Noyer noyé (Photo ex-libris.com)
Ce matin, en entrouvrant les yeux, je cherche le noyer qui s’encadrait fidèle dans ma haute fenêtre et qui fut abattu. Je l’avais chanté il y a plus d’un an, le 24 mars 2010. (in Poèmes page 27, "Elégie pour un noyer"). Je me resouviens de lui aujourd’hui.
Sous la robe orbée des paupières bombées de la nuit
Dans l’eau lente du regard et le scaphandre des souvenirs
Flotte l’ombre matinale d’un autrefois déjà lointain
Le grand noyer noyé par un après-midi froid de mars
Dans la stridence démente des scies méchantes
Dans le bourdonnement énervé des dures tronçonneuses
Dans la pâle ignorance de ceux qui ne savent plus
Que ses cheveux de racines caressaient le cœur de la terre
Se métamorphosaient mystérieusement en indolents lombrics
Faisaient fortes et noires les fourmis zélées et opiniâtres
Aspiraient l’obscure senteur de l’humus âcre et puissant
Le grand noyer noyé qui ignorait qu’il deviendrait sabots endurants
Qui avait résisté au feu au froid à la folie et à la foudre
Qui m’offrait ses chatons en chenilles sur son écorce grise
Qui pleuvait de bonnes bogues vives et vertes au soleil de septembre
Qui me récompensait d’un en-cas de cerneaux irritants sous la langue
Qui me promettait le râpeux vin de noix après la messe du dimanche
Et le gâteau crissant des colliers de noix beiges fracassées sous le fer
Et l’huile forte et douce des salades plantées au potager d’été
Le grand noyer noyé au houppier en épi aux feuillages épais
Qui vit tomber au vent sa frondaison céleste et solitaire
Saignant de son écorce ses fissures écorchées
Où soudain ont coulé les larmes alourdies de sève translucide
A sombré doucement dans mon rêve éveillé
Jeudi 15 septembre 2011-09-15
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Moog : Auprès de mon arbre