Buste de Charles Le Goffic à Lannion par Jean Boucher
Marguerite Philippe (Marc’harit Phulup) est une chanteuse et une conteuse bretonne de la fin du XIX° siècle. Voici comment la décrit F-M Luzel dans ses Gwerziou (*) Breiz-Izel, en 1874 : « Pèlerine par procuration de son état, elle parcourt constamment la Basse-Bretagne en tous sens, pour se rendre (toujours à pied) aux places dévotes les plus en renom. Partout où elle passe, elle écoute, elle s’enquiert et me rapporte fidèlement toutes les chansons, tous les récits divers, toutes les pratiques superstitieuses et les coutumes qu’elle peut recueillir ou observer dans ses voyages. Sa mémoire est prodigieuse, et je n’exagère rien en portant à deux cents environ le nombre de chants de toutes sortes et à cent cinquante le nombre des contes merveilleux et autres qu’elle connaît. Elle demeure au village de Pont-ann-C’hlan, en Pluzunet. »
Grâce aux soins de Mme Mosher, un tombeau lui fut érigé en 1910 dans le cimetière de sa localité. Et c’est Charles Le Goffic qui a composé ce sonnet pour l’inauguration du monument. La conteuse y apparaît telle une ruche poétique, grâce à qui se transmet la mémoire du peuple celte.
Marc’harit Phulup
A Mme Mosher
Elle était la légende en marche vers l’Histoire.
Tous nos vieux saint la connaissaient : Guévroc, Ildut,
Maudez, Efflam, par qui le fourbe est confondu,
Pas un dont elle n’ait révéré l’oratoire.
Un gwerz, là-bas, traînait aux flancs du Ménez-Du,
Dolent comme l’appel d’une âme en Purgatoire,
Et le vivant rouleau de sa souple mémoire
Enregistrait le gwerz aussitôt qu’entendu.
En elle, comme au fond d’une ruche sonore,
S’élaborait le miel d’un sublime folklore :
Mythes et chants s’élevaient d’elle par essaims.
O Marc’harit, témoin suprême du vieil âge,
Avec toi s’est couché sous l’if au noir feuillage
Tout un peuple de dieux, de héros et de saints.
En Bretagne, A Eugène de Ribier
* Dans la musique bretonne, la gwerz (mot breton (pluriel gwerzioù) signifiant ballade, complainte) est un chant racontant une histoire, de l'anecdote jusqu'à l'épopée historique ou mythologique. Les gwerzioù illustrent des histoires tristes ou tragiques (Source : Wikipedia.org/wiki/Gwerz
Charles Le Goffic dessiné par Osterlind en 1907 (Collection particulière)
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Jeudi 16 juin 2011