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Almayer (Stanislas Mehrar) et Nina (Aurora Marion)
La rivière sombre, glissante, mouvante, éclairée par les lueurs d'un trop rare bateau ou les étincelles factices d'un minable feu d'artifice, emmène ces êtres perdus vers la civilisation d'une ville populaire et fourmillante, ou les ramène vers la "folie Almayer". Il s'agit de la pauvre cabane de planches et de roseau qui eut son temps de gloire quand Kaspar Almayer (Stanislas Mehrar, hâve, efflanqué dans sa blondeur mélancolique)s'y installa en quête de l'or. Mais il est vrai que ce titre est polysémique : la "folie" d'Almayer ne réside-t-elle pas dans le fait de demeurer éternellement dans ce qui est devenu un enfer ? Quant au seul compagnon masculin du chercheur d'or, c'est son "boy" (Zac Andianas), d'une fidélité à toute épreuve.
C'est le capitaine Lingard (Marc Barbé), auréolé du surnom de "roi de la jungle", qui l'avait entraîné en quête de ce mythique Eldorado. Il lui avait même fait épouser sa fille adoptive, une Malaise, Dahira (Sakhna Oum) qu'Almayer n'aimait pas. De cette union sans amour était née Nina (Aurora Marion), une "sang mêlé" d'une stupéfiante beauté, objet de l'amour exclusif de son père.
Dans la perspective d'un hypothétique retour en Europe, le capitaine Lingard avait fait éduquer Nina dans une école catholique afin de lui offrir une éducation de "blanche". Elle y avait subi un enseignement rigide, aride, associé à un mépris non-dit face à son métissage. La ritournelle "V'là l'vitrier qui passe" rythme ce temps routinier et sans affection de la pension. Au décès de Lingard, la jeune fille doit quitter le pensionnat (ou s'en échappe) et erre dans ville au milieu des "siens". Elle revient chez son père mais son "cœur est mort". Elle ne sait plus qui elle est, ni ce qu'elle désire, alors que son père, consumé d'amour pour elle, est dans l'incapacité de le lui exprimer.
C'est à ce moment-là que Nina croise la route de Daïn (Zac Andrianasolo), un petit braconnier sans doute assassin, qui tombe éperdument amoureux d'elle. Elle se laissera aimer et le suivra pour espérer échapper à son sort étouffant et sans lumière. Almayer, tenté de les tuer, y renonce, et les laisse partir. La fin du film focalise sur le visage désespéré de ce père à qui tout a échappé, sa quête de l'or, de l'amour de sa fille, et qui murmure des conseils, désormais inutiles et sans destinataire.