Samedi 1er février 2014, les Saumurois retrouvaient (link) le comédien Pierre Richard, seul en scène dans son spectacle intitulé Pierre Richard III, mis en scène par Christophe Duthuron. Il s’agit de son troisième one man show après Détournement de mémoires (2003) et Franchise postale (2006), vu aussi à Saumur en 2011. Le titre s’explique ainsi parce que c’est le troisième volet d’une trilogie autobiographique racontant les souvenirs du comédien. Quant au personnage de Richard III, le boiteux monstrueux, il est bien sûr emblématique du théâtre, de ses folies et de ses excès.
Le spectacle débute avec l’évocation d’une rencontre entre Pierre Richard et un spectateur qui s’étonne de le voir changé depuis la veille au soir où il l’a vu à la télévision dans Le Grand Blond avec une chaussure noire ou Le distrait : « Eh bien, alors, ça alors, vous avez pris un sacré coup de vieux depuis hier soir, qu’est-ce qui s’est passé ? – Qu’est-ce qui s’est passé ? Quarante ans, abruti ! » Ponctué d’extraits de films, le comédien vif-argent va ainsi égrener ses souvenirs de pierrot lunaire. Il évoluera sur scène entre une série de projecteurs à cour et un bon vieux fauteuil-club avec un poste de radio d’antan à jardin. Vêtu sobrement d’un pantalon et d’un gilet sombre sur une chemise blanche, le comédien à la barbe blanche, à la silhouette toujours alerte, se souvient de ses rencontres, de ses tournages et philosophe sur le temps qui passe.
Il évoque avec mélancolie et humour ceux qui furent ses compagnons de route. Il y a d’abord Yves Robert, ce Bébert qui « concevait la création comme une récréation » et qui lui disait : « T’es pas un acteur, t’es un personnage ! » Ne lui fit-il pas le cadeau de l’inoubliable Grand Blond avec une chaussure noire ? Il rappelle avec exaltation sa première rencontre de plateau avec Mireille Darc, lorsque celle-ci lui tourne le dos dans sa sublime robe noire qui vient mourir jusqu’au bas de la taille. Il nous parle avec émotion de la meilleure comédienne du monde, cette figurante du film Alexandre le Bienheureux, une certaine Augustine, qui n’avait qu’une seule réplique à dire et qui sut trouver le ton juste, dès la première prise. Il reconnaît que Francis Veber, c’était bien « une main de fer dans un gant de crin » ! Il se souvient avec tendresse de Jean Carmet, le copain parti trop tôt, celui qui osait tout : « On rêve toujours de changer le monde ; lui, il le faisait ! » Devant les scènes vidéos du Fugitif, dans lesquelles Gérard Depardieu plein d’énergie ne le ménage guère, il reconnaît que « tourner avec Gérard, ça aussi c’est un sport de l’extrême ! » Commentant une scène particulièrement violente, il ajoute : « Dix-sept prises, on a fait ! Et après, on s’étonne que j’ai des absences ! » A l’occasion d’un tournage mémorable avec Gérard Oury, il se remémore les mésaventures subies avec constance par le metteur en scène, mille fois plus maladroit que lui - et ce n’est pas peu dire - qui ne se départait jamais de son optimisme foncier. Enfin, il recrée pour nous une représentation pluvieuse et calamiteuse de Richard III avec une Reine, Valentine Tessier, affublée d’un appareil auditif, un Polonius joué par un acteur suffisant et sûr de lui, et un âne improbable.
Seul en scène, pendant une heure vingt, Pierre Richard a ainsi revécu pour nous les personnages gaffeurs et rêveurs de tous ces films burlesques, qui font désormais partie de notre imaginaire cinématographique. A mi-chemin entre Tati et Chaplin, toujours bondissant et armé de son inaltérable bonne humeur, en équilibre entre passé et avenir, le clown timide nous a surtout fait comprendre qu’en dépit du temps qui passe, « on peut toujours rêver » !