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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 21:30

dylanthomas.jpg

 

J’ai rêvé ma genèse dans la sueur du sommeil,

 défonçant

La coquille enroulée, puissant

Comme un muscle moteur au perçage, traversant

La vision et le nerf aussi épais qu’une poutre.

 

Des membres taillés à la mesure du ver, chassé

De la chair chiffonnée, passé

A tous les laminoirs dans l’herbe, métal

De soleils dans la nuit de l’homme en fusion.

 

Héritier des veines brûlantes gardiennes de la goutte

 d’amour

Avec cette créature précieuse dans mes os j’ai fait le tour

Du globe qui m’a échu en héritage en croisière

En première à travers l’homme dans l’embrayage de la

 nuit.

 

J’ai rêvé ma genèse et suis de nouveau mort, shrapnel

Enfoncé en plein cœur, trou

Dans la plaie recousue et le vent coagulé, la mort

Muselant la bouche gazée.

 

Vif dans ma seconde mort j’ai marqué les collines,

 moisson

De ciguës et de brins, rouillant

Mon sang sur les morts durcis, cherchant

A m’arracher de force à l’herbe.

 

Et la vigueur s’est propagée dans ma naissance, seconde

Aurore du squelette et puis

Rhabillage de l’âme nue. La race humaine

A giclé comme un crachat de la douleur resoufferte.

 

J’ai rêvé ma genèse dans la sueur de la mort, tombé

Deux fois dans la mer nourricière, usé

Dans la saumure d’Adam jusqu’à ce que, vision

D’un homme à la vigueur nouvelle, je cherche le soleil.

 

Dix-huit poèmes, in Ce monde est mon partage et celui du démon, Dylan Thomas,

Traduit de l’anglais par Patrick Reumaux, Points

 

Je ne suis pas certaine de tout comprendre dans ce poème du Gallois Dylan Thomas (1914-1953). J’en aime cependant la fulgurance des images et la force qui en émane. J’y vois la puissance d’un esprit halluciné parti en quête de ses origines, dans une transe poétique, cosmique et tellurique.

Les thèmes de la coquille et de la nuit, de la mer nourricière, la métaphore du ver, la forme du globe renvoient pour moi à cette vie intra-utérine- voyage et croisière dans un monde clos- dont le poète est issu. Les verbes de mouvement (« arracher », « a giclé »), le champ lexical de la douleur et de la mort (« sang », « douleur », « sueur ») évoquent l’épreuve de la naissance, qui fait accéder le poète à l’humble état d’homme (« crachat ») en quête de l’astre solaire. Quant au champ lexical de la nature, très insistant, il relie l'être au monde dans lequel il naît.

Il y a dans ce texte une énergie vitale admirable, expression des pouvoirs de l’imaginaire, qui m’émeut et me fascine tout à la fois. Marque sans doute de ce poète génial, qui mourut d’une « insulte au cerveau », diagnostic inconnu, selon Fitzgibbon le biographe du poète.

 

Pour les Jeudis en Poésie des Croqueurs de Mots,

Thème proposé par Mireille : imaginaire

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

V
J'ai aimé découvrir cette poésie déchirée de la genèse d'un poète ... Naître à l'écriture sans vivre de petites morts ou du moins, sans savoir la souffrance qui parcourt le monde, est-ce possible ?<br /> Rilke, dans "les carnets ..." le dit : " Le beau n'est rien que le commencement du terrible, que nous supposons tout juste et que nous admirons, parce que longanime, il dédaigne de nous<br /> détruire"<br /> PS : je ne retrouve pas votre article sur votre recueil, mais je tiens à vous dire qu'elle m'a emportée (la Louisiane et Icare)
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C
<br /> <br /> La poésie de Dylan Thomas passe par une stupéfiante écriture du corps qui m'impressionne. En tre 15 et 19 ans, il écrit quelques 250 poèmes contre 18 pendant les vingt ans qui lui restent à<br /> vivre. Il y a un mystère Dylan Thomas. Merci d'avoir prêté attention à mon recueil dont Suzâme a parlé avec tant de gentillesse et de sincérite, je le crois.<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bon Vendredi Saint à vous , j' ai bien du mal à comprendre ce poéme mais j' aime ce portrait d'un homme un peu rêveur . Merci Cathy ! ..
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C
<br /> <br /> J'aimerais que John, en tant qu'Anglais, me dise ce qu'il pense de ce poète qu'il connaît. A bientôt au fil.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Bonjour Catheau,<br /> <br /> j'aime assez votre analyse sur ce poème. Un poète que je découvre. Il me semble aussi , que peut-être, il fait allusion à la réincarnation. Aller d'une vie à l'autre pour tendre vers la lumière,<br /> pour progresser... ressenti très personnel.<br /> <br /> Bonne journée à vous Catheau ;)<br /> Martine
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C
<br /> <br /> La naissance est chez Dylan Thomas un thème récurrent. Que se passe-t-il à la naissance étant donné que je ne suis pas seul à naître, que le monde naît avec moi? L'homme est un moi-monde. Une<br /> poésie fascinante. Merci, Martine, d'y avoir été sensible.<br /> <br /> <br /> <br />

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