La troupe de Cor de Teatre dans Operetta
Qui a dit que l’opéra, « c’est une grosse dame qui chante » ? Dimanche 15 décembre 2013, au Théâtre Beaurepaire à Saumur, la jeune troupe catalane de Cor de Teatre est venue apporter un démenti jubilatoire à cette assertion. Les 21 chanteurs et comédiens y ont en effet interprété, avec une maîtrise technique remarquable et beaucoup d’humour, Operetta, un spectacle de grands airs d’opéra, imaginé et mis en scène par Jordi Puti, sous la direction musicale de David Costa.
Sur une scène où sont disposés tous les accessoires nécessaires à une représentation d’opéra, un machiniste, ployant sous le fardeau, apporte un piano. Il s’essaie sans grand succès au chant tandis que, peu à peu, les chanteurs sortent du piano pour occuper la scène pendant une heure et quart. Ils regagneront à la fin le lieu d’où ils sont venus.
Dans une mise en scène tirée au cordeau, toute en imagination burlesque et en humour décalé, les chanteurs, danseurs, clowns et comédiens de Cor de Teatre vont animer avec entrain une dizaine de grands airs d’opéra. Intégrés dans de courtes scènes qui racontent à chaque fois une petite histoire, ceux-ci retentiront à nos oreilles d’une manière nouvelle.
Après avoir mimé tous les instruments nécessaires à l’entrée de Guillaume Tell, troublée par une joueuse de triangle frustrée, le chœur s’en donne à cœur joie, et a cappella, avec tous les airs célébrissimes. Un inénarrable peloton de cyclistes pédale sur Carmen ; les esclaves de Nabucco revivent dans une gare sous les traits d’un homme et d’une femme de ménage amoureux ; La Traviata est transposée au milieu du tournage bien arrosé d’un film avec une diva ridiculisée ; le célèbre « Réponds à ma tendresse » du Samson et Dalila de Saint-Saëns trouve sa place au milieu d’un corps de ballet déjanté. On n’oubliera pas non plus l’évocation, non dénuée d’une certaine émotion, d’une Callas abandonnée dans « Casta Diva », ni la mise en abyme d’une salle d’opéra troublée par des spectateurs toussant et crachotant, ni non plus l’histoire du Petit Chaperon Rouge, revisitée sous la forme de marionnettes, avec une fin des plus surprenantes.
Utilisant toujours à propos les accessoires, jouant à plein des caractéristiques de son propre physique, faisant résonner sa voix toujours avec justesse et technicité, jouant avec la salle, chaque comédien-chanteur propose sa partition sans voler la vedette aux autres, dans une chorégraphie précise et inventive. On perçoit ici un véritable esprit d’équipe, une euphorie jouissive à jouer, une générosité aussi à partager ces airs si souvent entendus.
Révélée en 2012 au Festival off d’Avignon, habituée des spectacles de rue (ils ont chanté sur les marches de l’Opéra-Garnier pour des Parisiens ravis), la troupe de Cor de Teatre, sans se prendre au sérieux, nous a proposé cet après-midi-là un moment rare de virtuosité musicale, vocale et théâtrale.