Antjie Krog (Photo Lit Net)
Les fossiles déterrés ne décrivent pas
Mes yeux bleus passant devant tes yeux
Tes yeux noirs évitant mes yeux
Mon avant-bras blanc se reposant simplement
Le long de ton avant-bras noir
Mes cheveux lisses dormant le long de tes cheveux crépus
Les fossiles décrivent cependant dans la vertèbre la plus fine
La côte continuant de plaindre aveuglément
Le continent qui jadis
Lui était amarré
Le protea incontesté cherchant à humer sa compagne arrachée
Le rocher rouillé en bord de mer pleurant son frère de sang à la dérive
Le fossile sait que jadis tout était attaché
Que nos cœurs se sont scindés
Simplement nous ne savons pas
Pourquoi aujourd’hui nous héritons de cette unicité de pierre
Et de tant d’aversion cinglante
in Une syllabe de sang
Avec ce poème, la poétesse sud-africaine Antjie Krog décrypte avec douleur l’alphabet-fossile, celui qui disait l’unité originelle. Elle y évoque ce temps mythique de la Pangée, avant la dérive des continents, quand la femme blanche et l’homme noir ne faisaient qu’un, quand il n’existait qu’une seule race, celle de l’humanité. Un texte qui dit l’arrachement de la femme du corps du premier homme, la nostalgie d’une époque où le racisme n’existait pas. Terrible constat d’un écrivain entrée en rébellion contre l’apartheid dès l’adolescence. Depuis, la poésie n’a cessé d’être son arme de combat.
Invitée par La Maison des Littératures, Antjie Krog sera à Saumur, salle Beaurepaire, le mercredi 16 octobre 2013, à 20h. Elle y lira ses textes en afrikaans que traduira Georges Lory. La lecture sera suivie d’un échange.