Ancien cimetière de Marson (Octobre 2010)
En ce début de novembre où l’on se recueille dans les cimetières, j’aime à écouter la voix musicale de Marie Dauguet. Dans ce poème « Sotto voce », elle dédramatise la mort, à bas bruit, à demi-voix, à demi-jeu :
Il est doux de mourir un peu
Aux berges des forêts mouillées,
Et parmi les feuilles rouillées
Où s’égoutte du brouillard bleu ;
Il est doux de mourir un peu.
Il est doux de n’être plus rien
Que la brume qui s’échevèle,
Moins que le frôlis sourd d’une aile,
Aux velours pourprés des fusains ;
Il est doux de n’être plus rien.
Il est doux de mourir un peu
Avec les eaux qui se corrompent,
Avec les lointains qui s’estompent,
Avec les buis, les houx fangeux ;
Il est doux de mourir un peu.
Il est doux de n’être plus rien,
Moins que le frisson d’une rose,
Dont le vent d’hiver décompose
La chair de nacre et de carmin.
Il est doux de n’être plus rien.
A travers le Voile
Née le 2 avril 1860 à La Chaudeau, en Haute-Saône, Marie Dauguet reçut une éducation très libre « à la Rousseau », en pleine nature. Vers 1875, elle partit vivre au Beuchot, au cœur des ballons vosgiens, où elle épousa un ami d’enfance.
Musicienne passionnée de Chopin, composant et peignant, elle se mit à écrire des poèmes en 1899, loin de toute école et de toute doctrine. « L’art fut vraiment pour moi la libération », écrit-elle le 15 février 1904.
Cette suite de quatre quatrains est exemplaire de ce que disait d’elle un critique : « Musicienne, elle écoute parler le vent, les eaux, les arbres ; tous les bruits de la nature lui sont connus, et chacun d’eux éveille en son âme un écho harmonique. »
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots
Jeudi 04 novembre 2010