Le dragon à deux têtes du programme de l'exposition, par Nicolas Jolivot
(Photo ex-libris. over-blog.com, 21 septembre 2013)
Samedi 21 septembre 2013, le soleil était de nouveau de la partie et je suis allée avec une amie à Doué-la-Fontaine, voir la dernière édition d’Une Semaine enchantée. Sur le thème du Fantastique Bestiaire, elle présente en une semaine, dans trois lieux différents, onze peintres, illustrateurs ou sculpteurs résidant en Saumurois. L’occasion d’y retrouver les habitués Olivier Supiot, Myriam Nion, Max le Baleur, Sophie Puls ou Nicolas Jolivot ; l’opportunité de découvrir d’autres univers, ceux d’Olivier Martin, de Catrine Sanson, de Daniel Collette, de Hervé Girardin ou Guy Ducornet.
Nous nous sommes d’abord rendues dans la roseraie Foulon. Dans ce jardin où poussent plus de 400 variétés de rosiers-buissons, grimpants, à tige, c’est le coucou de Sophie Puls qui nous a accueillies. L’artiste aime Cuisiner les mythes en extérieur pour les nuls.
Les coucous de Sophie Puls
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Nous sommes ensuite allées dans les écuries du baron Foulon, un superbe bâtiment du XVIIIe siècle en pierre de grison qui abrite le petit musée des Anciens Commerces. Là, à l’étage nous avons d’abord retrouvé avec plaisir Myriam Nion et sa série de dessins à l’encre de Chine, inspirés par son petit jardin en friche, et intitulée Dans mon jardin il y a….
La chorale des grandes bouches, Myriam Nion
(Photo ex-libris.over-blog.com), samedi 21 septembre 2013)
C’est toujours la même admiration devant la manière dont l’artiste traite le motif dans des œuvres de format carré, dont chacune lui demande environ une trentaine d’heures. Myriam Nion a observé le peuple de l’herbe, escargots, demoiselles libellules (très nombreuses cette année), abeilles butineuses, sauterelles sauteuses, lents carabes, papillons élégants, fourmis ouvrières et oiseaux bavards. Quelle patience pour dessiner d’abord au crayon les centaines de petites lentilles d’eau où sautent ses grenouilles, pour tracer les ombres des tiges de prêles qui rappellent le corps segmenté de la sauterelle, pour dessiner l’ombre des herbes ! On imagine la patience de cette artiste travaillant le soir à la lumière électrique pour réaliser ces dessins d’une précision de naturaliste. Ceux-ci disent son regard attentif et tendre sur une nature proche que l’on oublie trop souvent de regarder. Et comme toujours, pour accompagner l’exposition, un très joli petit livre noué d’un ruban noir qui reprend les œuvres accrochées au mur et qui nous dit que point n’est besoin de se transporter loin pour découvrir « un fantastique bestiaire ».
Les papillons de Myriam Nion dans les écuries Foulon
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Sur le mur du fond de la grande salle du premier étage, ce sont les Animachromismes de Olivier Supiot qui voisinent avec les petites bêtes de Myriam Nion. Les Saumurois connaissent ce dessinateur révélé à Angoulême en 1997 et primé encore dans cette même ville en 2003 pour son album Le Dérisoire. L’artiste se présente comme quelqu’un qui « dessine, scénarise, colorise, gribouille, peinturlure, bref […] s’amuse un peu ! » Il définit ainsi avec humour l’ « animachromisme » : « Pathologie légère provoquant chez le sujet une déformation liée à la perception des couleurs lors de l’observation d’animaux sauvages ou domestiques…. » Jouant donc avec les mots tout autant qu’avec la vivacité de la couleur, il propose ici une série d’animaux qui prennent les expressions au pied de la lettre. Ainsi, on sourit devant Le canard à l'orange, ou Le Pigeon aux petits pois.
Canard à l'orange et Pigeon aux petits pois, Olivier Supiot
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Enfin, le dessinateur de BD Olivier Martin aligne sur le mur blanc son bestiaire, en forme de question : Fantastique bestiaire ? Il a souhaité proposé une série de « portraits de têtes d’animaux existants mais peu médiatisés voire inédits, [en] mettant en avant leurs aspects incongrus, singuliers, étranges et donc fantastiques. »
Singe, Olivier Martin
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembres 2013)
Travaillant au brou de noix qu’il éclaircit peu à peu en fonction des ombres du dessin et à l’acrylique blanche, il présente en gros plan des animaux qui deviennent fabuleux, pour peu qu’on les observe et qu’on s’intéresse à eux. Mais, attention, Olivier Martin met en garde le visiteur : « Ce sont peut-être des membres éloignés de votre propre famille. Allez savoir ! »
Tête de taureau, Catrine Sanson
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Après avoir fait un tour dans la roseraie où poussent des roses plus séduisantes les unes que les autres (le rêve que d’avoir une rose à son nom !), nous avons fait une halte dans le petit pavillon de l’entrée du jardin, à l’élégante architecture. Catrine Sanson y expose Bêtes de scène !, animaux réalisés dans le carton recyclé des boîtes d’œufs. Elle travaille à l’eau cette matière qu’elle modèle à son gré. En séchant, celle-ci prend l’apparence de la pierre. Chats, petites souris en tutu, acrobates sur des chevaux, constituent un bestiaire délicat. J’ai aimé une belle tête de taureau peinte en bleu qui m’a fait penser à la Crète.
Une toile d'Hervé Girardin
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Nos pas nous ont ensuite dirigées vers la salle des arts de la Bibliothèque de Doué-la-Fontaine. Nous y avons découvert les toiles de Hervé Girardin qui déclinent une infinité de formes proches les unes des autres, à mi-chemin entre l’animal et le végétal. Un monde étrange, aux sinuosités surprenantes, qui s’anime sous le règne de la métamorphose. Une série d’œuvres, qui illustrent la phrase de Yves Ellouët : « J’ai été sous une multitude de formes ».
Dans le pavillon de contemplation des poissons rouges, Nicolas Jolivot
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Nicolas Jolivot, quant à lui, l’artiste plasticien voyageur, dont beaucoup connaissent les merveilleux carnets de voyage, a adopté une attitude zen avec Juillet 2013, dans le pavillon de contemplation des poissons rouges. Il a pris le temps de « regarder et [de] dessiner les poissons rouges [nageant] entre les nénuphars nains du Thouet et les pousses de prêles des [ses] bassins ». Il a ainsi réalisé de légers dessins très colorés, d’inspiration japonisante, qu'il a accompagnés de commentaires. L’actualité ne lui rappelle-t-elle pas au quotidien « qu’on vit tous dans un immense bassin de poissons rouges… » ? De lui aussi, une série de trois dessins, intitulée Libellules et lotus. C’est lui encore qui a réalisé le dragon à deux têtes gris et noir qui se déploie sur le carton pop-up du programme de l’exposition.
Libellules et lotus, Nicolas Jolivot
(Photo ex-libris.over-blog.com)
Mais ce qui a surtout retenu notre attention, c’est l’impressionnante collection personnelle de Guy Ducornet, consacrée à ce thème du bestiaire fantastique. Connu par ses écrits sur le Surréalisme, ce poète plasticien a longtemps vécu aux Etats-Unis où il a pratiqué le dessin, la peinture et la céramique tout en enseignant la littérature française. De 1962 à 1991, il a participé avec Rikki Ducornet à l’aventure surréaliste américaine et aux expositions internationales du mouvement PHASES d’Edouard Jaguer après 1970. Désormais, il se partage entre son atelier du Puy-Notre-Dame et Paris.
Gravida n°5, Suzel Ania
(Photo ex-libris.over-blog.com)
On y découvre donc de nombreuses œuvres aux techniques variées, eaux-fortes, collages, lithographies, dessins originaux à la plume ou au crayon, sérigraphie… De Max Ernst à Philippe Honoré en passant par Wifredo Lam, Max Bucaille ou Jorge Camacho, ces œuvres oniriques et fantastiques démontrent avec brio que le surréalisme n’est pas mort. En témoigne notamment un collage de Suzel Ania, un membre de PHASES, Gravida n°5, de 1994. Le thème de « celle qui avance » fut souvent illustré par les surréalistes qui en avaient fait un thème de prédilection.
Rencontre au soleil, 2000, Artur do Cruzeiro Seixas
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
La Main-sardine (1996)de Philippe West m’a fait sourire et j’ai aimé la représentation d’un totem, Gravure sur pierre signée, 1974, par l’artiste Inuit Art Thompson. Quant à la Rencontre au soleil (2000), un dessin gouaché de Artur do Cruzeiro Seixas, elle m’a donné l'occasion de rêver sur ses créatures hybrides.
Gravure sur pierre signée, Art Thomson
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Au milieu de cette très belle collection, quelques toiles personnelles de Guy Ducornet, des illustrations réalisées pour un livre pour enfants en anglais et des boîtes-vitrines.
Jardin n°2 (à gauche), Guy Ducornet
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Au sortir de cette exposition, nous avons vu pour terminer les Abysses de Anne Levillain, tout un monde aquatique de méduses et de poissons, accroché au-dessus du bassin de la place des Fontaines.
Abysses, Anne Levillain, place des Fontaines
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)
Enfin, cette petite balade à Doué-la Fontaine m’a aussi permis de découvrir les ruines de la collégiale Saint-Denis, dont j’ignorais l’existence ! De style gothique Plantagenêt, elle possédait à l’origine une seule grande nef de trois travées, éclairée par six fenêtres, d’un chœur éclairé par cinq fenêtres, d’un transept et d’un clocher carré avec trois fenêtres. Désormais, l’herbe y pousse mais elle impressionne toujours par sa majesté.
D’un fantastique bestiaire aux ruines élancées de la collégiale, ce fut vraiment un après-midi enchanteur !
Les ruines de la collégiale Saint-Denis
(Photo ex-libris.over-blog.com, samedi 21 septembre 2013)