Deux jeunes filles, Mai Trung Thu, 1942, couleurs sur soie
Métro Villiers en haut des marches de la rue de Courcelles
Le temps est doux mais gris
J'attends Suzâme
Qui vient
Tout en bleu avec ses lunettes de poète
Tout près une brasserie avec des chaises orange et noir
Une petite table
On fait connaissance ou reconnaissance
Dehors la pluie tombe dru
Ensuite on va parmi les flaques
Sous les grilles noir et or du parc Monceau
Et devant la statue d'Edouard Pailleron
Celui des CES en flammes
Veillé pour l'éternité par une demoiselle à tresse
Rue Vélasquez on entre au musée Cernuschi
L'homme qui aimait la Cité interdite
Et nous voilà déambulant "Du Fleuve Rouge au Mékong"
Catalogue de l'exposition "Du Fleuve Rouge au Mékong, Visions du Viêt-nam", Editions Findakly
Cochinchine Tonkin Annam Indochine
Un Orient rêvé
Avec ses flamboyants rougeoyants
Ses petits pagodons dans les arbres
Ses femmes à la Gauguin
Ses lettrés silencieux
Ses barques lentes sur la baie d'Ha Long
Ses grands panneaux de bois
Laqués au Rhus succedanea
Coquille d'oeuf noir or argent
Tout un art ancestral
Qui dit les poissons rouges et les blanches aigrettes
Les belles endormies et les vivants marchés
Harmonie raffinement
De la cérémonie du thé
Beauté et langueur
Ovales blancs sereins sous les lourds cheveux noirs
Arrangement floral et cueillette des simples
Aux gestes délicats
Couleurs douces sur soie
Jamais la violence
Ils l'auront oubliée
Et pour chacune
L'image de quelqu'un
L'image de quelqu'une
Dans l'Annam disparu
Puis sous le grand bodhisattva noir
De Yungang
Parmi les Shang les Zhou les Han et les Song
On va rêvant
Aux fringants palefreniers et chevaux en partance
Aux mingki hiératiques tout au seuil de la mort
Au son des musiciens célestes
Suzanne Suzâme
Derrière ce prénom
Désormais un visage
En oriental voyage
Paris, musée Cernuschi, jeudi 11 octobre 2012