Chaumière près de Crac'h (Photo Hélène Duriez)
Pousse la porte. Personne. Voici les vers luisants du petit feu dans l’âtre, le banc-coffre, la huche, les lits-clos et, dans le silence enfumé qui sent le pain bis et le lait, le solennel et doux tic-tac de la grande horloge noire où la Mort se tient cachée.
in Poètes bretons d’aujourd’hui, Telen Arvor, 1976
Dans le cimetière de Vannes repose Paul-Alexis Robic (1907-1973), un poète breton méconnu qui n’aura guère quitté le Morbihan. Charles le Quintrec le décrit ainsi : « Il eût aimé, tel un Rimbaud, entrer dans quelque cité interdite quand il n’avait sous les yeux que les rues dépavées de Vannes, les marronniers de la Garenne, et les sabliers du port. »
Car ce fils d’instituteurs de Quistinic, dans la vallée du Blavet, s’il travaillait à terre aux Ponts et Chaussées, avait pour fonction d’étudier les routes maritimes des deux baliseurs le Roi Gradlon et le Logoden. Cet amoureux de Supervielle et de Henry de Monfreid fut ainsi un voyageur immobile, un rêveur qui venait respirer sur les quais l’odeur du large.
Dans ces trois lignes, ce poète discret, qui courut surtout les chemins de son enfance, évoque avec une extrême économie de moyens l’intérieur d’une maison paysanne bretonne, telle qu’il en connut sans doute. Il invite son lecteur à pousser La Porte basse (titre de l’un de ses recueils, 1947) de la chaumière pleine d’un silence que rompt le tic-tac de l’horloge. Il l’entraîne ainsi avec lui dans un quotidien, dont la tranquillité n’est que le masque d’une Mort inéluctable qui guette tout un chacun.
Sources :
Poétique Bretagne, Une anthologie de 32 poètes, Keltia Graphic/ Coop Breizh
www.art-chignaned.com/spip/article :
Revue Art-Mène, n°2, Paul-Alexis Robic, « La Vallée aux loups », par Jean Markale, 1983
Hommage à Paul-Alexis Robic, « T’as le bonjour d’Alfred » par Jean-Paul Kermadec
Pour le Jeudi en Poésie des Croqueurs de mots,
Thème proposé par ABC : le silence