La Nativité, Maurice Denis (Musée des Augustins, Toulouse)
Mon Dieu qui dormez faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.
De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais Vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.
Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? Ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et Vous l’ai donnée.
De bouche, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De main, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encor gênée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De chair, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De mort, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… Ô douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noire, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.
Marie Noël, Le Rosaire des joies
J’aime ce poème de Marie Noël, qui fait parler la Vierge Marie avec la simplicité d’une mère. Celle-ci avoue l’émerveillement devant la naissance et la gratitude d’avoir été choisie pour être la mère de Dieu. Elle donne tout son prix à l’Incarnation en évoquant la bouche consolatrice, la main guérisseuse, la chair qui deviendra Eucharistie, qu’elle-même a façonnées. Enfin, elle dit dans les larmes le mystère de la Rédemption qui doit passer par la mort de son fils. En quelques strophes, tout est accompli.