La nef à vaisseau unique de Saint-Nicolas-et-Saint-Marc de Ville d'Avray
Le samedi 29 juin 2013, à l'occasion du baptême de notre petite-fille Gabrielle, nous avons découvert l'église paroissiale de Ville d'Avray, Saint-Nicolas-et-Saint-Marc. On ne se doute pas que derrière cette architecture extérieure néo-classique très sobre dans sa blancheur, au-delà de son porche encadré de lignes de refends et surmonté d'un fronton Louis XVI, sous son clocher carré peu élevé, se cachent des oeuvres d'art exécutées par des artistes amoureux de cet endroit des Hauts-de-Seine.
On notera que c'est, avec Courbevoie, une des rares églises édifiée (ou plutôt ici réédifiée) pendant la Révolution. Elle porte d'ailleurs dans son nom la trace de son histoire. Elle a en effet succédé à l'église Saint-Nicolas (XII°-XIV° siècles), située au coeur de l'ancien village de Ville d'Avray, sur la colline dite du Monastère. Devant son délabrement, c'est le baron Marc-Antoine Thierry, seigneur de Ville d'Avray, intendant général du Garde-Meuble de la Couronne, qui décida de construire une nouvelle église en 1788, avec l'aide du Roi. Pour ce faire, il s'entoura de l'entrepreneur des Bâtiments du Roi, Jacques Marquet, et de l'architecte royal Charles-François Darnaudin, créateur de l'hôpital civil de Versailles. En hommage à Marc-Antoine Thierry, la nouvelle église prit ainsi le second vocable de Saint-Marc.
La première pierre en fut posée le 11 juillet 1789. Par la suite, le curé de l'époque, l'abbé Dugarry, ayant refusé de prêter serment à la Constitution Civile du clergé, il se vit remplacé par un prêtre assermenté. Elle sera ainsi consacrée en 1791 par un prêtre constitutionnel. La même année, les vases sacrés de la paroisse sont vendus ; en 1793, elle devient temple de la Raison. Elle ne sera rendu au culte catholique qu'en 1795, dans un état très dégradé. En 1803, après restauration, on installe dans le clocher les cloches de l'église de Marnes-la-Coquette, détruite quant à elle en 1793. Saint-Nicolas-et-Saint-Marc fera l'objet d'une autre réfection par Poirot en 1830. D'autres travaux entre 1971 et 1993 lui redonneront son lustre et sa beauté.
Le père Klasen devant La Descente de Croix
Quand on entre dans cette église en forme de croix latine et à vaisseau unique, on est surpris par l'équilibre et l'harmonie qui s'en dégagent. La voûte est ornementée de caissons sculptés que l'on retrouve aussi sur la coupole aplatie au-dessus de la croisée du transept. Le regard est attiré par un retable XIX° de belle facture, de Félix Cassel, représentant La Descente de Croix. Cette toile fut offerte à l'église par le gouvernement de Louis-Philippe. Le transept peu saillant est occupé par deux chapelles latérales tandis que le choeur hémi-circulaire est surmonté d'une voûte en cul-de four ornée d'une fresque aux couleurs vives, dédiée à saint Nicolas. L'ensemble séduit par l'homogénéité des sculptures et la symétrie des vitraux, celles-ci contribuant à créer une beauté classique, toute faite de sérénité et d'équilibre.
Le Baptême du Christ, François Rude
Mais ce qui retient surtout l'attention, ce sont les oeuvres des artistes qui séjournèrent et aimèrent Ville d'Avray. On remarque ainsi plusieurs sculptures du sculpteur Jean-Jacques Pradier, dit James Pradier (1792-1852) qu'appréciait particulièrement Louis-Philippe. L'artiste, ayant acheté une maison à Ville d'Avray en 1830, offrit à l'église certaines de ses réalisations. Ainsi, en 1840, il lui fait don de trois modèles en plâtre. Le Mariage de la Vierge, dont l'original est dans l'église de La Madeleine, est situé à droite de l'entrée du choeur en abside; La Vierge en prière, dont le marbre est dans la cathédrale d'Avignon, est placée à droite de l'entrée du transept ; la statue de saint Louis (1849), enfin, qui orne la place Saint-Louis à Aigues-Mortes, se trouve près de l'entrée sur la droite.
Saint Louis, James Pradier
François Rude (1774-1855) offre quant à lui le grand plâtre du Baptême du Christ (Musée du Louvre), réalisé entre 1835 et 1841, dont on remarque la puissance. Il est situé à gauche de l'entrée du choeur. L'original est aussi à l'église de La Madeleine.
D'autres sculptures encore, très XIX°, je dirais, sans rien pourtant de trop saint-sulpicien : de Francisque-Joseph Duret, un serein et majestueux Christ ressuscité ; d'Antonin-Marie Moine, un Ange tenant un encensoir (côté nord de la nef) et un Ange portant un calice (première moitié du XIX°) ; L'Enfant et son Ange gardien d'un artiste inconnu.
Le Mariage de la Vierge, James Pradier
Enfin, on sait que le peintre Corot (1796-1875) avait fait de Ville d'Avray sa petite terre d'élection : il y peignit en effet plus de deux cents toiles ! En 1856, Pour les transepts de l'église, il réalisa quatre fresques à l'huile, directement sur le mur des croisillons nord (Adam et Eve chassés du Paradis et Marie-Madeleine au désert) et sud (Le Baptême du Christ et le Christ au jardin des Oliviers).
Adam et Eve chassés du Paradis, Corot
Sur le mur sud de la nef, on remarque aussi Saint Jérôme au désert. Cette toile a pour décor un paysage de rochers et de végétation représentatif de son style, dans une gamme restreinte de couleurs. Au premier plan, le saint ermite est en extase, agenouillé sur un pierre plate, où l'on voit une Bible et un crucifix. Derrière lui repose le lion, typique de son iconographie. Le corps du saint présente un aspect livide et violacé. Corot racontait qu'il n'avait pas les moyens de chauffer son atelier et que son modèle était mort quinze jours après avoir posé !
Saint Jérôme au désert, Corot
Saint-Nicolas-et-Saint-Marc recèle encore d'autres toiles, de Jules Richomme (1818-1903) notamment. A gauche, au-dessus de la porte de l'escalier de la tribune, on remarque L'Entrée du Christ à Jérusalem. A droite, surmontant la chapelle des fonts baptismaux, une toile représente Le Christ portant sa croix. Le Repos de La Sainte Famille pendant la fuite en Egypte prend place dans le transept droit, au-dessus de la porte. Enfin, la toile de Saint Nicolas apparaissant à des marins battus par la tempête est située dans le transept gauche au-dessus de l'autel.
Le Christ en croix
Parmi les autres toiles de Auguste Hesse (Le Christ insulté par ses bourreaux, deuxième quart du XIX°), de Romain Cazes (Le Christ au désert adoré par des anges, milieu XIX°), j'ai beaucoup aimé un Christ en croix du XVIII°, en trompe-l'oeil, et surtout une charmante Vierge à l'Enfant du XVI°.
Vierge à l'Enfant
J'aimerais ajouter que c'est le père Klasen qui a célébré le baptême de Gabrielle et d'une autre petite fille du nom de Noémie, d'origine libanaise. Avant de pénétrer dans l'église, au moment de l'accueil, le célébrant nous a expliqué avec clarté le sens du mot "station" dans la liturgie et il a insisté sur la nécessité d' "une Eglise debout".
Le Couronnement de la Vierge (Vitrail offert par la famille Fournier)
Dans la douce lumière de cette église, créée par de superbes vitraux, offerts par la famille Fournier en 1886 (Le Couronnement de la Vierge (croisillon nord) et La Sainte Famille (croisillon sud), notre petite-fille, sous le signe de l'Eau et du Saint-Chrême, a reçu le baptême. Celle qui est née dans la lointaine Australie, dont les grands-pères maternel et paternel viennent de l'au-delà de la Méditerranée, est entrée dans la vaste communauté des chrétiens, en compagnie d'une autre enfant, dont les racines sont au Pays des Cèdres. Un beau symbole de l'universalité de l'Eglise que cette rencontre baptismale à Saint-Nicolas-et-Saint-Marc, dans une église aimée et embellie par des artistes.
Sources :
Crédit photos : ex-libris.over-blog.com