L'enfant à la poupée (1904), Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau
Pour l’avoir rencontrée un matin je l’aimai,
Au temps où tout nous dit les gaîtés naturelles,
Quand les arbres sont verts, lorsque les tourterelles
Gémissent de tendresse au clair soleil de mai.
Nos âmes échangeaient de longs baisers entre elles,
Tour riait près de nous, et, dans l’air parfumé,
On entendait des bruits d’amoureuses querelles.
Mon cœur, alors ouvert, depuis s’est refermé.
Et ne me demandez jamais pour quelle cause
Vers un autre côté la fille svelte et rose
A détourné ses yeux doux comme les bluets ;
Car, pour ne pas laisser leurs mains inoccupées,
Les enfants, sans pitié, brisent leurs vieux jouets
Et retirent le son du ventre des poupées !
Joseph-Albert-Alexandre, dit Albert, Glatigny est né à Lillebonne le 21 mai 1939 et mort à Sèvres le 16 avril 1873. Engagé à dix-sept ans dans une troupe de comédiens de passage, il se met à courir la province avec eux, tout en composant des drames historiques en vers. La lecture des Odes funambulesques de Théodore de Banville est pour lui une révélation et il publie en 1857, Les Vignes folles, où l’on peut reconnaître l’influence du maître. Il continue ensuite à écrire sans renoncer à sa vie errante. Il publiera encore deux recueils poétiques, Les Flèches d’or (1864) et Gilles et Pasquins (1872).
Dans ce sonnet, le poète dit pudiquement la douleur déchirante de l’amoureux abandonné. Il le compare à une poupée maltraitée par un enfant. Théodore de Banville disait d’Albert Glatigny qu’il était « un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, qui eût été poète quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte. »
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par M’annette : Jeu, jouet, jouer