J’ai rêvé ma genèse dans la sueur du sommeil,
défonçant
La coquille enroulée, puissant
Comme un muscle moteur au perçage, traversant
La vision et le nerf aussi épais qu’une poutre.
Des membres taillés à la mesure du ver, chassé
De la chair chiffonnée, passé
A tous les laminoirs dans l’herbe, métal
De soleils dans la nuit de l’homme en fusion.
Héritier des veines brûlantes gardiennes de la goutte
d’amour
Avec cette créature précieuse dans mes os j’ai fait le tour
Du globe qui m’a échu en héritage en croisière
En première à travers l’homme dans l’embrayage de la
nuit.
J’ai rêvé ma genèse et suis de nouveau mort, shrapnel
Enfoncé en plein cœur, trou
Dans la plaie recousue et le vent coagulé, la mort
Muselant la bouche gazée.
Vif dans ma seconde mort j’ai marqué les collines,
moisson
De ciguës et de brins, rouillant
Mon sang sur les morts durcis, cherchant
A m’arracher de force à l’herbe.
Et la vigueur s’est propagée dans ma naissance, seconde
Aurore du squelette et puis
Rhabillage de l’âme nue. La race humaine
A giclé comme un crachat de la douleur resoufferte.
J’ai rêvé ma genèse dans la sueur de la mort, tombé
Deux fois dans la mer nourricière, usé
Dans la saumure d’Adam jusqu’à ce que, vision
D’un homme à la vigueur nouvelle, je cherche le soleil.
Dix-huit poèmes, in Ce monde est mon partage et celui du démon, Dylan Thomas,
Traduit de l’anglais par Patrick Reumaux, Points
Je ne suis pas certaine de tout comprendre dans ce poème du Gallois Dylan Thomas (1914-1953). J’en aime cependant la fulgurance des images et la force qui en émane. J’y vois la puissance d’un esprit halluciné parti en quête de ses origines, dans une transe poétique, cosmique et tellurique.
Les thèmes de la coquille et de la nuit, de la mer nourricière, la métaphore du ver, la forme du globe renvoient pour moi à cette vie intra-utérine- voyage et croisière dans un monde clos- dont le poète est issu. Les verbes de mouvement (« arracher », « a giclé »), le champ lexical de la douleur et de la mort (« sang », « douleur », « sueur ») évoquent l’épreuve de la naissance, qui fait accéder le poète à l’humble état d’homme (« crachat ») en quête de l’astre solaire. Quant au champ lexical de la nature, très insistant, il relie l'être au monde dans lequel il naît.
Il y a dans ce texte une énergie vitale admirable, expression des pouvoirs de l’imaginaire, qui m’émeut et me fascine tout à la fois. Marque sans doute de ce poète génial, qui mourut d’une « insulte au cerveau », diagnostic inconnu, selon Fitzgibbon le biographe du poète.
Pour les Jeudis en Poésie des Croqueurs de Mots,
Thème proposé par Mireille : imaginaire