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Un blog pour lire, pour écrire, pour découvrir et s'étonner. "La Vie a plus de talent que nous" disait Nabokov.

Elle écoute, les yeux serrés, que l'odeur de son père s'en aille


Clélis a dix ans et elle n'aime pas son père. Pourquoi ? Elle ne le sait pas. Peut-être parce qu'il a les cheveux blancs, que ses petites amies lui disent que c'est son grand-père et qu'il sent l'alcool.

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Le soir, dans son lit, elle écoute les bruits de la maison qui s'endort, le balancier de l'horloge, maman qui ferme les persiennes, la porte de la chambre de ses parents qui chuinte doucement et le son de la voix de son père qui s'évanouit dans la pièce. A ce moment, seulement, elle peut s'endormir.

Au réveil, au matin, au petit déjeuner, les yeux de son père fibrillés de rouge se posent sur elle et il lui demande de sa voix éraillée par le vin, le rhum et la cigarette si elle a fait de beaux rêves. Tout son corps alors se crispe et l'angoisse quotidienne pénètre en elle, comme un caillou dans une chaussure dont on ne peut se défaire.

La journée se passe, s'étire mais, en classe, elle demeure toujours les bras et les jambes serrés sur ce quelque chose qu'elle ne peut nommer. Que vais-je devenir ? se répète-t-elle à l'envi et elle a envie de vomir.

Quand elle rentre le soir, c'est toujours la même chose. Dans le petit appartement crasseux au papier déchiré, plane l'odeur qu'elle exècre : c'est celle du tabac refroidi, c'est celle du café qui a bouilli toute la journée sur la cuisinière, c'est celle de l'haleine empuantie de son géniteur, de cet homme qui l'embrasse et dont elle essuie en cachette la salive restée sur sa joue. Le père de sa meilleure amie est jeune, il est grand, il a les yeux clairs et il sent l'after shave bleu. Pourquoi le sien est-il vieux, petit, moche et puant ?

Quand le soir revient, avec des gestes mécaniques, elle prend son journal caché dans le tiroir de sa petite table de bois, sur laquelle elle fait ses devoirs, et, tout en la murmurant, elle écrit sa litanie familière : « Je veux qu'il s'en aille!"

Ecrivez un texte "caviardé" avec la phrase extraite de L'enfant africaine de Hélène Mohone: "Elle écoute, les yeux serrés, que l'odeur de son père s'en aille." (Atelier d'écriture avec le poète Philippe Lonchamp, Juin 2008)
                                                                                                                                                                
                             Juin 2008

 

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C
....bravo !!!...bonne présentation et aussi mise en page...de quoi lire demain..<br /> j aime l illustration,bonne continuation...
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