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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 15:18

 femme marchant de dos

Femme debout, marchant de dos, Bernardino Poccetti (Fin XVI°-Début XVII°)

Le Louvre, Département des Arts graphiques

 

 

 

Tes pas, enfants de mon silence,

Saintement, lentement placés,

Vers le lit de ma vigilance,

Procèdent muets et glacés.

 

Personne pure, ombre divine ;

Qu’ils sont doux tes pas retenus,

Dieux !… Tous les dons que je devine

Viennent à moi sur ces pieds nus !

 

Si, de tes lèvres avancées,

Tu prépares pour l’apaiser

A l’habitant de mes pensées

La nourriture d’un baiser,

 

Ne hâte pas cet acte tendre,

Douceur d’être et de n’être pas,

Car j’ai vécu de vous attendre

Et mon cœur n’était que vos pas.

 

                                    Charmes, 1922

 

Cette suite de quatre quatrains octosyllabiques en rimes croisées occupe une place privilégiée dans mon anthologie personnelle. Je l’ai apprise il y a bien longtemps et j’aime à me la réciter en silence. Peut-être est-ce dû au charme mystérieux qui en émane, enclos déjà dans le titre du recueil Charmes, le terme latin « carmina » signifiant à la fois poèmes et chants magiques.

Sans doute cette prédilection tient-elle aussi à la polysémie du poème, dont on ne sait s’il décrit l’attente de la femme aimée, de la Muse ou encore de la Mort.

J’en aime la simplicité extrême, alliant un lexique abstrait à une expression plus sensuelle, qui baigne dans une discrète aura antique et mythologique. J’en admire la beauté plastique, qui me donne à imaginer cette silhouette féminine intemporelle, venue visiter le poète.

Le poète propose ici un texte clos sur lui-même grâce à la double occurrence du substantif « pas » dans le premier et le dernier vers. Il surprend avec le passage délicat du tutoiement au vouvoiement dans le dernier quatrain, comme s’il souhaitait établir une distance entre cet être mystérieux et lui-même.

C’est ce subtil équilibre entre tous ces éléments qui confère une dimension philosophique quasi mystique à un poème qui nous dit l’intensité extrême de l’instant en suspens, juste avant la rencontre amoureuse, l’acte d’écrire ou la venue de la Mort.

 

 

 

Pour les Jeudis en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par ABC : l’attente

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

V
Je le redis, merci Catheau pour ces analyses de textes qui, exercice formel oblige, nous révèlent la trame des poèmes, n'en oublient pas pour autant de nous dire toute l'histoire -d'amour- que vous<br /> entretenez avec la poésie.<br /> Valdy
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C
<br /> <br /> Avant, je le faisais pour mes élèves ; maintenant, c'est une autre forme de transmission. Merci, Valdy, de ce commentaire amical.<br /> <br /> <br /> <br />
S
Sublime! Une rencontre avec l'absolu. Une belle offrande à vos lecteurs qui met sur un piédestal l'exigence de la simplicité en poésie.J'aime beaucoup vos articles très développés, généreux<br /> lorsqu'ils nous proposent de découvrir, de revenir sur tes textes miraculeux comme celui-ci. Poète, vous êtes aussi une femme de lettres qui n'a pas perdu sa passion de lire et de partager. Merci<br /> infiniment. Suzâme
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C
<br /> <br /> Merci, Suzâme, de votre appréciation juste qui me touche. Je crois que nous avons en commun cette même passion du partage. A bientôt chez vous.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Jolie musique!<br /> <br /> " Et mon coeur n'était que vos pas". Magnifique<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Un écho de pas qui se prolonge indéfiniment. Merci, Martine, de votre commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Après avoir lu votre texte, j'ai relu le poème avec un autre ragard - merci !<br /> Monelle<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Je suis heureuse, Monelle, d'avoir un tant soit peu aiguisé votre regard. A bientôt chez vous.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Merci pour le commentaire du poème, cela me permet d'entrer dans ce texte et d'en découvrir les thématiques qui touchent l'être humain. A nous de le méditer maintenant.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Comme tu le dis, Alice, c'est un poème à méditer en silence.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> J'aime beaucoup ce poème que vous me faites découvrir. Une émouvante sensualité qui s'exprime dans cette attente.<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> C'est cette sensualité discrète qui est en effet un des charmes de ce poème. Merci, Noune.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Grace à vous, j découvre et je l'adopte aussitôt. Plusieurs lectures seront nécessaires pour s'imprègner du fond et de la forme. J'aime cette idée du bonheur de se préparer au bonheur même s'il<br /> peut s'agir de lamort. Bises Dan<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> En parodiant Montaigne, on pourrait dire : "Que poétiser, c'est apprendre à mourir." Un de mes poèmes favoris.<br /> <br /> <br /> <br />

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