Samedi 13 octobre 2012, j'étais avec ma fille, avocate de son état, au Petit Palais des Glaces, rue du Faubourg du Temple. Dans son spectacle intitulé Caroline Vigneaux quitte la robe (un titre et une affiche incitatifs pour la gent masculine !), l'humoriste, qui fut avocate pendant sept ans, nous y a raconté son parcours, de l'avocature à la scène. C'est avec distance, truculence et dérision qu'elle évoque les souvenirs des péripéties d'un choix atypique. "C'est un peu ma vie que je raconte", dit-elle en souriant.
Ce seront d'abord ses démêlés avec les clients pour lesquels, toute jeune avocate, elle fut commise d'office, le portrait au vitriol d'une boss tyrannique, une satire sans concession de ce monde de la basoche qu'elle quittera au grand désespoir de ses parents, catholiques vosgiens bon teint. "Ma mère a bien réagi... Elle a réanimé mon père." Le show se poursuivra avec le souvenir de son passage éclair à Pôle Emploi au contact d'une employée incapable, l'évocation de sa relation amoureuse tragi-comique avec son Roméo vert écologique et les perspectives publicitaires au service d'un club de rugbymen que lui offre sa nouvelle existence...
Vêtue d'une courte robe-ballon noire sur des bas à résilles, chaussée de fins escarpins, la blonde comédienne au visage mobile et expressif, au jeu décoiffant et déjanté, a prouvé à son public qu'elle avait eu bien raison de jeter aux orties son froc noir et son rabat blanc.
En effet, qu'elle prenne l'accent d'un petit caïd de banlieue, qu'elle rape sur le néant de sa vie sexuelle, qu'elle interpelle sa tête de turc masculine du premier rang, son petit Cui-Cui, elle fait mouche à tout coup et l'on rit sans vergogne. Au souvenir de son kilt long et de son serre-tête en velours, c'est toute son adolescence de jeune fille sage et bien rangée qui ressurgit, quand elle chantait dans une chorale pour un public de sourds-muets ou qu'elle dansait solitaire en boîte de nuit, une bouteille d'eau minérale à la main.
Le sexe et l'écologie ne sont pas en reste. A propos des femmes qui simulent le plaisir, la comédienne instaure un dialogue savoureux avec son public qui se retrouve bien malgré lui pris à son propre piège. On n'oubliera pas non plus le potacon (potager sur le balcon) et Roméo, l'amoureux écologiste, écrasé par la chute de son éolienne !
Avec son regard vert inquisiteur, ses mimiques improbables, son naturel confondant, la brillante ex-avocate a sans doute eu raison de choisir d'exercer désormais sa faconde non plus dans les prétoires mais sur les planches. Et tant il est vrai que nul n'est censé ignorer le rire, celle qui fut Maître Caroline Vigneaux nous le rappelle haut et fort,et avec quel brio !