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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 16:10

  Expo Ionesco

Jeudi 26 novembre 2009, la 5 proposait Un soir à la BNF, dans le cadre de l’Exposition consacrée à Ionesco jusqu’au 03 janvier 2010, hommage exceptionnel à l’auteur de La Cantatrice chauve qui aurait eu cent ans cette année. On y découvre l’écrivain et l’homme, celui qui répondait à la question : « Maître avez-vous des thèmes ? », en disant : « Non, des obsessions ! » L’exposition fait pénétrer le visiteur dans la fabrique d’une œuvre, en présentant des archives inédites, des notes, des manuscrits, des œuvres picturales, etc.

L’écrivain, qui entre en littérature dans les années 1950 avec La Cantatrice chauve, professe son credo : « L’esprit de sérieux est une catastrophe. » A l’époque où règnent en maîtres Sartre, Camus et le théâtre de boulevard, il crée au théâtre des Noctambules sa fameuse « anti-pièce » avec le jeune metteur en scène Nicolas Bataille. « Point de départ de la pièce, écrit [ce dernier] : un couple qui n’a plus rien à se dire après vingt années de mariage, un autre qui ne se reconnaît plus. » Jouée depuis plus de cinquante ans au théâtre de La Huchette, elle est le héraut du « rire supérieur » prôné par Ionesco.

Cette pièce fut une véritable bombe atomique contre le « vieux théâtre » et enthousiasma Queneau et Breton. Louis Malle raconte qu’il alla la voir plusieurs soirs de suite en 1953 et Robert Abirached se souvient que les spectateurs s’y affrontaient comme pour une nouvelle bataille d’Hernani. Si Thierry Maulnier, complètement hermétique, constate : « Il y a d’autres langues, qui ne sont pas étrangères et que je ne comprends pas mieux pour autant », Jacques Lemarchand reconnaît que « le théâtre d’Ionesco est assurément le plus étrange et le plus spontané que nous ait révélé notre après-guerre. »

Cet objet de scandale, contraire à toutes les règles du théâtre, est en fait une parodie du langage, un jeu sur les mots, ce que Ionesco a appelé une « tragédie du langage ». L’idée de la pièce est venue à Ionesco lorsqu’il a essayé d’apprendre l’anglais par le biais de la méthode Assimil. Surpris par la banalité des phrases d’exemples et par leur enchaînement sans rapport entre elles, il décide d’écrire une pièce absurde, intitulée L’anglais sans peine. C’est un lapsus lors d’une répétition qui va transformer le titre originel. L’acteur, qui interprétait le pompier, au lieu de parler dans sa tirade d’« une institutrice blonde » se trompe et parle d’« une cantatrice chauve ».La-cantatrice-chauve.jpg

Ionesco précise dans Notes et Contre-Notes que l’absurde est ainsi venu se surajouter à la simple copie du manuel d’apprentissage, devenant ainsi le moteur de la pièce, grâce à sa volonté de « grossir les ficelles de l’illusion théâtrale». « Les répliques du manuel se déréglèrent […], le langage s’était désarticulé […], le monde m’apparaissant dans une lumière insolite », explique-t-il. Selon le comédien Olivier Achad, jouer la pièce, par ailleurs extrêmement construite, procure un étonnement jubilatoire.

Les mises en scène successives, notamment celle de Jean-Luc Lagarce en 1992, ont mis en lumière les thèmes chers à Ionesco, la douleur de l’être humain, le mystère de la vie.  Lagarce y pousse à l’extrême le non-sens et l’absurde. Avec des personnages-marionnettes, une  dérision conduite à son paroxysme, l’emploi de couleurs acidulées et d’un décor banal, le metteur en scène dénonce le ridicule des bourgeois et leur conformisme.  Voici ce qu’il en dit : « La pièce été jouée en 1950, n’est-ce pas ? Et le succès à La Huchette date de 1957 je crois, l’année de ma naissance. Tout s’est passé avant ma naissance et pourtant c’est une pièce contemporaine ! Ionesco est allé très loin dans la voie de l’absurde, et il n’a pas vraiment eu de successeur, tout comme Beckett d’ailleurs. La Cantatrice est une chose rare. »

Dans Le Magazine littéraire d’octobre 2009, Marie-France Ionesco, la fille du dramaturge, explique ainsi le théâtre de son père : « Mon père en revient toujours à cette expérience dans l’enfance, du théâtre de Guignol au Luxembourg qui lui révéla « le monde à l’état pur ». Son but a été de retrouver l’essence et la magie même d’un théâtre, débarrassé de toute artificialité. Si Rhinocéros, révélateur d’une « réalité tordue » (selon Laurent Pelly, Directeur du Théâtre National de Toulouse), révèle son obsession de la liberté, sa haine des idéologies, sa conviction qu’il n’existe pas de bonne société, c’est bien Le roi se meurt qui l’occupa le plus longtemps. Dans l’exposition, en témoignent « la dizaine de boîtes d’où émergent des versions successives, jusqu’à la pochette renfermant le tapuscrit ». C’est Marie-France Ionesco, alors élève de seconde et qui vient d’étudier Les Oraisons funèbres de Bossuet (« Madame se meurt, Madame est morte »), qui suggère à son père le titre de la pièce. L’exposition révèle la genèse d'une oeuvre qui s’intitula d’abord Rois. On y découvre les brouillons dictés sur des cahiers d’écolier, les croquis, les didascalies. On y recense les « possibilités » de la pièce, les fiches blanches cartonnées sur lesquelles Ionesco notait pensées ou répliques, et les commentaires sur les répétitions : « On devient fou avec ces répétitions, une bonne tout est gagné, une mauvaise tout est perdu. »

Dans ce fonds Ionesco, on finit cependant toujours par retrouver le « vicomte ». A l’origine, c’est un sketch qui s’étoffe peu à peu pour prendre la forme de la pièce Jacques ou la Soumission. C’est « une des pièces de mon père les plus profondément autobiographiques, sur son histoire spirituelle, sur le fait qu’il se sente étranger à ce monde », explique Marie-France Ionesco. Après le cinéma, le dramaturge s’adonnera à la peinture, peignant même pour sa fille une crucifixion ensanglantée. Jusqu’à la fin, il sera hanté par « l’absence-présence de Dieu », ce dont témoigne une de ses ultimes lettres, à Jean-Paul II, dans laquelle il interroge le pape comme un petit garçon qui a peur.

 
Exposition.

Ionesco, BNF, site François Mitterrand, Paris 13°.

Du 06 octobre au 03 janvier 2010. Entrée libre.

 

Catalogue.

Ionesco, sous la direction de Noëlle Giret, Editions Gallimard/ BNF, 192 p., 200 illustrations, 45 euros.

 

Opéra.

Maximilien Kolbe, opéra de Dominique Probst, livret d’Eugène Ionesco.

 

Théâtre.

La Cantatrice chauve, mise en scène de Jean-Luc Lagarce de 1992, reprise au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, du 02 au 21 novembre 2009.

 

DVD.

Le roi se meurt, Editions Montparnasse, captation d’une mise en scène de Jorge Lavelli à la Comédie-Française en 1977, avec François Chaumette, Michel Aumont, 15 euros.

 

Sur www.magazine-littéraire.com

En exclusivité, une visite en images dans l’appartement d’Eugène Ionesco.

Vendredi 04 décembre 2009.Bouquet 3


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commentaires

L
<br /> J'ai découvert Eugène Ionesco il y a déjà quelques années et je dois dire que j'aime beaucoup sa façon d'écrire sans prise de tête et sans complexe.<br /> <br /> Je viens d'ailleurs de poster mon avis sur "La Cantatrice Chauve" sur mon blog...<br /> <br /> <br /> Joli article, je reviendrais ;)<br /> <br /> Bonne continuation !!<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> <br /> Merci, Luna, de votre visite. J'ai souvent étudié La Cantatrice chauve avec mes élèves de seconde. Ils aimaient beaucoup.<br /> <br /> <br /> <br />

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