Quittant l’Occident, ses leurres intellectuels et ses amours futiles, j’avais fui vers Hong-Kong, le port aux parfums, espérant que j’y ferai du neuf avec du vieux. Je passai bientôt une grande partie de mon temps au Hong-Kong Café, enfin je devrais dire dans l’arrière-arrière cour du Hong-Kong Café, où se dissimulait la fumerie d’opium, la plus crasseuse que j’aie jamais fréquentée.
Derrière les hautes tentures déchirées d'un rouge délavé, allongé sur un vieux banc laqué de noir et tout brinqueballant, dans la chaleur moite des vapeurs du chandoo, à l’orée du silence, je m’efforçais vainement de me rejoindre moi-même, je tentais désespérément d’accéder à l’harmonie céleste. En vain. La terre des hommes collait à mes pieds fatigués, la houle des bruits de la fête urbaine de Kowloon assourdissait sans cesse mes oreilles, mon hypocrite théâtre intime persévérait à jouer la comédie en moi.
Ce fut par une claire soirée, lavée et essorée par la mousson, qu’il me fut donné de rencontrer celle que depuis je n’ai cessé d’appeler ma Fleur de lune. Ne m’était-elle pas apparue étrangement blanche sur les murs noircis de la fumerie ?
L’amande mi-close de ses yeux, la ténèbre vivante de sa lourde chevelure, le pur ovale de son visage de craie, le frôlement électrique de sa nivale tunique de soie, eurent raison de ma volonté déjà chancelante. Le feu sacré de la passion amoureuse me dévora en un instant, la nostalgie du poisson tropical qui me fouaillait disparut soudain, le fantôme d’écriture qui hantait mes rêves velléitaires réapparut.
Plus rien ne me préoccupa désormais que le secret d’alcôve que sa bouche langoureuse me chuchotait chaque nuit. Derrière le mur originel qu’elle avait érigé pour celer notre amour, je sus que ma seule issue serait d’écrire l’histoire de ce nouvel attachement chinois à l’encre de sang chaud.
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