /> Mais grâce à ce blog j'ai pu découvrir les auteurs et visiter d'autres sites. Merci. Clodine
Répondre
C
<br /> <br /> Merci, Clodine, de votre passage, qui m'a fait découvrir votre blog et vos multiples activités. Il se passe beaucoup de choses en Anjou ! Amicalement.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Bonjour,<br /> Quel plaisir d'être matinale et fatiguée, de revigorer à votre page de promenade et de partage dans le cadre du Printemps des Poètes. Je ne connaissais pas le poète Yves Leclair qui me tente<br /> beaucoup.<br /> Notre soirée s'est délicieusement passée en présence de trois auteurs primés sur six dont Claudie Lecoeur, premier prix de poésie classique dont les vers vous toucheraient.<br /> Bon dimanche ! Suzâme
Répondre
C
<br /> <br /> J'ai partagé avec Yves Leclair quelques années d'enseignement de Lettres en lycée. C'est un vrai poète d'une extrême modestie, qui sait extraire "l'or du commun" (titre de l'un de ses recueils).<br /> Je vous en recommande la lecture. Je vous souhaite des Pâques reposantes et sereines. Amicalement.<br /> <br /> <br /> <br />
N
Décidément, le printemps vous va bien !...<br /> <br /> Cordialement.
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C
<br /> <br /> Merci à vous de ce gentil commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />
C
En vous lisant, je trouve qu'il se passe décidément beaucoup de choses à Saumur.
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C
<br /> <br /> C'est bien mon avis bien que certains pensent que c'est une belle endormie !<br /> <br /> <br /> <br />
C
Belle balade! Merci
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C
<br /> <br /> Heureuse qu'elle vous ait plu ! Merci de l'avoir partagée.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Une belle promenade historique et poétique. Les lieux magnifiques pour écouter ces lectures des auteurs passionnés par leur art. Merci pour ce compte rendu très juste des ressentis.
Répondre
C
<br /> <br /> C'était sympa de partager ensemble ces instants. <br /> <br /> <br /> <br />
F
cela devait être passionnant
Répondre
C
<br /> <br /> Passionnant mais frisquet !<br /> <br /> <br /> <br />

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